La vente par le particulier surendetté : une nécessaire autorisation
L’article L. 761-1, 3° du Code de la consommation impose au particulier surendetté qui souhaite vendre son immeuble d’obtenir « l’accord de ses créanciers, de la commission ou du juge ». Cette étude vise à ventiler le destinataire de la demande d’accord, en fonction de l’avancement de la procédure de surendettement ou de la nature de la mesure de désendettement adoptée. Le point est également fait sur les sanctions encourues par la personne et par l’acte, à défaut d’accord.
Le particulier bénéficiant d’une procédure de surendettement conserve le pouvoir de disposer de ses biens1, mais il doit, par principe, obtenir un accord ou une autorisation préalable. Cela s’explique par la nécessité d’assurer la préservation du droit de gage général de ses créanciers. En ce sens, d’une part, l’article L. 722-5 du Code de la consommation énonce que l’arrêt des voies d’exécution « emport(e) interdiction pour le débiteur (…) de faire un acte de disposition », sauf à obtenir du « juge du tribunal d’instance qu’il l’autorise à [l’]accomplir ». D’autre part, l’article L. 761-1, 3° du même code précise « qu’est déchue du bénéfice des dispositions [relatives aux procédures de surendettement] (…) toute personne qui, sans l’accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, (…) aura procédé à des actes de dispositions de son patrimoine ». La sanction de la personne qui disposerait sans autorisation est donc la déchéance, mais l’efficacité de l’acte peut être également gravement affectée.
L’autorisation ou l’accord doit donc émaner du juge du tribunal d’instance, de la commission de surendettement des particuliers ou des créanciers de la personne surendettée. L’exégèse des textes précités permet de définir le domaine d’intervention de ces organes. Une ventilation est à opérer en fonction de l’état d’avancement de la procédure de surendettement. De la recevabilité du dossier jusqu’à l’adoption d’une mesure de désendettement, la demande d’autorisation doit être adressée au juge du tribunal d’instance (I) ; à compter de l’adoption d’une telle mesure et suivant sa nature, l’accord peut émaner soit du juge, soit de la commission, soit des créanciers (II).
I – L’autorisation exclusive du juge avant l’adoption d’une mesure de désendettement
L’article L. 722-5 du Code de la consommation édicte l’interdiction pour la personne surendettée de faire tout acte de disposition de son patrimoine, sans autorisation préalable du juge. Ce texte définit précisément son domaine d’application procédural (A), mais ses modalités de mise en œuvre sont assez floues (B). Quant aux sanctions du défaut d’autorisation, elles sont clairement édictées (C).
A – Le domaine de l’autorisation : pendant l’arrêt des voies d’exécution
L’interdiction de disposer imposée au débiteur est la contrepartie de l’arrêt des voies d’exécution. L’autorisation est donc nécessaire tant qu’il perdure, c’est-à-dire, pour deux ans maximum2 et dès la recevabilité du dossier (1), voire, dès son dépôt (2).
1 – Par principe, dès la recevabilité du dossier
C’est en effet « la décision déclarant la recevabilité »3 du dossier par la commission qui emporte la suspension et l’interdiction des voies d’exécution. Elle constitue donc le fait générateur de l’obligation du débiteur d’avoir à requérir l’autorisation, ainsi que le point de départ de la durée pendant laquelle il doit la solliciter.
L’arrêt des voies d’exécution se poursuit « jusqu’à l’approbation d’un plan conventionnel de redressement (…), jusqu’à la décision [de la commission prononçant des mesures imposées], jusqu’à l’homologation par le juge [de] mesures recommandées (…), jusqu’au jugement prononçant un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou jusqu’au jugement d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire »4. L’autorisation reste donc nécessaire jusqu’à l’adoption d’une mesure de désendettement, telles qu’exhaustivement listées. L’adoption d’une mesure constitue donc le terme de l’obligation pour le débiteur d’avoir à requérir l’autorisation du juge sur le fondement de l’article L. 722-5 précité.
Dans certains cas, elle pourra cependant être requise avant la décision de recevabilité du dossier.
2 – Par exception, dès le dépôt du dossier
La personne surendettée a la possibilité d’obtenir l’arrêt des voies d’exécution dès le dépôt de son dossier, en demandant à la commission de saisir le juge afin qu’il se prononce en ce sens5. Dès ce prononcé, le débiteur doit alors obtenir l’autorisation préalable aux fins de procéder à un acte de disposition6.
