Les principales dispositions de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et de l’ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas

Publié le 18/03/2020

Fruits d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, ces deux ordonnances mettent en œuvre, en les inscrivant dans le droit applicable, plusieurs orientations clés de l’action du gouvernement pour favoriser une meilleure répartition de la valeur et un rééquilibrage des relations commerciales entre la distribution et les acteurs de la filière agroalimentaire.

Le ministre de l’Économie et sa secrétaire d’État ont présenté deux ordonnances prises en application de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

La première est relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas et la seconde réforme le titre IV du livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

Fruits d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, ces deux ordonnances mettent en œuvre, en les inscrivant dans le droit applicable, plusieurs orientations clés de l’action du gouvernement pour favoriser une meilleure répartition de la valeur et un rééquilibrage des relations commerciales entre la distribution et les acteurs de la filière agroalimentaire. Le gouvernement a indiqué qu’il ne manquera pas de mobiliser les dispositifs prévus par la loi pour contrôler et sanctionner les comportements abusifs.

Simplifiées et recentrées sur les trois notions cardinales de déséquilibre significatif, d’avantage sans contrepartie, et de rupture brutale de la relation commerciale, ces dispositions rénovées du Code de commerce sont au cœur de la réforme issue des États généraux de l’alimentation.

I – Les principales dispositions de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019

Cette ordonnance renforce l’arsenal juridique du ministre chargé de la Protection de l’ordre public économique pour sanctionner les abus de la grande distribution dans ses relations avec ses fournisseurs.

À noter. L’ordonnance est applicable à tous les contrats ou avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur à deux exceptions près.

Une première exception porte sur les contrats pluriannuels en cours d’exécution : ces contrats devront être mis en conformité avec les dispositions de l’ordonnance au 1er mars 2020.

Une seconde exception s’applique aux professionnels : ceux-ci ont jusqu’au 1er octobre 2019 pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles de facturation.

A – Les conditions générales de vente

L’ordonnance précise que les conditions générales de vente comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix.

Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle.

Cette communication doit s’effectuer par tout moyen constituant un support durable.

Ces conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de prestations de services. Dans ce cas, l’obligation de communication prescrite porte uniquement sur les conditions générales de vente applicables à une même catégorie d’acheteurs.

À noter. Tout manquement à ces obligations est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.

Quoi qu’il en soit, dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale.

Dans le cadre de cette négociation, les parties peuvent convenir de conditions particulières de vente qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication précitée.

Par ailleurs, lorsque le prix d’un service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé.

B – La négociation et la formalisation de la relation commerciale

L’ordonnance précise aussi qu’une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services doit mentionner les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale.

Cette convention doit être établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre et des contrats d’application.

La convention doit fixer aux fins de concourir à la détermination du prix convenu, les obligations suivantes :

  • les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services, y compris les réductions de prix, et le cas échéant les types de situation dans lesquelles et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont susceptibles d’être appliquées ;

  • les services de coopération commerciale, propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur, que le distributeur ou le prestataire de services lui rend, ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération de ces services ainsi que les produits ou services auxquels ils se rapportent et la rémunération globale afférente à l’ensemble de ces obligations ;

  • les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à l’ensemble de ces obligations.

La convention peut être conclue pour une durée d’un an, de deux ans ou de trois ans, au plus tard le 1er mars de l’année pendant laquelle elle prend effet ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier.

Lorsqu’elle est conclue pour une durée de deux ou de trois ans, la convention doit fixer les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d’un ou de plusieurs indicateurs disponibles reflétant l’évolution du prix des facteurs de production.

En outre, lorsqu’elle est relative aux produits de grande consommation définis comme des produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation, la convention doit mentionner le barème des prix unitaires, tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation.

La convention doit aussi fixer le chiffre d’affaires prévisionnel, qui constitue, avec l’ensemble des obligations fixées par la convention, le plan d’affaires de la relation commerciale.

Par ailleurs, le fournisseur doit communiquer ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard trois mois avant le 1er mars ou, pour les produits soumis à un cycle de commercialisation particulier, deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation.

Le distributeur, quant à lui, doit disposer d’un délai raisonnable à compter de la réception des conditions générales de vente pour notifier par écrit les motifs de refus de ces dernières ou son acceptation ou, le cas échéant, les dispositions des conditions générales de vente qu’il souhaite soumettre à la négociation.

