Modernisation du financement participatif par l’ordonnance du 22 décembre 2021

Publié le 25/05/2022
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L’ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 est prise sur le fondement de l’habilitation donnée au gouvernement par larticle 48 de la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances. Elle vise, à titre principal, à mettre en conformité le cadre réglementaire national relatif au financement participatif avec le paquet européen adopté le 7 octobre 2020 et comprenant un règlement (UE) 2020/1503, ainsi qu’une directive (UE) 2020/1504, laquelle a déjà été transposée par l’ordonnance n° 2021-738 du 9 juin 2021.

Ord. n° 2021-1735, 22 déc. 2021, modernisant le cadre relatif au financement participatif, NOR : ECOT2130795R : JORF n°0298 du 23 décembre 2021

Pour rappel, le règlement (UE) 2020/1503 a créé un nouveau statut européen, celui de prestataire de services de financement participatif (PSFP). Le financement participatif sous forme de prêts ou de titres financiers se fera à terme essentiellement sous ce statut, lequel permettra de commercialiser des offres de financement participatif jusqu’à 5 millions d’euros dans l’ensemble de l’Union européenne, dans les conditions fixées par le règlement.

La création d’un nouveau statut européen

Comme le rappelle le rapport au président de la République, ce règlement couvre la plus grande partie des activités de financement participatif existantes. Il vise en effet à couvrir toutes les offres sous forme de titres financiers (valeurs mobilières) et de crédits onéreux (prêt avec intérêt, prêt sans intérêt mais avec d’autres avantages financiers), dès lors qu’elles financent des projets de personnes physiques ou morales présentant un profit. Compte tenu de ces caractéristiques, le statut de PSFP a vocation à traiter de la majeure partie des activités de financement participatif sous forme de titres, actuellement réalisées par les conseillers en investissements participatifs (CIP) et les prestataires de services d’investissement (PSI). Ce statut a, par ailleurs, vocation à traiter d’une partie substantielle des activités de financement participatif sous forme de prêts, actuellement réalisées par les intermédiaires en financement participatif (IFP). La présente ordonnance supprime par conséquent le statut de CIP ainsi que la possibilité pour les PSI d’exercer des activités de financement participatif et restreint l’activité des IFP aux prêts à titre gratuit et au don.

Néanmoins, précise le rapport au président de la République, un cadre national doit être maintenu pour le financement des projets ne présentant pas de profit, tant lorsque le financement est effectué sous forme de titres financiers que sous forme de crédits onéreux. Pour ce faire, l’ordonnance permet aux PSFP d’avoir par ailleurs une activité nationale de financement participatif sous forme de titres financiers pour des collectivités territoriales, leurs établissements publics et d’autres personnes morales, s’il s’agit de projets en dehors du champ du règlement.

L’ordonnance maintient également les activités des IFP portant sur des crédits onéreux pour les projets de personnes morales ou physiques qui ne seraient pas non plus dans le champ du règlement.

En matière de compétence, il reviendra à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de délivrer l’agrément de PSFP, sur avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution lorsque le programme d’activité d’un prestataire comporte une activité de prêt. Il reviendra également à l’AMF de surveiller, contrôler et le cas échéant sanctionner un prestataire, avec possibilité de solliciter les services de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Outre ces modifications découlant directement de l’application du règlement européen et de l’adaptation du droit interne qui en résulte, l’ordonnance procède à plusieurs autres modifications. Il est notamment prévu que le statut d’IFP couvre davantage de services, notamment les cagnottes en ligne, compte tenu des enjeux associés en matière lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT).

En outre, l’ordonnance supprime le régime des minibons, lequel perd sensiblement de son intérêt dans la mesure où le règlement permet désormais aux personnes morales d’être prêteuses. Enfin, l’ordonnance clarifie les conditions dans lesquelles les PSFP peuvent fournir des services de financement participatif aux collectivités territoriales.

Quoi qu’il en soit, le rapport au président de la République précise que l’article 1er de l’ordonnance modifie les dispositions relatives aux déclarations à la Banque de France pour tirer les conséquences de la création des PSFP, de la redéfinition du cadre des IFP et de la suppression des minibons.

Les articles 2 et 4 adaptent les dispositions relatives au PEA-PME et plan d’épargne retraite (PER) compte tenu des modifications du cadre national du financement participatif.

L’article 3 supprime le régime des minibons. Les conséquences sur les autres articles du Code monétaire et financier ou du Code général des impôts sont couvertes dans les articles 8, 9 et 31 à 35.