L’autorisation préalable doit ainsi être obtenue aussi longtemps que s’applique le principe de suspension et d’interdiction des voies d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur. Mais comment peut-il l’obtenir ?
B – La demande d’autorisation
Il appartient au débiteur de « saisir le juge du tribunal d’instance afin qu’il l’autorise à accomplir »7 un acte de disposition (1) ; son conseil peut l’accompagner dans cette démarche (2).
1 – Une démarche personnelle incombant à la personne surendettée
Cette demande d’autorisation doit être initiée par le débiteur et ce, « par déclaration remise ou adressée au greffe du tribunal d’instance. La déclaration indique les nom, prénom(s) et adresse du déclarant ; elle est signée par lui »8. Cette dernière mention obligatoire induit l’impossibilité de procéder par mandat.
Le notaire peut cependant conseiller le vendeur surendetté en vue d’accélérer l’obtention de l’autorisation (contrôler le contenu de la demande ou aider le client à la rédiger9).
2 – Le contenu de la demande
Sur ce point, les textes ne donnent pas plus de précisions. En toute logique et au regard de l’objet de la demande, certaines précisions semblent utiles. Le CRIDON Sud-Ouest recommande notamment de viser « le fondement [légal] sur lequel l’autorisation ou l’accord est demandé(e) (…) ; le nom, le/les prénom(s), l’adresse et la signature du déclarant ; les éléments relatifs à la procédure de surendettement (date de la décision de recevabilité du dossier par la commission (…)) ; la désignation du bien ; la nature du bien (commun, indivis, propre) ; le prix de vente (…) »10. Par ailleurs, il est conseillé de joindre « le titre de propriété, la promesse unilatérale d’achat (…), l’attestation de valeur émanant du notaire ou l’évaluation de l’immeuble faite par un expert », ainsi que « la décision de recevabilité du dossier par la commission et, le cas échéant, la mesure de désendettement adoptée [et] l’état des créances arrêté par la commission »11.
L’obtention de cette autorisation est primordiale ; cela s’explique au regard des sanctions encourues par l’acte et par le vendeur surendetté qui s’abstient d’en faire la demande.
C – Les sanctions du défaut d’autorisation
En l’absence d’autorisation, l’acte encourt la nullité (1) et la personne surendettée, le risque d’être déchue du droit à bénéficier de la procédure de surendettement (2).
1 – La sanction de l’acte : la nullité
Conformément à l’article L. 761-2 du Code de la consommation, « tout acte effectué en violation (de) [l’]article (…) L. 722-5 (…) peut être annulé ». Or, comme explicité ci-avant, l’article L. 722-5 prescrit qu’à compter de la recevabilité du dossier et jusqu’à l’adoption d’une mesure de désendettement, le débiteur ne peut faire un acte de disposition qu’après avoir obtenu l’autorisation du juge. Il doit s’ensuivre que l’acte, qui serait régularisé pendant cette période et sans autorisation préalable, serait contraire à ce texte et pourrait donc être annulé.
En pratique, cette sanction est assez rarement prononcée. En effet, elle suppose tout d’abord une saisine du juge par la commission12, mais pour cela, encore faut-il que la commission ait connaissance de l’acte litigieux. Par ailleurs, l’action doit être engagée dans le délai d’un an à compter de la passation de l’acte. Enfin, il ne s’agit que d’une nullité facultative ; le juge apprécie donc l’opportunité du prononcé de la sanction.
Quoi qu’il en soit, le notaire doit garder à l’esprit que durant cette première phase de la procédure de surendettement, l’autorisation préalable du juge du tribunal d’instance conditionne l’efficacité de son acte ; il ne saurait donc s’en passer.
Par ailleurs, l’absence d’autorisation fait encourir certains risques à la personne surendettée.
2 – La sanction de la personne surendettée : la déchéance
Le débiteur encourt le risque d’être déchu du droit à bénéficier des dispositions relatives au surendettement des particuliers, lorsqu’il procède à un acte de disposition de son patrimoine, sans l’accord du juge, de la commission ou de ses créanciers, « pendant le déroulement de la procédure de surendettement »13, c’est-à-dire dès la recevabilité du dossier par la commission et jusqu’à l’adoption d’une mesure de désendettement.
Cette déchéance est prononcée « par la commission (…) ou par le juge »14. En pratique, là encore, cette sanction est exceptionnelle, mais ce risque ne doit pas être occulté.
