Vers de nouveaux services financiers novateurs grâce au projet de DSP3
La Commission européenne a présenté en juin dernier des propositions visant à faire entrer les paiements et le secteur financier au sens large dans l’ère numérique. Les nouvelles règles adoptées amélioreront encore la protection des consommateurs et la concurrence dans le domaine des paiements électroniques. Elles donneront aux consommateurs les moyens de partager leurs données de manière sécurisée afin qu’ils puissent bénéficier d’une gamme plus large de produits et de services financiers de meilleure qualité et moins chers. Ces propositions accordent une place centrale à l’intérêt des consommateurs, à la concurrence, à la sécurité et à la confiance. Directeur des relations institutionnelles d’une fintech, Bridge, pionnière de l’Open Banking, Richard Boutet, qui a participé aux consultations autour du projet sur la DSP 3 a répondu aux questions d’Actu-Juridique.fr sur ce nouveau texte qu’il estime être une évolution nécessaire de la DSP 2, pour maximiser la transparence des banques et l’efficacité des interfaces de programmation d’application bancaires. Entretien.
Actu-Juridique : Pouvez-vous nous présenter le projet DSP3 présenté par la Commission européenne ?
Richard Boutet : Le projet DSP 3 a été présenté par la Commission européenne le 28 juin 2023 et s’articule autour de deux textes : un règlement (RSP) qui vise à harmoniser les règles relatives à la fourniture de services de paiement et de monnaie électronique, et qui témoigne d’une forte volonté d’application de la part de la Commission européenne de par sa nature directement applicable sans modifications de la part des pays membres, et une directive, sous autorité nationale, sur les services de paiement et les services de monnaie électronique (DSP3), portant sur l’agrément et la supervision des établissements de paiement.
Les objectifs de la Commission européenne à travers ce projet sont d’accroître le niveau de concurrence sur le marché européen des paiements, d’améliorer la lutte contre la fraude, de renforcer les droits des utilisateurs des services de paiement et la protection du consommateur, et d’améliorer la compétitivité des services d’Open Banking (partage des données collectées par les institutions bancaires sur leurs clients avec d’autres sociétés,NDLR) afin de poursuivre leur implémentation.
AJ : Quel est son apport par rapport à DSP2 ?
Richard Boutet : S’inscrivant dans la continuité de la DSP 2, ce nouveau texte n’est pas une révolution, mais une évolution nécessaire et une réitération de la confiance de l’UE dans les principes de l’Open Banking, à savoir la mise à disposition gratuite et non-contractuelle par les banques d’API dédiées à leur clientèle. Via ce nouveau texte sollicité par les prestataires de services de paiement, la Commission européenne se propose de réparer et de moderniser les failles applicatives de la DSP 2, et d’établir un règlement sur les services de paiement (RSP). En effet, un rapport de la Commission européenne, en 2022, sur l’application de la DSP2 révélait qu’elle n’avait pas atteint tous les objectifs qu’elle s’était fixés et qu’il y avait une forte marge d’amélioration, notamment sur la question du fonctionnement des interfaces de programmation mise en place par la DSP2.
Le but est de permettre aux consommateurs de continuer à effectuer des paiements et des transactions électroniques en toute sécurité en Europe (en euros ou dans d’autres monnaies) et élargir leur choix de prestataires et de services.
AJ : Qu’entend-on par performance des API bancaires ?
Richard Boutet : Une API (interface de programmation d’application) est un ensemble de règles et de protocoles qui facilitent la communication entre deux systèmes informatiques. Dans le contexte bancaire, suite à la DSP 2, l’Open Banking a rendu obligatoire pour les établissements bancaires la mise à disposition gratuite pour leurs clients d’API capables de collecter en toute sécurité et avec l’aval du client, des données bancaires et de proposer des services financiers complémentaires.
