Crowdfunding : aperçu de la réglementation, période transitoire et supervision des prestataires de services de financement participatif (PSFP)
Le règlement (UE) n° 2020/1503 a offert un cadre européen harmonisé au secteur du financement participatif, imposant un agrément préalablement à la fourniture de services de financement participatif. Ce règlement est applicable depuis le 10 novembre 2021 et pourvu d’une période transitoire pour les entités qui fournissaient des services de financement participatif avant l’entrée en application du règlement susmentionné, conformément aux dispositions de leur droit national. Cette période transitoire s’est terminée le 10 novembre 2023. Le présent article vise à rappeler le cadre réglementaire, dresser un état des lieux des agréments délivrés par l’Autorité des marchés financiers, autorité compétente en France, et aborder la supervision des prestataires de services de financement participatif.
1. Cadre réglementaire. Le règlement (UE) n° 2020/1503 a offert un cadre européen harmonisé au secteur du financement participatif. Ce règlement a imposé aux entités souhaitant fournir des services de financement participatif1 d’obtenir un agrément de prestataire de services de financement participatif (PSFP) préalablement au déploiement de leurs services2. Ce cadre européen, applicable à compter du 10 novembre 2021, permet en corollaire aux PSFP agréés de bénéficier du passeport européen et ainsi fournir leurs services au niveau européen. En parallèle, le cadre réglementaire français a été amendé afin de l’adapter aux exigences du règlement (UE) n° 2020/1503, entraînant la suppression du statut de conseiller en investissement participatif, la modification du statut d’intermédiaire en financement participatif et l’introduction du statut de PSFP. L’article L. 547-1 du Code monétaire et financier reprend dorénavant l’exigence de se faire agréer avant de fournir des services de financement participatif.
I – Généralités
2. Autorité compétente en France pour l’agrément des PSFP. Les candidats au statut de PSFP doivent déposer leur demande d’agrément3 auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui instruira leur demande, en collaboration avec les services de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en cas de facilitation d’octroi de prêts. L’agrément est prononcé soit par le collège de l’AMF, soit par le président de l’AMF. Ce dernier bénéficie d’une délégation4 en ce qui concerne :
• les décisions favorables concernant les entités qui, au 10 novembre 2021, étaient, selon le cas, immatriculées sur le registre tenu par l’ORIAS en qualité de conseillers en investissements participatifs ou d’intermédiaires en financement participatif ou agréés en qualité de prestataires de services d’investissement pour la fourniture du service mentionné au 5 de l’article L. 321-1 du Code monétaire et financier et réalisant des offres de titres financiers au moyen d’un site internet, dans les conditions prévues à l’article L. 533-22-3 du code susmentionné dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 ; et
• les décisions favorables d’extension de l’agrément des PSFP.
3. Registre public des PSFP agréés. Une fois l’agrément prononcé par l’AMF, les PSFP sont inscrits sur un registre tenu par l’AMF5 et un registre tenu par l’Autorité européenne des marchés financiers6 (ESMA – European Securities and Markets Authority).
4. Risque pénal lié à l’exercice illégal. La fourniture de services de financement participatif sans agrément peut être caractérisée d’exercice illégal en vertu de l’article L. 573-12 du Code monétaire et financier, qui prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende7, et des peines complémentaires détaillées à l’article L. 573-13 et L. 573-17 du code susmentionné. L’AMF rappelle à cet égard « qu’à compter du 10 novembre 2023, les anciens régimes de CIP et d’IFP prendront fin pour ces plateformes existantes et un agrément de PSFP sera dès lors requis pour poursuivre leur activité. À défaut, ces acteurs seront contraints de mettre fin à toute activité, sous peine d’être en situation d’exercice illégal d’une activité réglementée passible de sanctions pénales »8. En pratique, ils pourront gérer les flux liés aux campagnes finalisées mais ne pourront plus lancer de nouvelles campagnes de financement participatif.
5. Fourniture de services de paiements – agrément et enregistrement. L’activité d’un PSFP consiste à mettre en relation des investisseurs et des porteurs de projet via un site internet. « En qualité de PSFP, il n’est pas habilité à faire de l’encaissement pour compte des porteurs de projets ou celui des prêteurs / investisseurs (notamment dans le cadre des flux de remboursement) »9. Pour ce faire, le PSFP doit être agréé en tant que prestataire de services de paiement (PSP) ou en tant qu’agent de PSP10. En pratique, il est courant qu’un PSFP s’appuie sur un prestataire de services de paiement qui l’enregistre en tant qu’agent auprès des services de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). L’avantage du statut d’agent réside dans la rapidité de la procédure et les exigences à mettre en œuvre par le PSFP par rapport à un agrément en tant que prestataire de services de paiement11. Une fois le PSFP enregistré comme agent par l’ACPR, ce dernier figurera au registre des agents financiers (REGAFI12).