Par conséquent et que ce soit pour assurer l’efficacité de l’acte projeté ou la protection de son client, le notaire doit obtenir du vendeur surendetté qu’il lui communique l’autorisation préalable que ce dernier aura dû requérir du juge du tribunal d’instance. Ce réflexe est à adopter dès la décision de recevabilité du dossier, voire dès son dépôt si le débiteur bénéficie prématurément de l’arrêt des voies d’exécution, et jusqu’à l’adoption d’une mesure de désendettement.
Mais qu’en est-il postérieurement ?
II – L’accord préalable du juge, de la commission ou des créanciers après l’adoption d’une mesure de désendettement
L’article L. 761-1 du Code de la consommation prescrit qu’à défaut d’accord, le particulier surendetté encourt la déchéance. Ce texte, inséré dans le titre VI du Code de la consommation intitulé : « sanctions », est une disposition commune à l’ensemble des phases de la procédure de surendettement et trouve donc à s’appliquer même après l’adoption d’une mesure de désendettement et tout au long de son exécution (A). La demande d’accord préalable nécessite cependant de maîtriser quelques subtilités, non explicitées par le texte (B). Quant aux sanctions, cette seconde phase de la procédure du surendettement laisse apparaître plus de souplesse que pendant la phase d’instruction du dossier ci-avant analysée (C).
A – Le domaine de l’accord : à compter de l’adoption d’une mesure de désendettement
Par principe, l’accord préalable reste nécessaire pendant l’exécution d’une mesure de désendettement (1), mais de manière exceptionnelle, le débiteur pourra s’en passer (2).
1 – Un accord préalable nécessaire pendant l’exécution de la mesure
Concrètement, le débiteur doit justifier d’un « accord de ses créanciers, de la commission ou du juge (…) pendant le déroulement de la procédure (…) de rétablissement personnel ou pendant l’exécution d’un plan ou des mesures (imposées ou recommandées) ». Ainsi, quelle que soit la mesure de désendettement adoptée15, le débiteur doit obtenir cet accord, étant précisé qu’« une autorisation obtenue postérieurement ne peut juridiquement pas régulariser la situation »16.
Une exception doit cependant être relevée.
2 – Sauf lorsque la mesure prévoit la vente du bien
En effet, parfois, la mesure dont bénéficie la personne surendettée, prévoit expressément la vente du bien : l’échéancier constituant la mesure de désendettement est ainsi suivi d’une observation selon laquelle la mesure est destinée à permettre la vente du bien du débiteur. Dans ce cas, il faut tenir cet accord pour acquis ; il émanera de la commission si la vente du bien est visée au sein de mesures imposées ou recommandées, ou des créanciers en présence d’un plan conventionnel de redressement, ces organes concourant respectivement à l’adoption de ces mesures. Le particulier surendetté n’a alors pas à requérir d’accord exprès. C’est du moins la position unanimement retenue par la doctrine s’étant prononcée sur cette question17.
La vente peut ainsi être régularisée, conformément aux stipulations contenues dans ces mesures, notamment en ce qui concerne le prix de vente qui peut y est précisément fixé. Dans cette hypothèse, des difficultés pratiques peuvent surgir lorsque le marché de l’immobilier fluctue à la baisse entre l’adoption de la mesure et la régularisation de l’acte de vente18. Pour éviter ce genre de problématiques, certaines commissions visent désormais une vente « au prix du marché ».
Toutefois, si la mesure ne fait aucune référence à la vente, le principe de l’accord préalable redevient nécessaire. Il appartient alors à la personne surendettée d’initier cette demande.
B – L’auteur de l’accord préalable
Conformément à l’article L. 761-1 du Code de la consommation, le débiteur doit donc justifier de l’obtention d’un « accord de ses créanciers, de la commission ou du juge ». Quant à savoir comment l’obtenir, les propos ci-avant développés, relatifs au contenu de l’autorisation à requérir auprès du juge, avant l’adoption d’une mesure de désendettement, peuvent être repris. Quant à la forme de la demande, si elle est adressée à la commission ou aux créanciers, à défaut de précision dans les textes, il semble que le débiteur ait à procéder par courrier.
Quant à l’organe apte à délivrer l’accord préalable, il s’agirait indistinctement du juge du tribunal d’instance, de la commission de surendettement des particuliers ou des créanciers de la personne surendettée. Est-ce une réelle alternative, un choix, laissé(e) à l’appréciation de la personne surendettée et ce, quelle que soit la mesure de désendettement adoptée ? Au contraire, une ventilation des organes desquels l’accord peut émaner, doit-elle être envisagée ?
