Appréciation favorable au créancier des règles probatoires régissant les principaux moyens de défense de la caution

Publié le 28/05/2021
Bail, crédit, créancier
Vectorwonderland/AdobeStock

La Cour de cassation éclaire opportunément les règles probatoires relatives au principe de proportionnalité du cautionnement et au devoir de mise en garde incombant à l’établissement de crédit. En dispensant le créancier bénéficiaire d’avoir à démontrer que la sûreté est demeurée proportionnée au regard des capacités du garant au jour des poursuites et en faisant supporter à la caution qui entend se prévaloir d’un manquement au devoir de mise en garde la charge de la preuve d’un risque d’endettement excessif né du crédit, la haute juridiction rappelle que l’efficacité du droit du cautionnement dépend étroitement de la préservation des intérêts du créancier dans la mise en œuvre des moyens de défense de la caution.

Cass. com., 21 oct. 2020, no 18-25205

1. Idem est non esse et non probari1. Hérité du droit romain, cet adage met en exergue le rôle crucial des règles relatives à la preuve dans la réalisation du droit. Le passage du temps n’en a nullement altéré l’exactitude, ainsi qu’en témoigne un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 octobre 2020. En l’espèce, un établissement de crédit avait consenti à une société un prêt garanti par le cautionnement solidaire de son gérant. La société ayant été placée en redressement puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné la caution aux fins de la voir satisfaire à son engagement. Pour s’y soustraire, cette dernière lui a opposé la disproportion manifeste du cautionnement ainsi qu’un manquement à l’obligation de mise en garde incombant à l’établissement de crédit. Les juges du fond condamnèrent le garant à s’exécuter, incitant celui-ci à former un pourvoi devant la Cour de cassation. Le présent litige donne l’occasion à la haute juridiction de procéder à une clarification opportune des règles probatoires régissant les principaux moyens de défense de la caution, attestant de ce que ces mécanismes ne peuvent se concevoir sans un certain égard pour les intérêts du bénéficiaire de la sûreté. C’est à cette aune que la Cour de cassation dispense le créancier d’avoir à prouver le maintien de la proportionnalité de la sûreté (I) et somme la caution d’avoir à démontrer l’existence d’un risque d’endettement excessif justifiant qu’elle soit mise en garde (II).

I – Le créancier dispensé d’avoir à prouver le maintien de la proportionnalité de la sûreté

2. À tous égards, un cautionnement sans rapport avec le patrimoine du garant est un acte juridique néfaste. Pour la caution, en premier lieu, dans la mesure où un tel engagement fait craindre sa ruine2. Pour le créancier bénéficiaire, en second lieu, car la démesure de cet engagement accentue le risque de son inexécution3. C’est la raison pour laquelle le législateur instaure une exigence de proportionnalité du cautionnement, dont le montant doit être en adéquation avec les capacités contributives du garant4. Jadis fondé sur le droit commun de la responsabilité civile, cet impératif repose en droit positif sur un mécanisme de décharge de la caution, qui interdit au créancier professionnel de se prévaloir d’un cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus du garant personne physique5. La mise en œuvre de cette règle, que la doctrine majoritaire présente comme une forme de déchéance infligée au créancier6, repose sur une subtile répartition de la charge de la preuve entre la caution et le créancier.

3. De jurisprudence constante, c’est à la caution qui prétend échapper à son engagement de rapporter la preuve de la disproportion de la sûreté au regard de ses biens et revenus à la date de sa souscription7. De prime abord, cette exigence paraît sévère, voire « diabolique » en ce qu’elle implique de rapporter la preuve d’un fait négatif8. En outre, la disproportion fût-elle établie au jour de la conclusion du cautionnement, l’efficacité de la sûreté ne s’en trouvera pas nécessairement condamnée. En effet, si le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, l’article L. 332-1 du Code de la consommation réserve l’hypothèse où le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, lui permettrait de faire face à son engagement9. À ce stade, c’est le créancier qui supporte la charge de la preuve10. En l’espèce, le pourvoi entendait exploiter la chronologie particulière qui préside à l’appréciation de la proportionnalité de la sûreté pour tenir en échec les poursuites du créancier. La thèse alléguée consistait à exiger de ce dernier qu’il démontre, lors de la mise en œuvre du cautionnement, que l’engagement souscrit était demeuré proportionné aux capacités financières du garant. L’argument ne prospère pas devant la Cour de cassation. Selon la haute juridiction, dès lors qu’un cautionnement conclu par une personne physique n’était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s’en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée. L’analyse nous semble mériter l’approbation. En effet, si elle constitue l’un des principaux moyens de défense des cautions, l’exigence de proportionnalité n’en doit pas pour autant permettre à ces dernières de se soustraire trop aisément à leurs engagements. Il serait alors à craindre que l’efficacité du cautionnement ne s’en trouve profondément affectée, incitant les créanciers à se tourner vers des garanties alternatives, dont la réalisation ne serait pas ou peu entravée11. De ce point de vue, en s’abstenant d’alourdir la charge probatoire incombant au créancier bénéficiaire du cautionnement, le raisonnement de la Cour de cassation paraît de nature à préserver l’équilibre sur lequel a été bâtie l’exigence de proportionnalité de la sûreté. Dès lors que l’engagement n’était pas manifestement disproportionné par rapport au patrimoine de la caution au jour de sa conclusion, le créancier doit pouvoir se prévaloir de sa garantie sans avoir à prouver que cette sûreté est demeurée proportionnée au jour des poursuites12.

