Précisions sur les frais intégrés dans le calcul du TEG d’un prêt

Publié le 01/03/2022
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Par son arrêt du 10 novembre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue apporter des précisions quant aux frais devant être inclus par le prêteur dans le calcul du TEG d’un prêt. Elle rappelle, d’une part, que les frais d’information annuelle de la caution n’y sont pas intégrés étant donné qu’ils ne constituent pas une condition d’octroi du prêt. Elle retient, d’autre part, que l’établissement bancaire doit prouver que les frais de l’acte notarié ne sont pas déterminables à la date d’établissement de l’action pour justifier qu’ils n’intègrent pas le calcul du TEG.

Cass. 1re civ., 10 nov. 2021, no 20-14382

La complexité de la détermination du taux effectif global1 est au cœur de quelques arrêts de la Cour de cassation de l’automne 20212, parmi lesquels se retrouve celui rendu le 10 novembre par la première chambre civile afin de préciser quels frais doivent intégrer son calcul.

En l’espèce, un établissement bancaire avait consenti un prêt immobilier à une société civile immobilière, lequel était garanti par un cautionnement. L’emprunteur a assigné la banque en annulation de la clause stipulant l’intérêt conventionnel au motif de l’existence d’une erreur affectant le calcul du taux effectif global. Par un arrêt du 15 janvier 2020 confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand rendu le 10 juillet 2018, la cour d’appel de Riom a débouté l’emprunteur de sa demande. Ce dernier fait grief à cette solution en s’appuyant sur deux arguments, l’un reprochant la non-intégration des frais d’information de la caution dans le calcul du taux effectif global, l’autre estimant que la banque devait prouver son impossibilité à déterminer les frais d’actes notariés du prêt conclu par acte authentique pour justifier leur non-inclusion dans le calcul de ce même taux.

La haute juridiction était donc invitée à s’intéresser à l’interrogation générale portant sur les frais devant intégrer le calcul du taux effectif, et plus spécifiquement, si tel était le cas, des frais d’information annuelle de la caution, d’une part, et des frais de l’acte notarié, d’autre part. Une réponse en deux temps est formulée par la Cour. S’agissant des frais d’information annuelle de la caution, elle retient qu’ils ne constituaient pas une condition d’octroi du prêt, impliquant qu’ils ne puissent être intégrés dans le calcul du taux effectif global. Sur ce point, le raisonnement des juges du fond est validé. S’agissant des frais de l’acte notarié, elle considère, au visa des articles 1315 ancien du Code civil et L. 313-1 ancien du Code de la consommation, que l’établissement bancaire devait prouver que ces frais n’étaient pas déterminables à la date d’établissement de l’acte pour ne pas avoir à les intégrer dans le calcul du taux effectif global. Sur ce point, la solution de la cour d’appel est donc censurée.

Quelques remarques peuvent être apportées sur cet arrêt eu égard à l’intégration des frais d’information de la caution et des frais notariés dans le calcul du taux effectif global.

Sur les frais d’information de la caution. En retenant que les frais d’information annuelle de la caution ne constituent pas une condition d’octroi du prêt et ne s’intègrent pas dans le calcul du taux effectif global, la première chambre civile s’inscrit dans une position établie depuis un arrêt du 15 octobre 20143. Cette jurisprudence est venue compensée l’absence de précisions légales quant à cette exigence alors que la pratique bancaire impute ces frais à l’emprunteur. En effet, ni les articles L. 341-1 et suivants du Code de la consommation, traitant de la détermination du taux effectif global du prêt, ni l’article R. 314-4 du même code, listant les éléments devant intégrer l’assiette du calcul de ce taux, n’évoquaient le sort des frais d’information de la caution. Il appartenait donc aux juges de préciser le sort de ces frais et ils l’ont fait en recherchant s’il s’agissait d’une « condition d’octroi du prêt ». Il était difficilement concevable que ces frais intervenant postérieurement à l’exécution du crédit constituent une telle condition4, sauf à être appréhendés au regard d’une information requise annuellement durant toute l’exécution de la durée du prêt5 ou à considérer que le client négociant le non-paiement de ce coût se verrait refuser le crédit6. L’éclairage apporté par cet arrêt, comme par ceux réitérant la solution posée en 20147, doit, à l’aune de l’entrée en vigueur de la réforme du droit des sûretés, être confronté à une nouvelle réalité légale8. Jusqu’à l’ordonnance du 15 septembre 20219, l’article L. 333-1 du Code de la consommation imposait l’information annuelle de la caution sans qu’il ne soit imposé à l’établissement bancaire d’être tenu des frais liés à la mise en œuvre de cette obligation. Il ne pouvait pas, cependant, facturer ses frais au bénéficiaire de l’information dans le cadre d’un crédit accordé à une entreprise10. À partir du 1er janvier 2022, l’information annuelle de la caution intègre les dispositions du droit civil, l’article 2302 du Code civil reprenant cette exigence d’information à son alinéa 1er, tout en ajoutant à son alinéa 2 que « le créancier professionnel est tenu, à ses frais et sous la même sanction, de rappeler à la caution personne physique le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée » et à son alinéa 3 que l’article s’applique également « au cautionnement souscrit par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise ». Il s’ensuit, qu’à compter du 1er janvier 2022, en application de ce nouvel article, l’établissement bancaire sera tenu des frais d’information annuelle de la caution. Par conséquent, l’interprétation jurisprudentielle, consolidée par cet arrêt, ne sera plus nécessaire pour compenser l’absence des précisions réglementaires consuméristes quant à l’intégration du coût de l’information annuelle de la caution puisqu’elle sera, à compter de l’année nouvelle, à la charge de l’établissement prêteur. La protection impliquée11, de l’emprunteur et de la caution, sera d’autant plus étendue que l’article 2302 nouveau du Code civil s’appliquera aux cautionnements et sûretés réelles pour autrui constitués antérieurement12.

