Le tribunal de commerce de Nanterre fait sa rentrée
L’audience solennelle du tribunal de commerce de Nanterre qui clôturait l’année judiciaire 2016 a permis à la juridiction de présenter des résultats satisfaisants et d’annoncer l’arrivée de sang neuf. Frédéric Dana, récemment élu président du tribunal, a également fait le bilan sur les nouveaux textes législatifs qui ont jalonné l’année écoulée.
Avec 157 695 entreprises immatriculées au registre du commerce et des sociétés, le tribunal de commerce de Nanterre n’est rien de moins que la deuxième juridiction française en la matière. Son audience de rentrée, qui se tenait le 20 janvier dernier, s’est faite sous l’égide d’un nouveau président élu en novembre 2016 : Frédéric Dana, qui remplace ainsi François Chassaing. L’occasion également d’accueillir neuf nouveaux juges, installés au terme de la cérémonie.
Inscrite au Code de l’organisation judiciaire, l’audience solennelle de rentrée permet de constater l’activité d’une juridiction, mais aussi de jeter un regard vers son avenir. Au titre de l’année écoulée, le président nouvellement élu s’est montré satisfait des « marqueurs de qualité » du tribunal. Il a ainsi noté que le pourcentage de décisions frappées d’appel s’élevait seulement à 5,4 % pour les décisions rendues et à 8,3 % pour les décisions de référé. « Nous considérons que ces taux d’appel sont faibles et cela constitue un sujet de satisfaction pour nous », a-t-il commenté à ce sujet. La durée des affaires jugées a, en revanche, augmenté en passant de 13 à 14 mois entre 2015 et 2016, et le président a appelé à un effort sur ce point, précisant qu’il devrait être mené « sans que la moindre atteinte ne soit portée au droit à l’expression complète et contradictoire des moyens et arguments de parties ».
Trois grands axes pour 2017
L’année écoulée a été source d’une grande richesse en matière de production législative ; Frédéric Dana a donc tenu à détailler les trois textes majeurs qui auront un impact sur le fonctionnement de la juridiction. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, tout d’abord, qui conforte le statut des juges consulaires et fait entrer les artisans dans leur champ de compétence, l’ordonnance du 10 février, ensuite, qui réforme le droit des contrats, et enfin le décret du 26 février 2016 qui fixe la liste des tribunaux de commerce spécialisés, applicable à certaines procédures collectives ouvertes et dont le tribunal de commerce de Nanterre fait partie. En écho à ces textes législatifs, le président Frédéric Dana a souhaité définir trois axes à respecter pour cette nouvelle année afin que son tribunal continue à offrir la meilleure qualité de justice possible.
En premier lieu, celui de « la recherche d’une justice plus accessible et mieux acceptée ». Pour y aboutir, le président souhaite que les jugements soient toujours mieux motivés et prévisibles, et que la formation initiale des juges soit renforcée. Un dernier point qui ne doit pas être négligé est la dimension déontologique, sur laquelle l’accent sera mis à l’aide du comité de déontologie et de présentations de sensibilisations faites aux juges.
Le deuxième axe concerne, lui, « le nécessaire accompagnement de la réforme du droit des contrats ». Au regard de Frédéric Dana, cette réforme « bouscule nombre de certitudes du juge, comme de l’ensemble des professionnels du droit ». Les 350 articles réécrits au sein de cette réforme ne font que confirmer le propos. Frédéric Dana a notamment constaté que « l’ordonnance du 10 février 2016 laisse au juge consulaire le soin de donner de la consistance à des notions parfois bien floues. Quid des contours de ce qui est “légitime”, “excessif” ou “substantiel” ? ». Le Code revu contenant désormais quatre fois plus de standards que celui de 1804, aux dires des spécialistes, et le terme « raisonnable » devenant prépondérant. L’objectif du président est que la jurisprudence à venir soit harmonisée, ceci « en relation avec la Conférence générale bien sûr, et si possible au-delà ».
Dernier axe enfin, « l’accentuation de l’effort engagé sur le terrain de la prévention » en continuant à promouvoir les modes alternatifs des règlements des différends et la prévention des difficultés des entreprises. Un mouvement de fond que l’on constate depuis plusieurs années dans les réformes successives de la justice et que l’on retrouve à nouveau dans la loi de modernisation.
Un bilan satisfaisant
L’année 2016 a été studieuse pour le tribunal de commerce de Nanterre, on notera ainsi que le nombre de décisions rendues a progressé de 45 % pour atteindre le chiffre de 39 924 (soit une moyenne de 160 décisions par jour ouvrable). Concernant le contentieux, il y a eu une stabilité sur le nombre de décisions de fond et une légère baisse des décisions de référé. Le président s’est félicité de l’introduction d’une nouvelle procédure de traitement des injonctions de payer qui a permis de réduire le délai moyen de traitement des requêtes de 21 à 6 jours. Une amélioration conséquente qui a été remarquée par les entreprises utilisant ce moyen simple de recouvrement.
L’année écoulée a également été rythmée par de multiples affaires de premier plan qui ont eu un écho national. On peut ainsi citer l’assignation des taxis G7 et de 4 000 de leurs chauffeurs à l’encontre de la société Uber aboutissant à une audience de référé collégiale, mais aussi la décision concernant Doctipharma, filiale de Doctissimo, relative à l’autorisation de vente en ligne des produits pharmaceutiques. Enfin, sur le plan des procédures collectives, on constate un tassement assez net pour le département qui est à mettre en parallèle avec un phénomène analogue à l’échelle nationale. C’est donc une baisse de 10 % des procédures ouvertes et un impact sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées qui est divisée par trois, passant de 1,6 milliard d’euros en 2015 à 500 millions d’euros. La juridiction a conclu en avril 2016 le redressement judiciaire de Bata France (repris par un consortium de sept enseignes) et à celui de The New Case, une filiale du groupe Phone House qui a présenté un plan de continuation sur une durée de dix ans, permettant de sauvegarder 26 magasins et 87 postes. Sur l’ensemble de l’année 2016, c’est 3 101 salariés des Hauts-de-Seine qui auront été concernés par des procédures de sauvegardes et redressements, et par des liquidations judiciaires.