Sur ce point, la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de se prononcer. La doctrine est assez discrète ; le texte est souvent cité mais la question n’est pas réellement abordée. Certains se réfèrent parfois à une « attribution exclusive de chacun de ces trois organes »19. C’est également notre avis : une ventilation doit être opérée. Le juge ne semble pouvoir être saisi que durant la période précédant l’adoption d’une mesure de désendettement, tel que présenté ci-avant, ou au cours d’une procédure de rétablissement personnel (1) ; pendant l’exécution d’un plan conventionnel de redressement, il appartiendrait au débiteur de s’adresser à ses créanciers (2). La commission serait enfin destinataire de cette demande pendant l’exécution de mesures imposées ou recommandées (3).
1 – L’accord du juge au cours d’une procédure de rétablissement personnel
L’analyse des documents parlementaires ayant présidé à l’adoption de cette disposition-sanction permet de conforter notre position. Élaboré en plusieurs temps, ce texte a été ajouté par voie d’amendement en vue « d’introduire un article additionnel destiné à exclure du bénéfice des procédures collectives les débiteurs de mauvaise foi »20. Il visait alors uniquement l’hypothèse d’un acte de disposition, non autorisé par le juge, « pendant le déroulement de la procédure amiable ou judiciaire »21, c’est-à-dire, à l’époque, pendant le déroulement de la phase d’instruction du dossier préalablement à l’adoption d’un plan conventionnel de redressement ou pendant la procédure de redressement judiciaire civil. C’est aujourd’hui toujours le cas. En effet, avant l’adoption d’une mesure de désendettement et en vue d’obtenir l’autorisation de procéder à un acte de disposition, « le débiteur peut saisir le juge du tribunal d’instance »22, comme exposé ci-avant ; pendant le déroulement d’une procédure de rétablissement personnel, « le juge [est] saisi par le débiteur d’une demande tendant à l’autoriser à aliéner ses biens »23.
Cependant, lorsqu’une autre mesure de désendettement est adoptée, il n’existe pas de disposition fondant une telle saisine. Aussi, « on ne voit pas sur quel fondement légal pourrait en conséquence s’appuyer pareille requête »24. D’ailleurs, par principe, « le juge du tribunal d’instance est saisi par la commission »25. Ce n’est que par exception que le débiteur a un accès direct au juge lorsque cette « saisine directe du juge par une partie est prévue »26 par les textes.
Or, l’article L. 761-1 du Code de la consommation (selon lequel le débiteur ne peut procéder à un acte de disposition de son patrimoine sans accord) n’édicte pas le principe d’une saisine du juge par le débiteur. Cette disposition consacre seulement une sanction, encourue en l’absence d’accord. Ce texte ne doit donc aucunement être analysé comme pouvant fonder la saisine du juge pendant l’exécution d’un plan, de mesures imposées ou de mesures recommandées.
Le débiteur doit-il alors s’adresser à la commission ou à ses créanciers ?
2 – L’accord des créanciers pendant l’exécution d’un plan conventionnel
D’autres amendements ont ensuite complété le dispositif étudié en intégrant la possibilité de demander cet accord aux créanciers « pendant l’exécution du plan »27. Ce double ajout (de l’organe et de la mesure) est significatif : le débiteur n’a à requérir l’accord de ses créanciers que pendant l’exécution d’un plan conventionnel. Ceci est tout à fait logique, notamment au regard de la pratique consistant à arrêter des plans prévoyant la vente des biens.
Mais lorsque le plan ne prévoit pas cette vente, les créanciers peuvent-ils autoriser le débiteur à passer un tel acte de disposition ? Les textes ne le précisent pas. Cependant, le plan de redressement étant une convention conclue entre les créanciers et le débiteur, rien ne semble s’opposer à ce que cette convention soit modifiée sur le consentement de toutes les parties. Cela suppose alors l’obtention de l’accord de chacun des créanciers du plan. Les démarches doivent donc être démultipliées et il faut en déduire que le refus d’un créancier seulement emporte l’impossibilité d’obtenir « l’accord des créanciers ».
Reste encore à définir le domaine d’intervention de la commission.
3 – L’accord de la commission pendant l’exécution de mesures imposées ou recommandées
L’apparition de la commission, dans le texte, comme autorité de laquelle peut émaner l’accord, coïncide à l’ajout d’une nouvelle hypothèse : celle des mesures recommandées et ce, parallèlement à l’attribution du pouvoir de recommandation octroyé à la commission, par la loi 8 février 199528. Elle devrait également, à notre sens, pouvoir délivrer l’accord dans le cadre des mesures imposées, ce pouvoir d’imposer ne lui ayant été concédé que postérieurement, par la loi du 1er juillet 201029. Le domaine de la délivrance de l’accord par la commission est donc strictement limité aux mesures imposées et aux mesures recommandées.