6. Fourniture de services de paiements – Modèle d’affaires sans enregistrement du PSFP. Certains PSP peuvent proposer aux PSFP une offre en marque blanche. Selon les autorités, « si le PSFP ne collecte pas, via son site, les ordres de paiement et le consentement des utilisateurs, mais qu’ils sont collectés par son partenaire, le PSFP ne fournit pas de services de paiement. Le partenaire devra être un PSP ou un agent de PSP. En pratique, le site internet du PSFP (marque blanche) peut avoir un URL personnalisable. S’il apparaît que (i) l’information est claire aux yeux de l’utilisateur (contrats, site internet, etc.) et (ii) que le PSFP n’intervient en aucune façon dans la collecte des ordres de paiement et le consentement de l’utilisateur, les services de l’ACPR pourront considérer que le PSFP ne participe pas à la fourniture de services de paiement (analyse au cas par cas) »13.
II – Période transitoire
7. Période transitoire mise en place par le règlement. Le règlement (UE) n° 2020/1503 a mis en place une période transitoire au bénéfice des personnes qui fournissaient des services de financement participatif en vertu du droit national, avant l’entrée en application du règlement (v. art. 48) ; en France, il s’agissait notamment des conseils en investissement participatif (CIP) et des IFP (intermédiaires en financement participatif). Ces derniers bénéficiaient initialement d’une période transitoire d’un an, jusqu’au 10 novembre 2022, afin de se faire agréer. Pendant cette période, ils pouvaient continuer leur activité, conformément aux dispositions du droit national14.
8. Report de la période transitoire. Le règlement (UE) n° 2020/1503 prévoyait au 3 de l’article 48, la possibilité de prolonger une fois la période transitoire, ce qui fut acté par le règlement délégué (UE) n° 2022/198815, repoussant la date butoir au 10 novembre 2023. Selon la Commission, ce report était rendu nécessaire par la nécessité d’éviter des perturbations sur les grands marchés nationaux du financement participatif, « causées par l’incapacité de certaines autorités compétentes de parachever les procédures d’agrément d’ici au 10 novembre 2022, comme par l’incapacité des plateformes de financement participatif exerçant leurs activités conformément au droit national de s’adapter à un cadre plus complet dans ce laps de temps »16.
9. État des lieux. Au 10 novembre 2023, l’AMF recensait 32 PSFP agréés en France, soit pour fournir le service de facilitation de l’octroi de prêts, soit le placement sans engagement ferme susmentionné, soit les deux. Cet état des lieux rappelle que l’agrément est distributif ; autrement dit, le PSFP peut choisir de se concentrer sur un seul type de service en demandant un agrément pour un seul service de financement participatif. Si le PSFP souhaite diversifier son activité, il pourra demander a posteriori une extension d’agrément. Au 24 novembre 2023, il y avait 40 PSFP agréés par l’AMF.
III – La supervision des PSFP
10. Autorité de supervision. Selon les termes de l’article L. 547-1 du Code monétaire et financier, « l’Autorité des marchés financiers est compétente pour assurer la surveillance et le contrôle des prestataires agréés »17.
11. Obligation de notification qui pèse sur les PSFP. Le 3 de l’article 15 du règlement (UE) n° 2020/1503 dispose que les PSFP « informent sans retard injustifié l’autorité compétente concernée de toute modification importante apportée aux conditions de leur agrément et lui fournissent, à sa demande, les informations nécessaires pour évaluer leur conformité avec le présent règlement ». L’ESMA a précisé dans ses questions-réponses sur le financement participatif que les PSFP doivent notamment notifier à leur autorité les changements significatifs qui ont impacté les informations listées aux points (a) à (r) du 2 de l’article 12 (2) du règlement (UE) n° 2020/1503 (i.e. les informations transmises dans le cadre de la demande d’agrément) ou l’actionnariat18.
Obligation de communication qui pèse sur les PSFP. Aux termes de l’article 16 du règlement (UE) n° 2020/1503, un PSFP communique chaque année, à l’autorité qui lui a délivré son agrément, la liste des projets qui ont été financés via la plateforme du PSFP et précisant pour chaque projet : le porteur de projet et le montant collecté, l’instrument émis, des informations agrégées sur les investisseurs et le montant investi, ventilées selon la résidence fiscale des investisseurs, en établissant une distinction entre investisseurs avertis et non avertis. Ces informations doivent être transmises en utilisant un format CSV commun ou un autre format accepté par l’autorité compétente destinataire des informations19. La Commission européenne a publié une liste d’informations à fournir en annexe 2 du règlement d’exécution (UE) n° 2022/2120 de la Commission du 13 juillet 2022 définissant, pour l’application du règlement (UE) n° 2020/1503 du Parlement européen et du Conseil, des normes techniques d’exécution concernant les normes de données et les formats, modèles et procédures à respecter pour la communication d’informations sur les projets financés par le biais de plateformes de financement participatif.
12. Évaluation des PSFP par l’AMF. Le 2 de l’article 15 du règlement (UE) n° 2020/1503 énonce que « l’autorité compétente concernée évalue le respect, par les prestataires de services de financement participatif, des obligations prévues dans le présent règlement. Elle fixe la fréquence et le niveau de détail de cette évaluation compte tenu de la nature, de l’ampleur et de la complexité des activités du prestataire de services de financement participatif. Aux fins de cette évaluation, l’autorité compétente concernée peut soumettre le prestataire de services de financement participatif à une inspection sur place ».