Comme cette solution technologique est interopérable, on la définit comme plug & play, soit prêtes à l’emploi, et il y en a de plusieurs types. L’API de consultation de solde, qui permet de consulter le solde d’un compte client pour s’assurer de sa solvabilité, l’API d’agrégation de comptes qui donne une vue d’ensemble au client de ses comptes en une seule application, après authentification, ou encore, les API d’initiation de paiement, qui proposent d’initier des virements bancaires immédiats ou instantanés sans le besoin de se connecter à son compte bancaire. Selon leur performance (rapidité, efficacité, mais aussi fiabilité), les API offrent accès à un certain nombre de services ou les limitent. Leur bon fonctionnement est donc la clé pour la fluidité financière et l’extension du rôle des autorités nationales dans le cadre de la DSP 3, comme de l’ACPR en France, pour s’assurer du respect des critères de performance des API par les banques devrait largement améliorer la situation actuelle.
AJ : À qui s’adresse le projet DSP3 présenté par la Commission européenne ?
Richard Boutet : C’est un projet holistique, qui s’adresse tant aux banques, dans les nouvelles obligations qu’il introduit, qu’aux prestataires de services d’initiation de paiement (TPP), qu’à la protection et à l’information du consommateur, ainsi qu’aux autorités nationales qui voient leur pouvoir accru pour faire respecter la réglementation en vigueur par les banques. Pour s’en assurer, il suffit d’évaluer à qui bénéficient les mesures comprises dans ce projet, de celles plus axées « au consommateur » comme le retrait d’espèces en caisse dans les magasins (le cashback) mais aussi les tableaux donnant de la visibilité sur les accords d’agrément bancaire et de services d’initiation de paiement des banques, qui visent tant les personnes physiques que morales. Par ailleurs, des initiatives comme la fusion des statuts d’établissement de paiement et d’établissement de monnaie électronique concernent les TPP, qui sont à l’origine de la requête d’une DSP 3, comme le texte dans sa globalité concerne bien évidemment les banques, dans les nouvelles obligations qu’elles auraient en cas d’adoption du projet.
AJ : Quel est son objectif ? À quelle échéance ?
Richard Boutet : Le texte, qui vise à moderniser et pallier les failles de la directive actuelle, la DSP 2, devra être voté au printemps 2024, avant les élections européennes prévues en juin, pour une entrée en application 18 mois plus tard. Ce délai est beaucoup trop long à notre avis, dans la mesure où les supports techniques nécessités existent déjà, à l’exception des tableaux de suivi et de gestion des autorisations d’accès aux données de paiement. Les prestataires de services de paiements aimeraient une entrée en vigueur six mois après le vote.
AJ : Quel est l’objectif du déploiement de l’Open banking en Europe ?
Richard Boutet : L’Open Banking ouvre le secteur financier à pléthore d’évolutions vouées à apporter plus de rapidité et de fluidité aux entreprises et aux consommateurs en faisant émerger des services financiers novateurs et renforcer la sécurité en ligne. Ses cas d’usage se sont démultipliés, qu’il s’agisse de fluidifier la comptabilité, d’améliorer la connaissance client, de simplifier la gestion des finances, ou de simplifier le scoring ou l’octroi de crédit, l’Open Banking a étendu le champ des possibles et n’a pas fini de s’étendre.
Bientôt, l’arrivée de la facturation électronique, quoique retardée, introduira une infrastructure technique qui démocratisera le virement instantané ou immédiat Open Banking. En effet, la DSP 2 à ouvert aux ERP et autres logiciels d’entreprise dont les plateformes de dématérialisation privées alternatives au portail étatique font partie, la possibilité de proposer des services d’initiation de paiement. Il s’agit d’un service à forte valeur ajoutée que les plateformes de dématérialisation qui seront déployées à l’arrivée de la facturation électronique peuvent proposer à leur clientèle. Ainsi, une réforme coercitive massive comme celle de la facturation électronique cache en fait une immense opportunité de numérisation des services financiers pour un gain en compétitivité pour les entreprises françaises.
Référence : AJU010z9