Indications de la CJUE sur la prise en compte du cautionnement dans le calcul de l’assiette du TAEG d’un crédit à la consommation

Publié le 19/05/2025
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Dans un arrêt du 13 mars 2025, la Cour de justice de l’Union européenne apporte des indications sur la prise en compte d’une sûreté dans le calcul de l’assiette du taux annuel effectif global d’un crédit à la consommation. Dès lors que le contrat de cautionnement est exigé par la banque comme une condition d’octroi du prêt, son coût doit être pris en compte dans le calcul du taux annuel effectif global. À défaut, l’établissement de crédit s’expose à des sanctions et notamment à la déchéance du droit aux intérêts.

La détermination du coût du crédit à la consommation est décisive pour le candidat à l’emprunt afin qu’il puisse s’engager en toute connaissance de cause. Le prêteur doit donc être rigoureux dans le calcul de l’assiette du taux annuel effectif global (TAEG), ce taux caractérisant le coût total dudit crédit1. Il doit également informer précisément le client sur le coût du crédit dans la fiche d’informations précontractuelle2 et dans le contrat3.

Pour les consommateurs comme pour les professionnels, des doutes subsistent quant aux éléments devant être pris en compte dans la fixation du TAEG. Le plus souvent, la jurisprudence permet de les lever.

Dans son arrêt du 13 mars 20254, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par une juridiction bulgare, donne des indications sur la prise en compte du contrat de cautionnement dans le calcul de l’assiette du TAEG d’un crédit à la consommation5, ainsi que sur les sanctions envisageables en cas d’erreur dans la détermination de ce taux.

En l’espèce, en vertu des contrats de crédit à la consommation conclus, les emprunteurs étaient tenus de fournir une sûreté, et en particulier un cautionnement auprès d’une entreprise spécialisée dans ce domaine, et a fortiori filiale du prêteur, pour obtenir le prêt ou un déblocage plus rapide des fonds. Concomitamment à la conclusion du contrat de crédit, les emprunteurs ont conclu des contrats de cautionnement prévoyant une rémunération, au profit des sociétés de cautionnement, correspondant à une somme s’additionnant aux échéances de prêt. Le coût de ce cautionnement, représentant plus de 75 % de la somme totale à rembourser au titre des contrats de crédit, n’a pas été inclus dans le calcul du TAEG. Les emprunteurs n’ayant pas honoré leurs engagements de remboursement des échéances, les sommes ont été réglées par les cautions.

Le tribunal de Sofia en Bulgarie décide de saisir la juridiction européenne en lui formulant dix questions préjudicielles, avec une interrogation d’ordre général sur la nécessité de prendre en compte le coût d’un contrat de cautionnement professionnel dans le calcul de l’assiette du TAEG d’un prêt à la consommation.

La réponse de la CJUE présente l’intérêt de rappeler le cadre fixé par la directive portant sur les crédits à la consommation, en particulier s’agissant du coût du crédit : le calcul de l’assiette du TAEG doit prendre en compte, rigoureusement, les éléments imposés par l’établissement de crédit (I), à défaut de quoi ce dernier s’expose à des sanctions civiles voire pénales (II).

I – Le calcul de l’assiette du TAEG

La CJUE se fonde sur la directive du 23 avril 2008 sur les crédits à la consommation pour rappeler le cadre juridique en la matière6.

Conformément à ce texte européen, la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » englobe « tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire »7. Il s’ensuit, selon la juridiction européenne, que les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit sont compris dans ces coûts dès lors que leur conclusion est « obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et des conditions commerciales ».

Par ailleurs, dans la lignée de la jurisprudence antérieure, elle souligne la nécessité de retenir une « définition large » de la notion de « coût total du crédit pour le consommateur » afin que soient pris en compte « tous les coûts que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur ». Sur ce point, elle reprend une solution du 21 mars 2024 apportant, déjà, des précisions sur le calcul du TAEG8. La CJUE précisait alors que relèvent de la notion de « coût total du crédit pour le consommateur », et donc de celle de « TAEG », les coûts relatifs à des services accessoires à un contrat de crédit à la consommation, lesquels accordent au consommateur achetant ces services une priorité dans l’examen de la demande de crédit et la mise à disposition des fonds empruntés, ainsi que la faculté de report du remboursement des mensualités ou de réduction du montant9.