4. La lecture de l’arrêt sous commentaire nous semble laisser en suspens une dernière interrogation relative aux règles probatoires en matière de proportionnalité du cautionnement. Dans l’hypothèse où la sûreté n’était pas manifestement disproportionnée au jour de l’engagement, la caution peut-elle encore entreprendre de rapporter la preuve que celle-ci est devenue disproportionnée au regard de son patrimoine au jour des poursuites ? À notre sens, la lettre de l’article L. 332-1 du Code de la consommation n’est guère propice à une réponse affirmative. Le réexamen de la proportionnalité de la garantie au jour où sa réalisation est sollicitée n’est en effet envisagé que dans l’hypothèse d’une disproportion initiale de l’engagement, qu’un retour à meilleure fortune de la caution permet de rectifier. En toute autre occurrence, le respect des attentes légitimes du créancier paraît devoir prévaloir. Un même souci de protection des intérêts du bénéficiaire de la sûreté s’infère de l’étude des règles probatoires relatives au devoir de mise en garde de l’établissement de crédit.

II – La caution sommée d’avoir à prouver le risque d’endettement excessif donnant lieu à mise en garde

5. Il n’est pas rare de confondre – à tort – l’exigence de proportionnalité du cautionnement avec un autre moyen de défense de la caution : le manquement au devoir de mise en garde incombant au créancier13. Selon une gradation aussi classique que relative, tant ses frontières paraissent diaphanes, la mise en garde revêt une intensité supérieure à la simple information en ce qu’elle impose non seulement de communiquer un certain nombre de renseignements relatifs à une opération déterminée mais encore d’attirer l’attention de son interlocuteur sur les risques, les dangers y afférents14. C’est un tel devoir que la Cour de cassation met à la charge des établissements de crédit, tant à l’égard de l’emprunteur que de sa caution, qui doivent être alertés des risques nés de l’octroi de crédit15. Selon la jurisprudence, deux conditions sont requises pour qu’un manquement au devoir de mise en garde puisse être invoqué. En premier lieu, l’emprunteur ou la caution doit être profane, ou non averti(e). Brevitatis causa, le non averti est celui qui, ne disposant pas des compétences et de l’expérience nécessaires, n’est pas en capacité de prendre conscience par lui-même des risques encourus16. En second lieu, la mise en garde n’est imposée que si le crédit fait naître un risque d’endettement excessif17.

