Apports de la loi DDADUE 5 sur la réglementation des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique

La loi DDADUE 5 du 30 avril 2025 amende de nombreux pans de la réglementation française, dont la réglementation applicable aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique. Cette loi entérine en France l’accès de ces établissements aux systèmes de paiement et devrait permettre de favoriser la concurrence entre ces derniers et les établissements de crédit. Par ailleurs, cette loi modifie les dispositions sur la protection des fonds de la clientèle des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique.
La loi DDADUE 5 du 30 avril 20251 a amendé la réglementation française afin de transposer plusieurs directives et de l’adapter à plusieurs règlements européens. Cette loi porte notamment sur les actions de groupe, la transition écologique et énergétique, le domaine économique et financier ou le domaine de la santé.
En ce qui concerne le secteur des paiements, la loi DDADUE 5 modifie également la réglementation applicable aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique en ce qui concerne leur accès aux systèmes de paiement et la protection des fonds de la clientèle.
I – L’accès des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique aux systèmes de paiement
A – Contexte
Les systèmes de paiement sont des infrastructures de marché qui « assurent le traitement des ordres de paiement du secteur économique et financier en centralisant et en rationnalisant les flux échangés, et en permettant d’optimiser leur règlement. Il s’agit du moyen le plus efficace d’effectuer des paiements lorsque les flux sont échangés entre de multiples contreparties »2. Ils jouent un rôle important en matière de politique monétaire (impact sur la circulation de la liquidité et les taux d’intérêt) et de stabilité financière (les systèmes de paiement peuvent contribuer à la propagation d’une crise)3.
Parmi ces systèmes de paiement, T2 revêt une importance toute particulière. Ce système est opéré par l’Eurosystème. Il permet aux banques centrales et aux banques commerciales de régler des opérations de paiement en monnaie de banque centrale et assure le règlement des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème. Tous les six jours, T2 traite une valeur proche de l’ensemble du PIB de la zone euro4. En 2018, TIPS (TARGET Instant Payment Settlement) a été lancé. Il s’agit d’une composante de T2 dédiée aux virements instantanés.
Avant l’adoption du règlement (UE) n° 2024/886 sur les virements instantanés en euros5 (règlement IP), les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique ne pouvaient pas participer aux systèmes de paiement notifiés6. Selon le législateur européen, « l’incapacité à participer à ces systèmes de paiement (…) peut empêcher les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique de fournir des virements instantanés en euros de manière efficace et concurrentielle »7. Par ailleurs, il estime que ces établissements peuvent potentiellement faciliter l’utilisation des virements instantanés en euros et qu’il est important de « rétablir dès que possible des conditions de concurrence équitables entre les banques et ces établissements »8. C’est pourquoi le législateur européen a décidé de permettre aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique de participer directement aux systèmes de paiement notifiés (ce qui inclut les composantes nationales de T2/TIPS). Cette évolution a nécessité une adaptation du Code monétaire et financier afin de transposer la réglementation européenne9.
B – La loi DDADUE 5 ouvre en France l’accès des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique aux systèmes de paiement
La transposition française s’appuie sur la loi DDADUE 5 qui a inclus les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique dans la liste des entités qui peuvent participer directement à un système de paiement10. Pour autant, cet accès n’est pas automatique. Pour accéder à ces systèmes, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique doivent se conformer aux critères d’accès établis par les opérateurs de ces systèmes et se conformer aux exigences réglementaires relatives à leur gouvernance, leur contrôle interne, leur dispositif de protection des fonds des clients et leur liquidation. Un arrêté précisera ces exigences11.
Lorsqu’un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique demande à accéder à un système de paiement, la conformité de cet établissement aux exigences réglementaires susmentionnées est attestée par son commissaire aux comptes désigné pour la mission de certification des comptes. De plus, l’établissement demande à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution la confirmation qu’aucune mesure de police administrative prononcée à son encontre n’est en cours (les mesures de police administrative visées sont celles en lien avec les exigences réglementaires précitées)12. Ces éléments sont communiqués aux opérateurs des systèmes de paiement.