En outre, l’ordonnance précise que les conditions dans lesquelles, le cas échéant, le fournisseur s’engage à accorder aux consommateurs, en cours d’année, des avantages promotionnels sur ses produits ou services doivent être fixées dans des mandats confiés au distributeur ou au prestataire de services, conclus et exécutés conformément aux articles 1984 et suivants du Code civil.

Chacun de ces contrats de mandat doit préciser, notamment, le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période d’octroi et les modalités de mise en œuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de comptes par le distributeur au fournisseur.

Par ailleurs, l’ordonnance précise qu’une convention écrite doit également être établie pour tout achat de produits manufacturés, fabriqués à la demande de l’acheteur en vue d’être intégrés dans sa propre production, dont le montant est supérieur à un seuil fixé par décret.

Cette convention doit mentionner les conditions convenues entre les parties et, notamment, l’objet de la convention et les obligations respectives des parties, le prix ou les modalités de sa détermination, les conditions de facturation et de règlement…

Par ailleurs, l’ordonnance prévoit aussi que le contrat conclu entre un fournisseur et un distributeur portant sur la conception et la production de produits alimentaires selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur et vendus sous marque de distributeur doit mentionner le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires.

À noter. Cette obligation s’applique uniquement lorsque la vente des produits agricoles fait l’objet d’un contrat écrit.

C – La facturation et les délais de paiement

1 – La facturation

L’ordonnance précise aussi que tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doit faire l’objet d’une facturation. Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services et l’acheteur, est tenu de la réclamer.

À noter. Le vendeur et l’acheteur doivent conserver chacun un exemplaire de toute facture émise dans la limite de durée prévue par les dispositions applicables du Code général des impôts.

La facture émise sous forme papier doit être rédigée en double exemplaire. Elle doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse et leur adresse de facturation si elle est différente, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l’exclusion des escomptes non prévus sur la facture.

La facture doit aussi mentionner la date à laquelle le règlement doit intervenir et préciser les conditions d’escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l’application des conditions générales de vente, le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier en cas de retard de paiement.

L’ordonnance précise que le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé. La facture doit mentionner le numéro du bon de commande lorsqu’il a été préalablement établi par l’acheteur.

2 – Les délais de paiement

Par ailleurs, l’ordonnance précise que, sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

À noter. Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d’émission de la facture.

Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois après la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.

En cas de facture périodique, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours après la date d’émission de la facture.

3 – Les pratiques restrictives de concurrence

Par ailleurs, l’ordonnance précise qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

  • d’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;

  • de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

De même, engage sa responsabilité toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

À noter. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Enfin, engage également sa responsabilité toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui participe directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence.

Par ailleurs, sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, la possibilité de bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciale et automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant.

À noter. Le fait pour tout commerçant de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000 € d’amende.

En outre, précise l’ordonnance, est nul le contrat par lequel un fournisseur s’engage envers toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services sur une offre de prix à l’issue d’enchères inversées à distance, organisées notamment par voie électronique, lorsque l’une au moins des règles suivantes n’a pas été respectée :

  • préalablement aux enchères, l’acheteur ou la personne qui les organise pour son compte communique de façon transparente et non discriminatoire à l’ensemble des candidats admis à présenter une offre les éléments déterminants des produits ou des prestations de services qu’il entend acquérir, ses conditions et modalités d’achat, ses critères de sélection détaillés ainsi que les règles selon lesquelles les enchères vont se dérouler ;

à l’issue de la période d’enchères, l’identité du candidat retenu est révélée au candidat qui, ayant participé à l’enchère, en fait la demande. Si l’auteur de l’offre sélectionnée est défaillant, nul n’est tenu de reprendre le marché au dernier prix ni à la dernière enchère.

À noter. L’acheteur ou la personne qui organise les enchères pour son compte doit effectuer un enregistrement du déroulement des enchères qu’il doit conserver pendant un an.

II – Les principales dispositions de l’ordonnance n° 2019-358 du 24 avril 2019 relative à l’action en responsabilité pour prix abusivement bas (JO du 25 avril)

Pour le gouvernement, la lutte contre les prix abusivement bas sera significativement renforcée par cette ordonnance, qui systématise la faculté pour un fournisseur de produits agricoles ou denrées alimentaires d’engager la responsabilité de l’acheteur s’il impose un tel prix, alors que ceci n’était auparavant possible que rarement, dans des situations de marché critiques.

Par ailleurs, le juge pourra désormais s’appuyer sur des indicateurs de coût de production pour caractériser le prix abusivement bas.

À noter. Pour les contrats en cours d’exécution à la date de publication de l’ordonnance, ces dispositions sont applicables à compter du premier jour du cinquième mois suivant cette date.

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