Instauration d’un plafond aux frais bancaires « pour avis à tiers détenteur »

Publié le 04/04/2018

La loi n° 2017-1775 du 28 septembre 2017 de finances rectificative pour 2017 vient encadrer, pour la première fois, le montant des frais bancaires afférents à la saisie administrative à tiers détenteur perçus par les établissements de crédit. Au 1er janvier 2019, ces frais ne pourront pas dépasser 10 % du montant dû au Trésor public.

1. Depuis quelques années l’encadrement juridique des frais et commissions bancaires s’est renforcé avant d’éviter certains abus de la part des professionnels de la banque. Il est vrai qu’en principe, les établissements de crédit sont libres de déterminer les prix qu’ils entendent pratiquer pour les frais et commissions. Ceux-ci devraient normalement être fixés d’un commun accord entre le banquier et son client ; mais tel n’est pas le cas en pratique : ils demeurent imposés par le premier au second et la négociation n’a guère sa place en la matière.

2. Les interventions du législateur ont alors cherché à améliorer l’information des clients à propos de ces frais et commissions1, mais aussi à en encadrer, parfois, les montants. Cette dernière hypothèse nous intéresse plus particulièrement ici. Rappelons que cet encadrement peut prendre, concrètement, deux formes. Il peut s’agir, d’une part, de l’instauration de la gratuité. Cette dernière, relativement rare, peut néanmoins être relevée à propos des services bancaires de base envisagés par l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier en matière de droit au compte2, de la clôture de tout compte de dépôt, compte de paiement ou compte sur livret en cas de mobilité bancaire3 ou encore plus simplement pour la délivrance de formules de chèques4.

3. D’autre part, notre droit a cherché, à plusieurs reprises, à prévoir des plafonds à certains frais et commissions bancaires. Tel a d’abord été le cas, concernant les frais bancaires perçus par le banquier tiré à l’occasion du rejet d’un chèque5 ou à propos des frais relatifs aux incidents de paiement découlant d’un autre instrument que le chèque6. Par la suite, la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires est venue encadrer le montant des commissions d’intervention, c’est-à-dire les commissions ayant pour objet de rémunérer la banque pour le service consistant à analyser la situation financière individuelle du client afin d’apprécier l’opportunité d’autoriser un paiement demandé par ce dernier malgré l’absence de provision. Cette dernière hypothèse est d’ailleurs originale car elle prévoit des plafonds différents en fonction de la qualité du client7. Enfin, plus près de nous encore, un plafond annuel a été prévu aux frais et commissions de toute nature prélevés sur les comptes inactifs8.

4. Mais cet encadrement est-il suffisant ? Une lecture rapide des conditions générales de quelques banques, ou un détour sur le comparateur des tarifs bancaires librement accessible sur internet depuis le 1er février 20169, pousse à répondre à cette question par la négative. Cela est notamment le cas si l’on s’intéresse aux « Frais pour avis à tiers détenteur ».

5. Une explication s’impose ici. Lorsqu’un contribuable n’a pas réglé tout ou partie de ses impôts, la Direction générale des finances publiques peut, après d’autres tentatives pour obtenir le paiement de sa créance, adresser à l’établissement de crédit de l’intéressé un « avis à tiers détenteur » (ATD). Cet acte contraint alors le banquier à renseigner le fisc sur l’état des comptes bancaires de son client et, le cas échéant, à prélever la somme requise pour rembourser la dette fiscale. Cette saisie est strictement encadrée par notre droit10.

6. Or, que la saisie aboutisse ou non (en fonction du solde du compte), la réception par une banque d’une telle ATD nécessite un traitement manuel par un conseiller. Les établissements de crédit facturent alors des « frais pour avis à tiers détenteur » et ce, même si le compte n’a finalement pas été saisi. Ces frais sont d’ailleurs visés par l’article D. 312-1-1 du Code monétaire et financier qui fixe les dénominations communes aux frais et commissions bancaires.