6. Pour apprécier l’effectivité de la protection dévolue à la caution au titre du devoir de mise en garde de l’établissement de crédit, c’est une nouvelle fois aux règles de preuve qu’il convient de prêter attention. En principe, celui qui se prétend créancier d’une obligation d’information – lato sensu – doit en faire la démonstration puisque « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (C. civ., art. 1353)18. La règle s’exprime sous les traits d’un adage : actori incumbit probatio19. C’est dans cette perspective que les premiers arrêts rendus en la matière exigeaient de l’emprunteur ou de la caution invoquant un défaut de mise en garde qu’ils rapportent la preuve des éléments constitutifs d’un tel devoir20. À l’aune de ces principes bien établis, le rejet du pourvoi ne paraissait faire guère de doutes, compte tenu de la modicité des éléments produits par la caution. Cependant, plusieurs arrêts de la Cour de cassation pouvaient laisser augurer un dénouement moins favorable à l’établissement de crédit. En effet, diverses prises de position de la haute juridiction avaient conduit à faire peser sur la banque la charge de la preuve de la qualité d’averti de l’emprunteur ou de la caution – ce qui revenait à présumer que ce dernier était profane, non averti21. Dans ces arrêts, l’exigence probatoire relative à la qualité de l’emprunteur ou de la caution semblait entraîner dans son sillage la charge de la preuve du risque d’endettement excessif22. À raisonner de la sorte, le demandeur estimant n’avoir pas été correctement alerté quant aux risques inhérents à l’opération aurait pu espérer voir prospérer son allégation sans faire état d’éléments de nature à établir l’existence d’un risque d’endettement excessif pour le débiteur principal. L’arrêt sous commentaire prend le contrepied de cette analyse. En effet, la Cour de cassation rejette le pourvoi, jugeant que la caution qui invoque un manquement à l’« obligation »23 de mise en garde de l’établissement de crédit doit rapporter la preuve que son engagement n’est pas adapté à ses capacités financières personnelles ou qu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur débiteur principal.

