L’Île-de-France enregistre des investissements étrangers records
Depuis 2022, l’Île-de-France s’affirme comme une capitale économique majeure. D’après les chiffres de Business France, 1 725 décisions d’investissements en France ont été prises en 2022, permettant de créer ou maintenir 58 000 emplois sur le territoire. Dont 10 900 dans la région Île-de-France, qui, d’après les observateurs, devrait continuer à attirer les investissements. Le point avec Alexia Germont, avocate spécialisée en régulation bancaire et financière et présidente du think tank France Audacieuse, adjointe au maire du XVe arrondissement de Paris en charge du développement économique, des entreprises et de l’emploi. Entretien.
Actu-Juridique : Quelles sont les raisons de l’attractivité de l’Île-de-France pour les entreprises étrangères ?
Alexia Germont : Le socle des décisions d’investissement repose toujours sur les mêmes piliers : la confiance dans l’économie et les institutions, la qualité de la main-d’œuvre ‒ en France elle est chère mais compétente en retour ‒, et un cadre juridique « business friendly », qui offre des allègements en fiscalité. À cela s’ajoute un autre facteur, dont on parle peu : le financement public en matière de recherche et d’innovation. La France est le premier pays de l’OCDE en la matière. En 2017, le président de la République créait le sommet Choose France pour inciter les entreprises étrangères à investir en France. La région Île-de-France dispose de l’agence Choose Paris Region, qui est l’agence de promotion et d’attractivité internationale de la région Île-de-France, dirigée par Alexandra Dublanche, vice-présidente de la région. 120 communes du Grand Paris ont bénéficié de l’aide de Choose Paris. La démarche de la région est intéressante : elle va sourcer les territoires en capacité d’accueil et répondre aux demandes des entreprises qui ont besoin d’un certain nombre de mètres carrés. La région développe également des partenariats publics-privés. Le résultat est là : 2022 a été une année record pour les investissements en Île-de-France, marquée par une augmentation de 40 % des emplois créés dans la production. En avril 2023, le classement des « grandes régions européennes du futur » établi par le Financial Times attribuait la première place à l’Île-de-France.
AJ : D’où viennent ces investissements ?
Alexia Germont : Les investissements viennent essentiellement des Britanniques et des Européens qui représentent à eux seuls 44 % des investissements, mais aussi des États-Unis. Historiquement, le tertiaire tire les emplois en Île-de-France. Les emplois concernent la production de service ; l’industrie est peu présente. En 2022, les investissements étrangers ont principalement été stratégiques, innovants et à forte valeur ajoutée. Les secteurs comme le conseil, l’informatique ou les services financiers comptabilisent près de 200 projets réalisés.
AJ : Quels départements bénéficient le plus de ces investissements ?
Alexia Germont : Trois pôles se dégagent aujourd’hui : dans le Val-de-Marne, le pôle de Marne-la-Vallée est tiré par le parc Disneyland. Dans les Hauts-de-Seine, la Défense attire les activités de service, et le pôle de la finance se consolide comme pôle d’excellence depuis le Brexit. L’arrivée de JP Morgan a été un flux important de business. Enfin, l’Essonne concentre les activités de recherche autour du pôle de Saclay, qui regroupe les filières stratégiques. Les activités de Smart City, de l’économie circulaire, de la mobilité, de la santé, de la Biotech ou de l’informatique y sont représentées. Il ne suffit pas de vouloir attirer des capitaux étrangers : il faut que cela ait un sens et que ces investissements viennent compléter le travail de nos entreprises et répondre à leurs besoins. C’est le cas à Saclay. Tout ce qui est fait autour de l’open innovation est mis à la disposition des strartup françaises. C’est intéressant d’avoir ce grand entonnoir de bonnes idées. Cela permet d’avoir un écosystème favorable, qui donne aux entreprises françaises une capacité de maturité jusqu’à ce que le service produit puisse être commercialisé.
AJ : Pourquoi ces trois zones sont-elles plus attractives ?
Alexia Germont : L’attractivité dépend d’une adéquation entre la typologie de l’activité de l’entreprise, l’accessibilité du territoire et la qualité de vie de la zone. Pour attirer de grandes entreprises, il faut être capable de donner envie à des familles de s’implanter. Quand on raisonne en investissement étranger, il faut donc penser au salarié qui vient, mais aussi à tout son écosystème familial. L’accès à l’enseignement, à la culture, au travail pour le conjoint va permettre à une direction de venir s’implanter. Dans le 92, le critère de la mobilité et de la proximité avec Paris est parfaitement rempli, et les établissements scolaires sont réputés. Le département des Hauts-de-Seine est donc très rassurant pour les familles.
AJ : Paris, en revanche, peine à attirer…
Alexia Germont : Paris manque de foncier disponible. Les grandes entreprises auraient les moyens financiers de s’installer à Paris, mais les grands espaces n’y existent plus. Ces entreprises regardent donc vers la petite et la grande couronne, où il y a encore des terrains disponibles. Pour les Français, être installé avec un siège social à Paris est très emblématique. Pour les entreprises étrangères en revanche, ce qui compte, au-delà de Paris, c’est l’emplacement en France. Parfois, des enseignes étrangères veulent ouvrir à Paris intra-muros car elles misent sur l’image de Paris. Elles viennent ouvrir une boutique, un siège social, des bureaux. Ce sont des projets de moindre ampleur, mais qui peuvent tout de même donner entre 5 et 10 emplois pérennes.
AJ : Quel est le rôle des avocats qui, comme vous, conseillent les entreprises étrangères ?
Alexia Germont : Le droit doit être un moyen et non pas seulement une fin en soi. Le sujet, face à un client étranger, c’est d’expliquer le mode de fonctionnement. Sans rentrer dans le détail, il faut être synthétique et pragmatique pour lui expliquer que ce qu’il pense faisable dans son droit n’est pas nécessairement faisable en France. Pour cela, avoir soi-même vécu à l’étranger peut être un avantage car cela peut permettre au conseil de se mettre dans le schéma de pensée de son interlocuteur et d’anticiper ses demandes. Les Britanniques peinent à comprendre le management social français, et les lourdeurs administratives qui font que l’implantation d’une usine en France prend 17 mois, contre 12 en Allemagne ! Il est très compliqué d’ouvrir un compte bancaire pour une entreprise dont les actionnaires sont extérieurs à l’Union européenne, par exemple. Outre ses compétences juridiques, l’avocat est parfois le premier point de contact des investisseurs étrangers. Parfois, ils ont besoin de s’appuyer sur d’autres partenaires tels que les agents immobiliers ou les institutions scolaires, ou nous demandent quelles sont les bonnes écoles dans la zone. L’avocat, souvent la première personne à qui parlent les directions de ces entreprises, est confronté à des questions très opérationnelles concernant la vie quotidienne dans le pays d’accueil.
Référence : AJU010r2