Notes de bas de pages
-
1.
Les services de financement participatifs sont définis par le règlement (EU) n° 2020/1503 comme « la mise en relation des intérêts d’investisseurs et de porteurs de projets en matière de financement d’entrepreneurs, faisant appel à une plateforme de financement participatif et consistant en l’une quelconque des activités suivantes : i) la facilitation de l’octroi de prêts ; ii) le placement sans engagement ferme, visé à l’annexe I, section A, point 7, de la directive n° 2014/65/UE, de valeurs mobilières et d’instruments admis à des fins de financement participatif émis par des porteurs de projets ou par une entité ad hoc, ainsi que la réception et la transmission d’ordres de clients, telles qu’elles sont visées à l’annexe I, point 1, de ladite section portant sur ces valeurs mobilières et instruments admis à des fins de financement participatif » (art. 2).
-
2.
Règlement (EU) n° 2020/1503, art. 12.
-
3.
L’article 12 du règlement (EU) n° 2020/1503 liste les catégories d’informations à fournir.
-
4.
Décision n° 834 du 18 avril 2023 portant délégation du collège de l’AMF.
-
5.
Le registre est disponible à l’adresse suivante : Devenir prestataire de services de financement participatif (PSFP) | AMF (https://www.amf-france.org/fr).
-
6.
V. article 14 du règlement (EU) n° 2020/1503. Le registre est disponible à l’adresse suivante : Register of crowdfunding services providers (https://european-union.europa.eu/index_fr).
-
7.
Par renvoi à l'article 313-1 du Code pénal.
-
8.
Devenir prestataire de services de financement participatif (PSFP) | AMF (https://www.amf-france.org/fr).
-
9.
V. ACPR, AMF, « Le nouveau cadre du financement participatif », forum Fintech 2022, atelier financement participatif, p. 18. Présentation disponible à l’adresse suivante : présentation PowerPoint (https://banque-france.fr/).
-
10.
ACPR, AMF, « Le nouveau cadre du financement participatif », forum Fintech 2022, atelier financement participatif, p. 18. Présentation disponible à l’adresse suivante : présentation PowerPoint (https://banque-france.fr/).
-
11.
ACPR, « Services de paiement : panorama des exigences réglementaires et procédures », forum Fintech 2021, p. 16. Présentation disponible à l’adresse suivante : forum fintech, panorama des statuts et agréments ouverts aux fintechs (https://banque-france.fr/).
-
12.
REGAFI est consultable à l’adresse suivante : REGAFI – Registre des agents financiers, https://www.regafi.fr/.
-
13.
V. ACPR, AMF, « Le nouveau cadre du financement participatif », forum Fintech 2022, atelier financement participatif, p. 18. Présentation disponible à l’adresse suivante : présentation PowerPoint (https://banque-france.fr/), p. 19.
-
14.
A. Aranda Vasquez, « Financement participatif au sein de l’UE : zoom sur la nouvelle obligation d’agrément préalable, https://www.actu-juridique.fr/id/AJU006n7.
-
15.
Règlement délégué (EU) n° 2022/1988 de la Commission du 12 juillet 2022 prolongeant la période transitoire, prévue à l’article 48, paragraphe 1, du règlement (EU) n° 2020/1503 du Parlement européen et du Conseil, permettant de continuer à fournir des services de financement participatif conformément au droit national.
-
16.
Règlement délégué (EU) n° 2022/1988, cons. 3.
-
17.
Cette disposition est en lien avec l’article 15 du règlement (EU) n° 2020/1503 qui précise que les PSFP fournissent leurs services « sous la surveillance des autorités compétentes qui ont octroyé l’agrément ».
-
18.
L’ESMA considère que « Article 15(3) of the ECSPR provides that any material changes to the information provided in the application for authorisation must be notified to the competent authority without undue delay. Article 12(11) of the ECSPR provides that a CSP must meet at all times the conditions for its authorisation. On this basis, CSPs are expected to notify, without undue delay, to their competent authority material changes to the information provided in the context of the authorisation process. This includes, but is not limited to, the information listed in points (a) to (r) of Article 12(2) of the ECSPR as well as any change in the shareholding of the CSP (i.e. in order to enable the competent authority to reconsider, if applicable, the assessment referred to in point (a) of Article 12(3) and 12(7) of the ECSPR). CSPs are invited, as part of good supervisory practice, to discuss with their competent authority any material changes of key importance, such as, but not limited to, changes of the shareholding or changes of the persons in charge of management, prior to implementing such changes ». Les questions-réponses de l’ESMA sur le financement participatif sont disponibles à l’adresse suivante : ESMA35-42-1088 Q&As Crowdfunding ECSPR (https://european-union.europa.eu/index_fr).
-
19.
V. règlement d’exécution (UE) n° 2022/2120, art. 1.
Référence : AJU011x5