7. La solution adoptée par la Cour de cassation nous semble des plus opportunes. Certes, elle fait supporter au garant la charge d’une preuve qui peut s’avérer difficile à administrer, spécialement lorsque le contentieux survient plusieurs années après la conclusion du crédit garanti24. Sauf à constater son implication personnelle dans l’activité du débiteur principal – c’est l’hypothèse classique du dirigeant qui se porte caution des engagements souscrits au nom de la société –, la preuve du risque d’endettement excessif eu égard aux capacités financières de ce débiteur paraît ainsi des plus délicates. Elle implique de disposer d’informations sur la situation patrimoniale du débiteur principal, informations auxquelles la caution n’a pas nécessairement accès. Cela étant, dispenser le garant de ce fardeau probatoire nous paraît être une analyse par trop défavorable au bénéficiaire de la sûreté, sur lequel la jurisprudence fait d’ores et déjà peser une part non négligeable du « risque » de la preuve25. Pas davantage que l’exigence de proportionnalité, la protection des cautions fondée sur le devoir de mise en garde de l’établissement de crédit ne doit en effet devenir le moyen pour ces garants de se soustraire trop aisément à leurs engagements, au risque d’attenter à l’impératif de sécurité juridique et, partant, à l’attractivité du cautionnement pour les créanciers. L’arrêt étudié rappelle ainsi que ce n’est qu’au prix de solutions équilibrées, ménageant les intérêts divergents des protagonistes, que peut être assurée la viabilité du droit du cautionnement.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C’est la même chose de ne pas être ou de ne pas être prouvé.
  • 2.
    Legeais D., Droit des sûretés et garanties du crédit, 13e éd., 2019, LGDJ-Lextenso, p. 146, n° 170.
  • 3.
    Bourassin M., L’efficacité des garanties personnelles, thèse, 2006, LGDJ, Paris X, 2006, préf. Brémond V. et Jobard-Bachellier M.-N., p. 39, n° 72, qui souligne que la proportionnalité du montant de l’engagement du garant à ses capacités financières constitue le premier facteur d’efficacité d’une sûreté personnelle.
  • 4.
    Molfessis N., « Le principe de proportionnalité en matière de garanties », Banque et droit 2000, p. 4, n° 71.
  • 5.
    À l’origine réservé aux cautionnements de crédits à la consommation (C. consom., art. L. 314-18, issu de la loi Neiertz du 31 décembre 1989), ce mécanisme de décharge a été généralisé par la loi Dutreil du 1er août 2003, dont est tiré l’actuel article L. 332-1 du Code de la consommation. Aux termes de ce texte, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ». Avant cette date, la Cour de cassation avait jugé que le fait pour un créancier de faire souscrire un cautionnement sans rapport avec les facultés contributives du garant était constitutif d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile (Cass. com., 17 juin 1997, n° 95-14105 : Bull. civ. IV, n° 188 ; JCP E 1997, 1007, n° 44, note Legeais D. ; RTD com. 1997, p. 662, obs. Cabrillac M. ; RTD civ. 1998, p. 157, obs. Crocq P.) avant de limiter l’empire de cette solution quelques années plus tard (Cass. com., 8 oct. 2002, n° 99-18619 : Bull. civ. IV, n° 136 ; JCP E 2002, 1730, 48, note Legeais D. ; Contrats, conc. consom. 2003, comm. 20, obs. Leveneur L. ; RTD civ. 2003, p. 125, obs. Crocq P.). D’un point de vue technique, le recours au droit de la responsabilité civile permet d’attribuer à la caution des dommages et intérêts qui, par compensation avec les sommes dues au titre de son engagement, entraînent sa libération. En droit positif, la règle prétorienne a toujours vocation à s’appliquer aux cautionnements qui ne relèvent pas du champ d’application de l’exigence légale de proportionnalité (v. Legeais D., Droit des sûretés et garanties du crédit, 13e éd., 2019, LGDJ, p. 150, n° 172 ; Barthez A.-S. et Houtcieff D., « Les sûretés personnelles », in Ghestin J. (dir.), Traité de droit civil, 2010, LGDJ, p. 841, n° 1211).
  • 6.
    Legeais D., Droit des sûretés et garanties du crédit, 13e éd., 2019, LGDJ-Lextenso, p. 148, n° 171 ; Aynès L. et Crocq P., Droit des sûretés, 14e éd., 2020, LGDJ, p. 190, n° 189 ; Bourassin M. et Brémond V., Droit des sûretés, 7e éd., 2020, Sirey, p. 212, n° 276 ; Simler P., Cautionnement. Garanties autonomes. Garanties indemnitaires, 5e éd., 2015, LexisNexis, p. 892, n° 880 ; Barthez A.-S. et Houtcieff D., « Les sûretés personnelles », in Ghestin J. (dir.), Traité de droit civil, 2010, LGDJ, p. 839, n° 1208 ; Picod Y., « Proportionnalité et cautionnement. Le mythe de Sisyphe », in Études de droit de la consommation. Liber amicorum Jean Calais-Auloy, 2004, Dalloz, p. 843 et s., spéc. p. 859, n° 33.
  • 7.
    Cass. 1re civ., 7 avr. 1999, n° 97-12828 ; Cass. com., 24 mars 2015, n° 14-11936.
  • 8.