Dans l’arrêt du 13 mars 2025, la juridiction luxembourgeoise reprend cette logique résultant de la directive pour rappeler que, « d’une part, le prêteur doit être présumé connaître les coûts des services accessoires, qu’il propose lui-même ou au nom d’un tiers au consommateur, à moins que leur prix ne dépende des caractéristiques ou de la situation spécifiques du consommateur et, d’autre part, que, même si le montant des coûts de ces services accessoires ne peut être déterminé à l’avance, les consommateurs devraient recevoir au stade précontractuel une information adéquate sur l’existence de tels coûts »10. Ainsi, elle retient que le contrat de cautionnement, imposé par le contrat de crédit à la consommation, constitue un service lié au contrat de crédit et que, dans la mesure où l’emprunteur est contraint de le contracter pour obtenir le prêt, les coûts relatifs à cette sûreté intègrent le « coût total du crédit pour le consommateur » et nécessitent d’être pris en compte pour calculer le TAEG.

La solution de la CJUE est reprise, pour l’essentiel, en droit français. En effet, l’article L. 314-1 du Code de la consommation prévoit que, pour la détermination du taux effectif global du prêt, « sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées », tandis que la Cour de cassation considère que les frais relatifs à un élément constituant une « condition d’octroi du prêt » doivent être pris en compte dans le calcul du TAEG11.

Relevons néanmoins que les frais notariés ne sont pas exclus automatiquement en droit interne alors qu’ils le sont par la CJUE. Par exemple, la Cour de cassation a retenu que l’établissement bancaire doit prouver que les frais de l’acte notarié ne sont pas déterminables à la date d’établissement de l’action pour exclure leur intégration dans le calcul du TAEG12. Un alignement du droit interne sur le droit européen pourrait simplifier ce point.

II – Les sanctions encourues par l’emprunteur

Dans son arrêt, la CJUE revient également sur les sanctions encourues par le professionnel en cas de non-respect du cadre relatif au crédit à la consommation.

En premier lieu, elle rappelle l’importance en application de la directive, pour le consommateur, que le contrat de crédit « mentionne, de façon claire et précise, le TAEG et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit »13. À cet égard, les dispositions consuméristes françaises exigent la mention de ce taux « dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi » par la section 1 intitulée « Taux d’intérêt » du chapitre IV relatif aux « Dispositions communes au crédit à la consommation et au crédit immobilier » prévues par le Code de la consommation14.

En second lieu, elle souligne que le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales « est laissé à la discrétion des États membres » et qu’elles doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives ». Pour autant, elle se positionne en estimant cohérente la sanction qui consiste en la « déchéance du prêteur de son droit aux intérêts et aux frais, en cas d’indication d’un TAEG n’incluant pas l’intégralité desdits coûts ». Elle précise que cela « reflète la gravité d’une telle violation et revêt un caractère dissuasif et proportionné ». Ainsi, la CJUE considère que la directive n° 2008/4815 ne s’oppose pas à ce que, « lorsqu’un contrat de crédit à la consommation ne mentionne pas un TAEG incluant tous les coûts (…), ce contrat soit réputé exempt d’intérêts et de frais, de sorte que son annulation entraîne seulement la restitution, par le consommateur, du capital prêté ».

En droit français, les dispositions consuméristes prévoient des sanctions analogues sur le plan civil et sont complétées de sanctions pénales.

Sur le plan civil d’une part, le Code de la consommation prévoit qu’« en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global (…), le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur »16. Il est précisé qu’en cas d’application de cette sanction, « l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu » – sauf pour les intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu – et que le prêteur doit lui restituer les sommes perçues au titre des intérêts17. Le principe de la déchéance des intérêts est particulièrement efficace et redoutable pour contraindre l’établissement de crédit à respecter les règles de calcul de l’assiette du TAEG étant donné qu’elle l’empêche d’être payé – du moins partiellement – par l’emprunteur. La sanction civile est favorable à ce dernier dès lors que la proportion fixée par le juge s’inscrit dans une logique indemnitaire protectrice du consommateur pour prendre en compte son préjudice. Elle demeure, en outre, pertinente pour réguler le marché en prenant en considération la gravité de la négligence du prêteur.