Par conséquent, il existe bien une ventilation à opérer entre les organes de délivrance de l’accord, en fonction de la nature de la mesure de désendettement adoptée. Les domaines d’intervention du juge, de la commission et des créanciers sont donc distincts et exclusifs. L’élaboration des textes, les fondements relatifs à la saisine du juge et la logique inhérente à la procédure de surendettement et aux différentes mesures de désendettement y président.
Les conséquences du défaut d’accord au cours de cette seconde phase procédurale doivent maintenant être précisées.
C – Les sanctions du défaut d’accord préalable
Si postérieurement à l’adoption d’une mesure de désendettement, l’efficacité de l’acte n’est qu’exceptionnellement affectée (1), l’accord doit être requis aux fins d’éviter le prononcé de la déchéance à l’encontre de la personne surendettée (2).
1 – La sanction de l’acte : des cas de nullité plus limités
La sanction de l’acte doit être recherchée au regard de l’article L. 761-2 précité, selon lequel tout acte « effectué en violation des articles (…) L. 732-2, L. 733-1, L. 733-2 et L. 733-7 » peut être annulé ; sont respectivement visés le plan conventionnel, les mesures imposées et les mesures recommandées.
L’article L. 732-2 indique qu’un plan conventionnel de redressement peut comprendre des mesures subordonnées « à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement d’une dette [ou] à l’abstention par le débiteur d’actes qui aggraveraient son insolvabilité ». Ainsi, à imaginer que le plan impose au débiteur de conserver un bien à titre de garantie ou en prohibe la vente, l’aliénation de ce bien serait contraire à l’obligation de ne pas faire, imposée au débiteur dans le plan. Il doit en être de même d’une vente effectuée à un prix inférieur à celui édicté par le plan. De telles ventes entraîneraient alors une violation des mesures arrêtées dans le cadre du plan, c’est-à-dire, arrêtées conformément aux dispositions de l’article L. 732-2. Par extension, il pourrait être soutenu que la vente a été effectuée en violation de ce texte, ce qui permettrait d’en rechercher la nullité. Et s’il est vrai que le raisonnement par extension n’est pas spécialement satisfaisant, l’hypothèse ici visée semble bien être un des seuls cas30 qui pourrait caractériser une « violation de l’article L. 732-2 », au sens de l’article L. 761-2 du Code de la consommation, édictant les cas de nullité. Le raisonnement est transposable aux actes passés en violation de mesures imposées ou recommandées, consacrées aux articles L. 733-1, L. 733-2 et L. 733-7, visés dans le texte édictant la nullité.
Par ailleurs et en ce qui concerne le plan conventionnel, la régularisation d’un acte passé en violation des stipulations qu’il comprend, emporterait une violation du contrat conclu entre le débiteur et ses créanciers, ce qui pourrait en entraîner la caducité31.
Ainsi, pour assurer l’efficacité de son acte et pour protéger le débiteur de la caducité des mesures de désendettement dont il bénéficie, le notaire doit vérifier le contenu de ces mesures, ce qui implique qu’il en ait obtenu communication de la part de son client.
2 – La sanction de la personne surendettée : la déchéance, encore et toujours ?
L’article L. 761-1, 3° du Code de la consommation précise que le débiteur qui procède à un acte de disposition sans obtenir l’accord encourt la déchéance. Aussi, à défaut pour la mesure de prévoir la vente du bien et à défaut d’accord exprès, le débiteur ne pourrait donc pas passer l’acte sans risque de déchéance. Persistant dans sa volonté de vendre, il pourrait toujours procéder au re-dépôt de son dossier, près de la commission. Il demandera alors, dans le cadre de l’élaboration de nouvelles mesures, à être autorisée à vendre son bien immobilier. Toutefois, le re-dépôt du dossier suppose la réunion de certaines conditions, telle l’aggravation de sa situation ou la caducité des mesures dont il bénéficiait. De plus, le temps nécessaire à l’accomplissement de cette démarche risque d’être incompatible avec la nécessité parfois urgente de régulariser la vente. Ce n’est donc pas satisfaisant.