    Barthez A.-S. et Houtcieff D., « Les sûretés personnelles », in Ghestin J., (dir.), Traité de droit civil, 2010, LGDJ, p. 837, n° 1202) : « Cette preuve est particulièrement difficile, d’une part parce qu’il s’agit de la preuve d’un fait négatif, et d’autre part parce qu’une longue période peut s’être écoulée entre le temps de la conclusion du cautionnement et celui où il est appelé ». Compte tenu de la difficulté qu’il y a à produire une telle preuve, les auteurs font état d’une certaine souplesse des juges dans l’appréciation des éléments produits (v. Legeais D., Droit des sûretés et garanties du crédit, 13e éd., 2019, LGDJ, p. 152, n° 175).
  • 9.
    Il a été proposé d’analyser le mécanisme à l’œuvre comme une sorte de condition suspensive d’origine légale, « subordonnant l’efficacité du cautionnement à la proportionnalité de celui-ci au jour où la caution est appelée. Le cautionnement serait en quelque sorte doublement aléatoire, d’une part en ce qu’il tient à la défaillance du débiteur principal, de seconde part en ce qu’il suppose que l’engagement soit devenu proportionné au jour où la caution est appelée » (Barthez A.-S. et Houtcieff D., « Les sûretés personnelles », in Ghestin J. (dir.), Traité de droit civil, 2010, LGDJ, p. 840, n° 1209).
  • 10.
    Cass. com., 1er avr. 2014, n° 13-11313 : Bull. civ. IV, n° 63 ; JCP E 2014, 1292, note Legeais D. ; RD bancaire et fin. 2014, comm. 98, obs. Cerles A. ; D. 2014, p. 1617, obs. Crocq P. ; D. 2014, p. 2481, obs. Aynès A. ; Gaz. Pal. 22 juill. 2014, n° 187m0, p. 22, obs. Pailler P. ; Banque et droit 2014, p. 60, n° 155, obs. Netter E. : « Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation » – Cass. 1re civ., 10 sept. 2014, n° 12-28977 : Bull. civ. I, n° 141 ; D. 2014, p. 2283, note Malet-Vigneaux J. ; Banque et droit 2014, p. 43, n° 158, obs. Netter E. – Cass. com., 1er mars 2016, n° 14-16402. Réciproquement, la caution n’a pas à démontrer que la disproportion caractérisée ab initio perdure au jour des poursuites.
  • 11.
    C’est là l’illustration de la « loi de substitution » mise en lumière par le professeur Cabrillac (v. Cabrillac R., « De la loi de substitution et de quelques-unes de ses applications en droit privé », in Études offertes au Doyen Philippe Simler, 2006, Dalloz, Litec, p. 19 et s.).
  • 12.
    La solution peut être rapprochée d’un arrêt rendu par la cour d’appel d’Agen le 23 mai 2011, qui déduisait de la carence de la caution dans l’administration de la preuve de la disproportion au jour de l’engagement une dispense pour le créancier d’avoir à prouver que le patrimoine de la caution, au moment où il a appelé cette dernière, lui permettait de faire face à ses obligations (CA Agen, 23 mai 2011, n° 10/01350).
  • 13.
    La confusion entre mise en garde et proportionnalité est à l’œuvre auprès des juges du fond, ainsi que l’illustre la cassation d’un arrêt d’appel ayant refusé d’engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde au motif que les engagements litigieux n’étaient pas manifestement disproportionnés, à la date de leur conclusion, au patrimoine du débiteur (Cass. com., 1er juill. 2020, n° 18-24.435 : RD bancaire et fin. 2020, comm. 106, obs. Legeais D.). Pour une étude d’ensemble sur cette confusion entre proportionnalité et devoir de mise en garde, v. Legeais D., « Proportionnalité et cautionnement. Ou l’histoire de deux parallèles qui se croisent », in Gourio A. et Daigre J.-J. (dir.), Mélanges AEDBF, 2013, Revue Banque Éditeur, p. 349 et s., spéc. p. 361, n° 28, qui insiste sur la complémentarité de ces deux moyens de défense dans la mesure où la caution qui ne peut se prévaloir de l’exigence de proportionnalité peut néanmoins se prévaloir d’un manquement au devoir de mise en garde. Adde Albigès C., « Brèves remarques sur le devoir de mise en garde de la caution et l’exigence de proportionnalité », in Mélanges offerts à Geneviève Pignarre. Un droit en perpétuel mouvement, 2018, LGDJ, p. 1 et s.
  • 14.
    Fabre-Magnan M., De l’obligation d’information dans les contrats. Essai d’une théorie, thèse, t. 221, 2014, Paris I, LGDJ, p. 9, n° 11 : « La mise en garde est ainsi plus contraignante que le simple renseignement : elle exige du débiteur non seulement qu’il fournisse une information objective, mais encore qu’il souligne les conséquences, objectives elles aussi, à déduire de cette information, le tout dans une perspective de risque, de danger à éviter ».
  • 15.