En pratique, l’accès aux systèmes de paiement nécessite un investissement humain, technique et financier non négligeable. Des considérations pratiques telles que la gestion de la liquidité et le cantonnement/décantonnement des fonds, les exigences informatiques, les coûts/avantages pourraient ainsi être prises en compte par les dirigeants des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique en amont d’une demande d’accès.
II – La protection des fonds de la clientèle
A – Contexte
La protection des fonds de la clientèle des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique est une obligation prudentielle fondamentale introduite afin de s’assurer que les fonds des clients bénéficient d’une protection suffisante palliant des exigences prudentielles moins mordantes que celles applicables aux établissements de crédit13 ; à titre de comparaison, un établissement de crédit doit disposer au minimum d’un capital initial de 5 000 000 €14 contre une exigence de capital initial comprise entre 20 000 € et 125 000 € pour les établissements de paiement15 et 350 000 € pour les établissements de monnaie électronique16.
Dans ce contexte, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique sont tenus de protéger les fonds de leur clientèle en les déposant sur un compte distinct auprès d’un établissement de crédit (compte de cantonnement), investis en actifs à faible risque, liquides et sûrs ou en les couvrant par une police d’assurance ou une autre garantie comparable d’une compagnie d’assurances ou d’un établissement de crédit n’appartenant pas au même groupe17.
Afin de pallier le de–risking pratiqué par les établissements de crédit qui se matérialise par des difficultés pour les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique à ouvrir ou conserver des comptes de cantonnement, la Commission européenne a proposé de diversifier les méthodes de protection des fonds en permettant un cantonnement des fonds en banque centrale, à la discrétion de cette dernière. Selon la Commission européenne, « compte tenu des difficultés rencontrées par les établissements de paiement pour ouvrir et gérer des comptes de paiement auprès d’établissements de crédit, il est nécessaire de prévoir une option supplémentaire pour la protection des fonds des utilisateurs, à savoir la possibilité de détenir ces fonds auprès d’une banque centrale. Cette possibilité devrait toutefois être sans préjudice de la possibilité pour une banque centrale de ne pas offrir cette option, sur la base de sa loi organique »18.
Cette proposition a finalement été introduite par le législateur européen dans le règlement IP. Ce règlement a modifié l’article 10 de la directive (UE) n° 2015/2366 afin de préciser les exigences en matière de protection des fonds applicables aux établissements de paiement et aux établissements de monnaie électronique et en introduisant la possibilité de cantonner les fonds des clients auprès d’une banque centrale à la discrétion de celle-ci. Ces évolutions ont également été transposées par la loi DDADUE 5.
B – Apports de la loi DDADUE 5
La loi DDADUE 5 a modifié les articles du Code monétaire et financier relatifs à la protection des clients des établissements de paiement et de monnaie électronique afin d’introduire la possibilité de cantonner les fonds des clients auprès d’une banque centrale à la discrétion de cette dernière19. Toutefois, compte tenu des risques identifiés par la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales pour la stabilité financière20, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé que « les banques centrales de l’Eurosystème s’abstiennent de proposer ou de fournir des comptes de protection aux PSP-NB (les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique) ou aux prestataires de services sur crypto-actifs »21.
Par ailleurs, il est à noter que la loi DDADUE 5 rajoute une précision technique sur le délai de cantonnement des établissements de monnaie électronique, « lorsque l’établissement de monnaie électronique fournit des services de paiement (…), les fonds autrement collectés en contrepartie de l’émission de la monnaie électronique sont déposés sur le compte (de cantonnement) (…) dès leur crédit au compte de l’établissement de monnaie électronique et, en tout état de cause, au plus tard à la fin du jour ouvrable (…) suivant le jour de l’émission de la monnaie électronique ».
Notes de bas de pages
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1.
L. n° 2025-391, 30 avr. 2025, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.
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2.
Banque de France, Fonctionnement des systèmes de paiement, 13 déc. 2024 : Fonctionnement des systèmes de paiement.
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3.
