Application de la clause de grand-père prévue par MiCA aux PSAN enregistrés ou agréés en France
Le secteur des crypto-actifs au sein de l’Union européenne a été encadré par le règlement MiCA, adopté le 31 mai 2023. Ce règlement prévoit notamment la mise en place d’un agrément pour les prestataires de services sur crypto-actifs préalablement au lancement de leurs activités. Ce régime européen venant se substituer aux différentes réglementations nationales au sein de l’Union européenne, un régime transitoire a été mis en place pour les prestataires qui fournissaient leurs services sous l’empire de leur droit national. En réponse à des interrogations de la place, l’Autorité européenne des marchés financiers a apporté des précisions sur les modalités d’application de ce régime transitoire.
1. Rappel sur le règlement MiCA (markets in crypto-assets). Le législateur européen a encadré le secteur des crypto-actifs au sein de l’Union européenne via le règlement MiCA1, adopté le 31 mai 2023. Ce règlement a pour objectif d’harmoniser les droits nationaux2, en évitant la fragmentation réglementaire qui pourrait fausser la concurrence sur le marché intérieur et offrir un cadre réglementaire, de nature à créer de la confiance et offrant une certaine sécurité juridique aux entreprises utilisant des crypto-actifs3. Le règlement MiCA impose notamment aux personnes morales ou aux entreprises désireuses de se lancer dans la fourniture de services sur crypto-actifs d’obtenir un agrément de prestataires de services sur crypto-actifs (CASP pour crypto-assets services provider) préalablement au lancement desdits services4. Ce règlement entrera en application progressivement entre juin et décembre 2024. Les dispositions sur les CASP et leur agrément entreront en application le 30 décembre 20245.
2. La clause de grand–père mise en place par le règlement MiCA. La clause de grand-père ou clause d’antériorité est une disposition contenue dans une nouvelle réglementation, qui permet à une personne de continuer à bénéficier des conditions ou des effets d’une ancienne réglementation6. Cette clause de grand-père, commune dans la sphère financière, est prévue par l’article 143 du règlement MiCA, qui dispose que « les prestataires de services sur crypto-actifs qui fournissaient leurs services conformément au droit applicable avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer à le faire jusqu’au 1er juillet 2026 ou jusqu’à ce qu’ils se voient octroyer ou refuser un agrément en vertu de l’article 63 (du règlement MiCA), l’événement survenant en premier lieu étant retenu. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer le régime transitoire prévu au premier alinéa en faveur des prestataires de services sur crypto-actifs ou de réduire sa durée s’ils considèrent que leur cadre réglementaire national applicable avant le 30 décembre 2024 est moins strict que le présent règlement ». En France, le législateur a opté pour l’application de cette clause de grand-père, permettant ainsi aux prestataires de services sur actifs numériques enregistrés ou agréés7 de continuer à fournir leurs services, sans l’agrément CASP, jusqu’au 1er juillet 20268. En pratique, cette clause de grand-père peut présenter un intérêt stratégique pour les entités qui souhaitent se lancer dans la fourniture de services sur crypto-actifs9. Elle peut également servir aux entités qui fournissent d’ores et déjà leurs services en vertu d’un droit national, afin de préparer une transition fluide vers les exigences du règlement MiCA10.
3. Précisions apportées par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) par l’intermédiaire de questions–réponses. Selon les termes de l’AEMF, un de ses principaux objectifs est d’assurer une application cohérente de la réglementation européenne. Pour ce faire, toute partie prenante ou citoyen peut poser une question à l’AEMF concernant la mise en œuvre de la réglementation11. Cette pratique des « Q&A » est de nature à favoriser la clarté de la réglementation puisqu’elle fait état de l’interprétation du superviseur ou du régulateur. Toutefois, elle suscite des interrogations sur sa qualification juridique.
C’est dans ce cadre que l’AEMF a eu à connaître d’une question sur la possibilité, pour un prestataire constitué entre la date d’entrée en vigueur du règlement MiCA (juin 2022) et le 30 décembre 2024, de continuer à fournir ses services sur crypto-actifs jusqu’au 1er juillet 202612, en application de l’article 143 du règlement MiCA. L’AEMF répond par la positive à cette interrogation. Selon l’autorité européenne, l’article 143(3) du règlement MiCA permet aux entités fournissant des services sur crypto-actif au titre d’un droit national applicable, avant le 30 décembre 2024, de bénéficier de la clause de grand-père. L’AEMF précise qu’il n’y a pas d’autres contraintes temporelles pour le bénéfice de la clause de grand-père. En parallèle, l’AEMF précise que les entités qui ne fournissaient pas de tels services en vertu d’un droit national, avant le 30 décembre 2024, ou qui n’existaient pas en tant que personne morale avant cette date, ne sauraient bénéficier de la clause de grand-père. Dès lors, elles doivent obtenir un agrément CASP. Cette analyse se comprend à la lecture du texte réglementaire, qui, rappelons-le, dispose que « les prestataires de services sur crypto-actifs qui fournissaient leurs services conformément au droit applicable avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer à le faire jusqu’au 1er juillet 2026 ». L’élément générateur permettant le bénéfice de la clause de grand-père est ici la fourniture de services sur crypto-actifs avant le 30 décembre 2024, en conformité avec un droit national. En France, il s’agira de l’obtention d’un enregistrement ou d’un agrément en qualité de prestataire de services sur actifs numériques.