    Auparavant mentionné de manière éparse, le devoir de mise en garde de l’établissement de crédit a été porté sur les fonts baptismaux par une série d’arrêts rendus à partir de 2005 (Cass. 1re civ., 12 juill. 2005, nos 03-10115, 03-10115, 03-10291 et 03-10770 : Bull. civ. I, n° 325 ; D. 2005, p. 3094, note Parance B. ; D. 2006, p. 155, obs. Martin D.-R. ; JCP E 2005, 1359, note Legeais D. – Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n° 02-19066 : Bull. civ. I, n° 91 – Cass. com., 3 mai 2006, nos 02-11211 et 04-15517 : Bull. civ. IV, n° 102 ; RTD com. 2006, p. 890, obs. Legeais D. ; D. 2006, p. 1618, note François J. ; D. 2007, p. 753, obs. Martin D.-R. – Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n° 05-21104 : Bull. civ. ch. mixte, n° 7 ; JCP E 2007, 2105, note Legeais D. ; D. 2007, p. 2081, note Piedelièvre S. ; RTD civ. 2007, p. 779, obs. Jourdain P. ; D. 2008, p. 871, obs. Martin D.-R. ; RD bancaire et fin. 2007, n° 5, note Crédot F.-J. et Samin T.).
  • 16.
    Legeais D., Opérations de crédit, 2e éd., 2018, LexisNexis, Traités, p. 396, n° 686 : « L’emprunteur non averti est celui qui n’est pas en mesure d’apprécier par lui-même le risque véritable lié à l’emprunt qu’il se propose de souscrire. L’averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis ».
  • 17.
    Pour une réitération récente sur ce point, v. Cass. 1re civ., 16 mai 2018, n° 17-16782.
  • 18.
    Cass. com., 18 janv. 1982, n° 80-16752 : Bull. civ. IV, n° 20 – Cass. 1re civ., 19 juin 1985, n° 84-10028 : Bull. civ. I, n° 195 – Cass. 1re civ., 15 nov. 1989, n° 87-17266 : Bull. civ. I, n° 349. La règle est désormais expressément consacrée par le quatrième alinéa de l’article 1112-1 du Code civil, siège du devoir d’information en droit commun des contrats, aux termes duquel « il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait ».
  • 19.
    La charge de la preuve incombe au demandeur.
  • 20.
    Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n° 08-11221 : Bull. civ. I, n° 36 ; RTD civ. 2009, p. 536, obs. Jourdain P. ; D. 2009, p. 1179, note Lasserre Capdeville J. – Cass. com., 12 mai 2009, n° 08-15253.
  • 21.
    Cass. com., 17 nov. 2009, n° 08-70197 : Bull. civ. IV, n° 144 ; JCP E 2010, 1000, note Legeais D. ; BJB janv. 2010, n° 8, p. 52, note Cohen-Branche M. – Cass. 1re civ., 19 nov. 2009, n° 07-21382 : Bull. civ. I, n° 231 ; RTD civ. 2010, p. 109, obs. Jourdain P. – Cass. com., 2 mars 2010, n° 09-12828. La même solution a été retenue s’agissant des prestataires habilités à intervenir sur les marchés financiers à la demande de leurs clients, tenus comme les établissements de crédit de mettre en garde leurs interlocuteurs quant aux risques afférents à de telles opérations (Cass. com., 4 févr. 2014, n° 13-10630 : Bull. civ. IV, n° 28 ; BJB mai 2014, n° 111j2, p. 261, note Lécuyer H. ; Gaz. Pal. 17 avr. 2014, n° 172p6, p. 8, obs. Jaouen M. ; JCP E 2014, 1340, obs. Causse H. ; JCP E 2016, 1179, obs. Dondero B. ; RD bancaire et fin. 2014, comm. 72, note Muller A.-C.).
  • 22.
    En ce sens, v. Jourdain P. obs. ss. Cass. 1re civ., 19 nov. 2009, n° 07-21382 : RTD civ. 2010, p. 109 : « La charge de la preuve du risque de l’endettement ne pèse pas sur l’emprunteur, pas plus qu’il ne lui incombe de prouver sa qualité d’emprunteur non averti ».
  • 23.
    On a coutume de présenter l’exigence de mise en garde non comme une « obligation » mais comme un « devoir » incombant à celui qui en est tenu, expliquant que ce vocable « désignerait l’effet sur les individus des normes générales et abstraites qu’ils sont tenus de respecter sous peine de sanctions. Ces dernières relèveraient de la responsabilité civile ou pénale, tandis que l’inexécution des obligations ressortirait au régime du contrat » (Chazal J.-P., « Les nouveaux devoirs des contractants. Est-on allé trop loin ? », in Jamin C. et Mazeaud D. (dir.), La nouvelle crise du contrat, 2003, Dalloz, p. 99 et s., spéc. p. 104). Si la Cour de cassation se réfère en l’espèce à une « obligation de mise en garde », le choix de l’un ou l’autre de ces termes nous paraît essentiellement théorique.
  • 24.
    Lasserre Capdeville J., note ss. Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n° 08-11221 : D. 2009, p. 1179, spéc. n° 8.
  • 25.
    Comme l’explique Motulsky, l’attribution de la « charge » de la preuve est en réalité un mécanisme qui permet l’imputation du « risque » de la preuve. En effet, dans l’hypothèse où les éléments produits par les parties ne parviennent pas à emporter la conviction du juge, « la carence de celle qui se trouve sous le coup de cette charge suffit à entraîner une décision favorable à son adversaire » (Motulsky H., Principes d’une réalisation méthodique du droit privé. La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, thèse, 2002, Lyon, p. 131, n° 117). Sur cette analyse, v. égal. Legeais R., Les règles de preuve en droit civil. Permanences et transformations, thèse, 1955, Poitiers, LGDJ, p. 101 ; Deumier P., Introduction générale au droit, 5e éd., 2019, LGDJ, p. 92, n° 91 : « Si la partie sur laquelle pèse cette charge ne parvient pas à prouver les faits allégués, elle succombera – peu importe que la partie adverse n’ait pas de meilleure preuve » ; Lardeux G., Rép. civ. Dalloz, v° Preuve : règles de preuve, 2019, n° 153.
X