V. not. : F. Papadia, Note on the interactions between payment systems and monetary policy, European Parliament, February 2018, IP/A/ ECON/2018-01 : Note on the interactions between payment systems and monetary policy.
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4.
https://lext.so/nCOKAI.
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5.
PE et Cons. UE, règl. n° 2024/886, 13 mars 2024, en ce qui concerne les virements instantanés en euros.
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6.
Un système de paiement notifié est un système de paiement qui bénéficie de la finalité des paiements, qui offre une couverture en cas de faillite d’un participant ou du système.
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7.
Règlement IP, consid. 15.
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8.
Règlement IP, consid. 16. Cette position peut se comprendre compte tenu du schéma actuel où les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique s’appuient sur les établissements de crédit, leurs concurrents sur le secteur du paiement, pour réaliser leurs opérations de paiement.
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9.
Afin de permettre l’accès des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique, le règlement IP a amendé la deuxième directive sur les services de paiement (dir. n° 2015/2366) et la directive finalités (dir. n° 98/26/EC).
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10.
C. mon. fin., art. L. 330-1.
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11.
C. mon. fin., art. L. 330-5.
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12.
C. mon. fin., art. L. 330-6.
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13.
Le considérant 14 de la directive n° 2009/110/CE précise qu’il convient de compenser « les caractéristiques moins contraignantes du régime de surveillance prudentielle applicable aux établissements de monnaie électronique par des dispositions plus strictes que celles qui s’appliquent aux établissements de crédit, notamment en ce qui concerne la protection des fonds des détenteurs de monnaie électronique ».
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14.
V. Dir. n° 2013/36, art. 12.
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15.
V. Dir. n° 2015/2366, art. 7.
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16.
V. Dir. n° 2009/110/CE, art. 4.
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17.
L’article L. 522-17 (établissement de paiement) et L. 526-32 (établissement de monnaie électronique) du Code monétaire et financier détaillent les modalités de protection des fonds.
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18.
Commission européenne, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement et les services de monnaie électronique dans le marché intérieur, modifiant la directive n° 98/26/CE et abrogeant les directives nos 2015/2366 et 2009/110/CE : https://lext.so/t9Zusk.
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19.
V. C. mon. fin., art. L. 522-17 (établissement de paiement) et C. mon. fin., art. L. 526-32 (établissement de monnaie électronique).
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20.
La BCE estime qu’« une offre de comptes de protection par les banques centrales est susceptible d’avoir une incidence sur la sécurité et la solidité globales du mécanisme de transmission de la politique monétaire et du système financier dans son ensemble, ce qui pourrait susciter des risques importants pour la réalisation des objectifs de l’Eurosystème propres aux banques centrales. Parmi ces risques figurent les sorties de dépôts hors des établissements de crédit, par exemple dans un scénario où les dépôts seraient détenus auprès de la banque centrale, ce qui conduirait à une désintermédiation progressive du secteur des banques commerciales, entraînant des conséquences négatives sur la disponibilité de la liquidité et entravant la transmission efficace de la politique monétaire. De même, une monnaie numérique synthétique de banque centrale, par exemple de la monnaie électronique émise par un PSP-NB et entièrement adossée à de la monnaie de banque centrale, pourrait engendrer une confusion entre la monnaie de banque centrale, qui est un actif de règlement sans risque de crédit ou de liquidité, et la monnaie de banque commerciale. Le fait que des fonds de clients soient déposés auprès de banques centrales entraînerait le risque d’un amalgame, dans l’esprit du public, entre la monnaie électronique et d’autres formes de monnaie, y compris la monnaie de banque centrale, ce qui fausserait la perception du risque » (v. cons. 12 de la décision (UE) n° 2025/222 de la BCE du 27 janvier 2025 relative à l’accès par les prestataires de services de paiement non bancaires à des systèmes de paiement exploités par une banque centrale de l’Eurosystème et à des comptes d’une banque centrale de l’Eurosystème (BCE/2025/2)).
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21.
V. décision (UE) n° 2025/222 de la BCE, art. 3.
Référence : AJU017m8