Sur les frais notariés. En retenant qu’il incombait à l’établissement bancaire de prouver que ces frais n’étaient pas déterminables à la date d’établissement de l’acte pour ne pas avoir à les intégrer dans le calcul du taux effectif global, la première chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans la logique de l’intégration dans l’assiette du calcul des frais de l’acte notarié en lien avec le prêt et la prise de garantie dès lors qu’ils sont déterminables. Le critère de la détermination est en effet central dans la jurisprudence rendue sur cette exigence13 comme il l’est dans la lettre de l’article L. 314-1 du Code de la consommation disposant que le calcul du taux doit intégrer « les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature (…) dont le montant peut être déterminé ». Les frais d’un acte notarié sont intégrés en fonction de leur nature dans le champ de cette disposition issue de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016. Avant cette ordonnance, la jurisprudence s’était déjà positionnée en ce sens en considérant que la nature des frais de l’acte notarié conditionnait leur intégration au calcul du taux effectif global14. Désormais, cette précision est énoncée à l’article R. 314-5 du Code de la consommation qui dispose que ne sont pas compris dans ce taux les frais liés à l’acquisition des immeubles mentionnés au a, du 1°, de l’article L. 313-1 du Code de la consommation tels que les taxes y afférentes ou les frais d’actes notariés. Il en résulte que les frais d’actes notariés en lien avec l’acquisition d’un bien immobilier à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation doivent être exclus du calcul du taux effectif global15. En l’espèce, les frais de l’acte notarié étant liés à l’acte de prêt et à la prise de garanties, ils devaient intégrer le calcul du taux s’ils sont déterminables. À cet égard, la Cour de cassation précise que cette détermination incombait au prêteur et non à l’emprunteur, et qu’elle devait s’effectuer à la date de l’acte notarié et non à celle de l’offre de prêt acceptée. Cette solution explique la cassation étant donné que la cour d’appel considérait que l’emprunteur n’avait pas démontré le caractère déterminable de ces frais au moment de l’acception de l’offre de prêt. En effet, il était déjà établi par la jurisprudence que la preuve incombait au prêteur et que la détermination devait se faire à la date de l’acte16. Il s’ensuit que cet arrêt rappelle que les établissements prêteurs devront être vigilants afin de bien mettre en œuvre cette démonstration dans le calcul du taux effectif global.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. not. A. Brunet, « Le TEG, un taux d’embrouille généralisé ? », in Mélanges en l’honneur d’Élie Alfandari, 2000, Paris, Dalloz, p. 231 et s. ; P. Lutz et O. Berg, « Taux effectif global : de plus en plus d’incertitudes », D. 2005, p. 841.
  • 2.
    S’agissant des intérêts et frais dus au titre de la période de préfinancement : Cass. 1re civ., 20 oct. 2021, n° 20-13742.
  • 3.
    Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-19241 : Banque et droit 2015, n° 1-2, p. 39, obs. Th. Bonneau ; RD bancaire et fin. 2015, comm. 4, obs. Th. Crédot et F.-J. Samin ; GPL 19 févr. 2015, n° GPL212t2, obs. S. Piedelièvre.
  • 4.
    P. Bouteiller, « La rémunération de la banque par l’intérêt », RD bancaire et fin. 2015, comm. 2.
  • 5.
    J. Chacornac, « Règles communes aux opérations de crédit », in D. Fenouillet (dir.), Droit de la consommation – Droit interne et européen, 2020, Paris, Dalloz Action, n° 312.86.
  • 6.
    J. Lasserre Capdeville, « Les frais d’information de la caution doivent-ils être inclus dans le taux effectif global ? », LPA 12 sept. 2016, n° LPA120f7.
  • 7.
    Cass. 1re civ., 28 oct. 2015, nos 14-19747 et 14-19757 ; CA Paris, 13 mars 2019, n° 17/02706.
  • 8.
    M. Bourassin, « Obligations d’information annuelle des cautions : vivement la réforme ! », GPL 25 févr. 2020, n° GPL371m4.
  • 9.
    Ord. n° 2021-1192, 15 sept. 2021, portant réforme du droit des sûretés.
  • 10.
    C. mon. fin., art. L. 313-22, al. 2, abrogé par ord. n° 2021-1192, 15 sept. 2021 à compter du 1er janvier 2022.
  • 11.
    V. déjà N. Martial-Braz, note sous Cass. com., 9 févr. 2016, n° 14-22179, « Obligation d’information annuelle de la caution : l’arme fatale de la caution », Rev. sociétés 2016, p. 435.
  • 12.
    Ord. n° 2021-1192, 15 sept. 2021, art. 37-III.
  • 13.
    Par ex. : Cass. 1re civ., 30 mars 2005, n° 02-11171 : D. 2005, p. 2757, note G. Biardeaud et Ph. Flores ; D. 2006, Pan., p. 165, obs. D. R. Martin ; JCP E 2005, n° 47, p. 1974, obs. Ch. Lassalas-Langlais ; RTD com. 2005, p. 575, obs. D. Legeais ; Banque et droit 2005, n° 7-8, p. 69, obs. Th. Bonneau ; RDI 2005, p. 435, obs. H. Heugas-Darraspen – v. égal. Cass. crim., 3 mai 2012, n° 11-84438.
  • 14.
    Cass. 1re civ., 1er oct. 2014, n° 13-22320.
  • 15.
    Cass. 1re civ., 22 sept. 2016, n° 15-19643 ; A. Duval-Stalla et C. Monod, « Un an de jurisprudence du TEG en matière de crédit immobilier », JCP E 2017, n° 13, p. 1129.
  • 16.
    Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n° 02-20664.
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