Sur le plan délictuel d’autre part, le Code de la consommation punit d’une amende de 150 000 € le non-respect des dispositions précédemment énoncées sur la détermination du coût du crédit à la consommation18. Le dispositif précise que les personnes coupables encourent, à titre de peines complémentaires, l’interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, ou d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Cette sanction pénale présente l’intérêt d’être particulièrement dissuasive pour contraindre l’établissement à respecter la réglementation.

La solution de la CJUE du 13 mars 2025 rappelle ainsi que le droit européen comme le droit interne accordent une attention particulière à la détermination du calcul du TAEG d’un crédit à la consommation. Dans leurs pratiques, les établissements de crédit doivent être particulièrement diligents pour respecter ce cadre, au risque d’encourir des sanctions civiles et pénales qui nuiraient à leur image.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. consom., art. L. 311-1, 7°.
  • 2.
    C. consom., art. L. 312-12 – également C. consom., art. R. 312-2.
  • 3.
    C. consom., art. L. 312-28 – également C. consom., art. R. 312-10.
  • 4.
    CJUE, 13 mars 2025, n° C-337/23, APS Beta Bulgaria et Agentsia za kontrol na prosrocheni zadalzhenia.
  • 5.
    C. Hélaine, « Crédit à la consommation et cautionnement professionnel imposé contractuellement », obs. ss CJUE, 13 mars 2025, n° C-337/23, Dalloz actualité, 18 mars 2025.
  • 6.
    PE et Cons. CE, dir. n° 2008/48/CE, 23 avr. 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.
  • 7.
    PE et Cons. CE, dir. n° 2008/48/CE, 23 avr. 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE, art. 3, g).
  • 8.
    CJUE, 21 mars 2024, n° C-714/22, S. R. G. c/ Profi Credit Bulgaria EOOD.
  • 9.
    M. Péron, « Quels éléments intégrer dans le calcul du TAEG ? Des précisions issues du droit européen », obs. ss CJUE, 21 mars 2024, n° C-714/22, LPA 31 août 2024, n° LPA203e9.
  • 10.
    PE et Cons. CE, dir. n° 2008/48/CE, 23 avr. 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE, art. 22.
  • 11.
    Par ex., v. Cass. 1re civ., 6 févr. 2013, n° 12-15.722 : Dalloz actualité, 27 févr. 2013, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2013, p. 2420, chron. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2013, p. 207, obs. H. Heugas-Darraspen ; JCP G 2013, 435, note C.-A. Maetz ; JCP E 2013, 1159, note P. Bouteiller et F.-J. Crédot ; JCP N 2013, 1067, note D. Lepeltier ; Contrats, conc. consom. 2013, comm. 101, obs. G. Raymond ; RJDA 2013, n° 446 ; LPA 4 nov. 2013, p. 15, obs. J. Lasserre Capdeville ; Banque et droit 2013, n° 3-4, p. 31, obs. T. Bonneau ; RDBF 2013, n° 46, obs. N. Mathey.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 10 nov. 2021, n° 20-14.382 : AJDI 2022, p. 44 ; RD bancaire et fin. 2022, comm. 7, obs. N. Mathey ; LPA 31 mars 2022, n° LPA201l4, obs. M. Péron.
  • 13.
    PE et Cons. CE, dir. n° 2008/48/CE, 23 avr. 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE, art. 10, g) – CJUE, 21 mars 2024, n° C-714/22, S. R. G. c/ Profi Credit Bulgaria EOOD.
  • 14.
    C. consom., art. L. 314-5.
  • 15.
    PE et Cons. CE, dir. n° 2008/48/CE, 23 avr. 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE, art. 10, g), § 2 et 23.
  • 16.
    C. consom., art. L. 341-48-1, al. 1er.
  • 17.
    C. consom., art. L. 341-48-1, al. 2.
  • 18.
    C. consom., art. L. 341-49.
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