7. Selon l’association des consommateurs CLCV, qui publie chaque année une enquête sur les frais bancaires, l’avis à tiers détenteurs serait facturé aujourd’hui en moyenne 104 € ! Voilà qui peut paraître particulièrement élevé. L’association dénonce d’ailleurs une augmentation continue, depuis plusieurs années, de ces frais11.

8. Face à cette situation, le législateur a souhaité intervenir. Cela a été fait par la loi n° 2017-1 775 du 28 septembre 2017 de finances rectificative pour 201712, suite à un amendement déposé par le député Joël Giraud. L’article 73 de cette loi vient ainsi régir la situation qui nous occupe en modifiant l’article L. 262 du Livre des procédures fiscales.

9. Selon le 5° de cet article, qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2019, « le montant des frais bancaires afférents à la saisie administrative à tiers détenteur perçu par les établissements de crédit ne peut dépasser 10 % du montant dû au Trésor public »13. En outre, et c’est à souligner, un décret doit prochainement venir fixer un plafond applicable en la matière.

10. Voilà une solution bienvenue14. Cependant, elle ne concerne que les frais pour avis à tiers détenteur, c’est-à-dire les dettes fiscales. Elle ne régit donc en rien les frais de saisie-attribution, alors que les montants exigés par les banques sont souvent les mêmes. Une nouvelle évolution de notre droit pourrait donc être envisagée sur ce point…

Notes de bas de pages

  • 1.
    Lasserre Capdeville J., Storck M., Routier R., Mignot M., Kovar J.-P. et Eréséo N., Droit bancaire, 2017, Dalloz, n ° 694 et s.
  • 2.
    C. mon. fin., art. D. 312-6.
  • 3.
    C. mon. fin., art. L. 312-1-7. Cette solution demeure cependant limitée aux comptes précités lorsqu’ils sont détenus par des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels.
  • 4.
    C. mon. fin., art. L. 131-71, al. 2.
  • 5.
    C. mon. fin., art. D. 131-25.
  • 6.
    C. mon. fin., art. D. 133-6.
  • 7.
    Des plafonds s’adressent ainsi, d’une part, aux clients personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels (C. mon. fin., art. R. 312-4-1) et, d’autres part, aux clients bénéficiaires du droit au compte et aux clients en situation de fragilité (C. mon. fin., art. R. 312-4-2). – Sur cette notion de clientèle « fragile », Lasserrre Capdevillet J. et a., op. cit., n° 709.
  • 8.
    C. mon. fin., art. L. 312-19, III.
  • 9.
    www.tarifs-bancaires.gouv.fr
  • 10.
    LPF, art. L. 262 et s.
  • 11.
    Mignot V., « Saisie ATD : à quoi correspondent les frais d’avis à tiers détenteur ? » : CBanque, 25 janv. 2018. – Chez certains établissements, le frais en question dépasseraient les 130 €.
  • 12.
    JO, 29 déc. 2017, texte n° 1.
  • 13.
    Notre droit encadre déjà l’opposition administrative qui, pour mémoire, constitue un mode de recouvrement spécifique des comptables du Trésor pour les amendes et condamnations pécuniaires. Dans un tel cas, le montant des frais bancaires afférents à une opposition administrative perçus par les banques ne peut pas dépasser 10 % du montant dû au Trésor public, avec un plafond variable selon les banques. L. n° 2004-1485, 30 déc. 2004, de finances rectificative pour 2004, art. 128.
  • 14.
    Selon l’exposé sommaire accompagnant l’amendement à l’origine de cette évolution, « une telle mesure semble d’autant plus justifiée que le présent article prévoit la généralisation de la dématérialisation des saisies auprès des établissements bancaire, ce qui réduira mécaniquement leur coût ».
  • 15.
LPA 04 Avr. 2018, n° 134x2, p.4

Référence : LPA 04 Avr. 2018, n° 134x2, p.4

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