4. Conclusion. La réponse de l’AEMF conforte la position des prestataires de services sur actifs numériques enregistrés ou agréés avant le 30 décembre 2024 puisqu’ils pourront continuer à fournir leurs services jusqu’au 1er juillet 2026, leur laissant ainsi le temps de se préparer à l’obtention de l’agrément CASP.
Notes de bas de pages
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1.
PE et Cons. UE, règl. n° 2023/1114, 31 mai 2023, sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant les règlements (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 1095/2010 et les directives 2013/36/UE et (UE) 2019/1937 : JOUE L 150, 9 juin 2023 ; BJB sept. 2023, n° BJB201k4, note T. Granier.
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2.
En France, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite loi PACTE, a encadré le secteur des crypto-actifs. Nous renvoyons le lecteur à notre étude pour des développements détaillés : Études Joly Bourse, Prestataires de services sur actifs numériques et prestataires de services sur crypto-actifs (PSAN), n° B_EP055, A. Aranda Vasquez.
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3.
MiCA, cons. 5. Nous renvoyons le lecteur à notre article mentionné ci-après pour des développements sur la confiance dans le secteur des crypto-actifs : A. Aranda Vasquez, « Quelques réflexions sur les enjeux de l’autorisation et de l’enregistrement des PSAN », Actu-Juridique.fr 17 août 2021, n° AJU000m5.
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4.
MiCA, art. 59 et 62. Les services sur crypto-actifs sont listés au 16) de l’article 3 du règlement MiCA. Il s’agit des services suivants : a) la conservation et l’administration de crypto-actifs pour le compte de clients ; b) l’exploitation d’une plate-forme de négociation de crypto-actifs ; c) l’échange de crypto-actifs contre des fonds ; d) l’échange de crypto-actifs contre d’autres crypto-actifs ; e) l’exécution d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients ; f) le placement de crypto-actifs ; g) la réception et la transmission d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de clients ; h) la fourniture de conseils en crypto-actifs ; i) la fourniture de services de gestion de portefeuille de crypto-actifs ; et j) la fourniture de services de transfert de crypto-actifs pour le compte de clients.
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5.
MiCA implementation timeline : https://lext.so/zDCLAT ; v. également : Études Joly Bourse, Prestataires de services sur actifs numériques et prestataires de services sur crypto-actifs (PSAN), n° B_EP055, A. Aranda Vasquez.
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6.
Le dictionnaire de Cambridge définit la clause de grand-père (grandfather clause) de la manière suivante : « A part of a new law or rule that allows someone to continue to do or to have something that a new law or rule makes illegal » (« Disposition d’une loi ou d’une règle qui permet à son bénéficiaire de continuer à faire ou avoir une chose rendue illégale par cette disposition », notre traduction).
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7.
Nous renvoyons le lecteur à notre étude sur les PSAN pour des précisions sur les différences entre l’enregistrement et l’agrément de PSAN, Études Joly Bourse, Prestataires de services sur actifs numériques et prestataires de services sur crypto-actifs (PSAN), n° B_EP055, A. Aranda Vasquez.
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8.
L. n° 2023-171, 9 mars 2023, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (dite loi DDADUE), art. 8, III.
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9.
Pour des développements sur ces enjeux, A. Aranda Vasquez, « Enjeux de l’enregistrement ou de l’agrément en tant que PSAN avant la fin décembre 2024 », Actu-Juridique.fr 30 nov. 2023, n° AJU011g7.
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10.
https://lext.so/_j3OmA
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11.
Questions and Answers (https://lext.so/fxXv74).
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12.
La question posée à l’AEMF est la suivante : « Does Article 143 allow for new CASPs established between MiCA’s entry into force (June 2022) and 30 December 2024 to continue providing crypto-asset services (under national applicable law) until 1 July 2026 (assuming the MS allows the full duration of the grandfathering period) ? » (« Est-ce que l’article 143 (de MiCA) permet aux CASP constitués entre l’entrée en vigueur de MiCA (juin 2022) et le 30 décembre 2024 de continuer à fournir des services sur crypto-actifs en vertu d’un droit national jusqu’au 1er juillet 2026 (en supposant que l’État membre applique la totalité de la durée de la clause de grand-père) ? », notre traduction).
Référence : AJU012v4