Aussi, à admettre que l’efficacité de l’acte puisse être assurée (ce qui suppose qu’une mesure de désendettement ait été adoptée et que l’acte projeté ne la contrarie pas), le notaire serait-il réellement fondé à opposer un refus d’instrumenter à la personne surendettée qui persisterait dans sa volonté de vendre en toute connaissance de cause ? La reconnaissance d’avis donné visant l’article L. 761-1, 3° ne peut-elle pas permettre de pallier le défaut d’accord ? Selon nous, lorsque le débiteur bénéficie d’une mesure de désendettement et uniquement dans cette hypothèse (ce qui exclut la phase d’instruction du dossier visée dans la première partie de ces développements), la réponse doit être positive32, notamment lorsque le prix de vente permet d’apurer la situation de surendettement.
Notes de bas de pages
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1.
En effet, il n’est pas dessaisi sauf en cas d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel et lorsqu’est prononcée la liquidation de ses biens.
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2.
C. consom., art. L. 722-3, al. 2.
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3.
C. consom., art. L. 722-2.
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4.
C. consom., art. L. 722-3.
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5.
C. consom., art. L. 721-4.
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6.
Les règles applicables postérieurement à la recevabilité du dossier le deviennent alors dès le dépôt (C. consom., art. L. 721-6).
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7.
C. consom., art. L. 722-5, al. 2).
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8.
C. consom., art. R. 713-2, al. 2).
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9.
Pour un exemple de lettre-type à adresser en vue de l’obtention de l’autorisation : Cazajus M. et Saintourens B., « Modèle de lettre à adresser par le particulier surendetté, au juge du tribunal d’instance, à la commission de surendettement des particuliers ou à chacun des créanciers de sa procédure de surendettement », NotaBene n° 212, juin 2016, 4e de couv.
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10.
Cazajus M. et Saintourens B., « La vente de l’immeuble par le particulier surendetté : l’exigence d’une autorisation préalable », NotaBene n° 212, juin 2016, fiche 861, spéc. p. 2.
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11.
Ibid.
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12.
C. consom., art. L. 761-2.
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13.
C. consom., art. L. 761-1, 3°.
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14.
C. consom., art. L. 721-3.
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15.
Il faut réserver le cas d’un rétablissement personnel avec liquidation judiciaire, lorsqu’est prononcée la liquidation des biens du débiteur (C. consom., art. R. 742-23).
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16.
Ledan-Cabarroque S., « La vente de la résidence principale appartenant à un propriétaire surendetté », Rev. proc. coll. 2016, dossier 6, § 18.
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17.
Ledan-Cabarroque S., « La vente de la résidence principale appartenant à un propriétaire surendetté », Rev. proc. coll. 2016, dossier 6, § 17 ; Detter R., « La vente d’immeuble par un propriétaire surendetté », Cah. CRIDON Lyon n° 64-2012, p. 14, spéc. p. 17.
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18.
Dans ce cas, seul le re-dépôt du dossier semble envisageable.
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19.
Ferrière F. et Avena-Robardet V., Surendettement des particuliers, 2012/2013, 4e éd., Dalloz, p. 198, § 251.12.
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20.
Avis n° 43 présenté au Sénat, par M. L. Lanier, annexé au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1989, p. 29, 5.
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21.
Débats parlementaires au Sénat, compte rendu intégral, 23e séance, 13 nov. 1989, p. 3213, amendement n° 23.
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22.
C. consom., art. L. 722-5, al. 2.
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23.
C. consom., art. R. 742-10.
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24.
Khayat D., Le droit du surendettement des particuliers, LGDJ, coll. Systèmes, 1997, p. 49.
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25.
C. consom., art. R. 713-2, al. 1.
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26.
C. consom., art. R. 713-2, al. 2.
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27.
Débats parlementaires au Sénat, compte rendu intégral, 23e séance, 13 nov. 1989, p. 3213, amendement nos 44 et 117.
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28.
L. n° 95-125, 8 févr. 1995, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. V. égal. : Vigneau V., « La réforme du surendettement (L. n° 2003-710, 10 août 2003) », La revue des Huissiers de Justice – Droit et Procédures mars-avr. 2004, n° 2, p. 67, § 6.
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29.
L. n° 2010-737, 1er juill. 2010, portant réforme du crédit à la consommation : Lauriat A., « La réforme du droit du surendettement des particuliers par la loi du 1er juillet 2010 », D. 2010, p. 2593, § 33.
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30.
L’autre hypothèse concerne la souscription de prêts.
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31.
C. consom., art. R. 732-2.
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32.
Vauvillé F., « Vente d’immeuble – Surendettement du vendeur », Dr. & patr. mensuel, n° 70, p. 43, spéc. p. 44.