Les articles 5 et 6 modifient l’encadrement du démarchage pour inclure dans cette réglementation les PSFP.

Les articles 9 à 14 permettent aux personnes physiques et morales d’octroyer des prêts si elles ont recours au service d’un IFP ou d’un PSFP ayant une activité de prêts.

L’article 15 permet aux PSFP d’être exonérés des obligations découlant de la directive Marchés d’Instruments Financiers (MIF) afin de ne pas être soumis à un double agrément, à la fois au titre du nouveau règlement européen et au titre de la directive.

L’article 17 supprime la possibilité pour les PSI d’avoir des activités de financement participatif, sauf s’ils ont par ailleurs l’agrément de PSFP.

La création du statut de prestataire de services de financement participatif (PSFP)

L’article 19 crée le statut de PSFP en droit interne et les procédures d’agrément et de supervision. L’ordonnance précise que les prestataires de services de financement participatif sont les personnes morales agréées, dans les conditions fixées par ce règlement, par l’Autorité des marchés financiers. L’ordonnance précise également que si le programme d’activité du demandeur comprend la facilitation de l’octroi de prêts, l’agrément de prestataire de services de financement participatif ne peut être délivré par l’Autorité des marchés financiers qu’après avoir recueilli l’avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L’extension de l’agrément est accordée dans les mêmes conditions.

L’Autorité est compétente pour assurer la surveillance et le contrôle des prestataires agréés et doit solliciter l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution lorsque le programme d’activité du prestataire comprend la facilitation de l’octroi de prêts.

Dans ce cadre, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution doit porter toute information utile à la connaissance de l’Autorité des marchés financiers. Le retrait d’agrément d’un prestataire de services de financement participatif est prononcé par l’Autorité des marchés financiers à la demande de celui-ci. Ce retrait peut aussi être décidé d’office par l’Autorité des marchés financiers dans les situations mentionnées à l’article 17 du règlement (UE) n° 2020/1503 du 7 octobre 2020. Si le programme d’activité du demandeur comprend la facilitation de l’octroi de prêts, le retrait d’agrément est subordonné à l’avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Le retrait d’agrément prend effet à l’expiration d’une période dont la durée est déterminée par l’Autorité des marchés financiers. Pendant cette période :

1° Le prestataire de services de financement participatif est soumis au contrôle de l’Autorité des marchés financiers. Sans préjudice des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 30 et 40 du règlement (UE) n° 2020/1503 du 7 octobre 2020, celle-ci peut prononcer les sanctions prévues à l’article L. 621-15 à l’encontre de tout prestataire de services de financement participatif ayant fait l’objet d’un retrait d’agrément ;

2° Il ne peut effectuer que des opérations strictement nécessaires à la préservation des intérêts des clients ;

3° Il ne peut faire état de sa qualité de prestataire de services de financement participatif qu’en précisant que son agrément est en cours de retrait ;

4° Au terme de cette période, la personne morale concernée perd la qualité de prestataire de services de financement participatif et doit avoir changé sa dénomination sociale.

Par ailleurs, selon l’ordonnance, la fiche d’informations clés sur l’investissement mentionnée aux paragraphes 2 et 3 de l’article 23 du règlement (UE) n° 2020/1503 du 7 octobre 2020 doit être rédigée en français. Toutefois, dans des conditions et limites fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, elle peut être rédigée dans une langue usuelle en matière financière autre que le français.

De même, lorsqu’elles sont diffusées en France, les communications publicitaires mentionnées au paragraphe 3 de l’article 27 du règlement (UE) n° 2020/1503 du 7 octobre 2020 doivent être rédigées en français. Toutefois, dans des conditions et limites fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, elles peuvent être rédigées dans une langue usuelle en matière financière autre que le français.

Par ailleurs, précise l’ordonnance, lorsque le porteur de projet est une collectivité territoriale, le prestataire de services de financement participatif doit l’informer, ainsi que les investisseurs des délits de concussion, corruption passive et prise illégale d’intérêts susceptibles d’être encourus et des bonnes pratiques établies par les organismes de régulation visant à garantir le respect de ces articles du Code pénal.

Enfin, l’article 19 précise que les PSFP peuvent également fournir des services dans le cadre du droit national, en titres (sans passeportage) pour des activités non couvertes par le règlement UE (notamment tous les projets sans profit des collectivités). Il est demandé que leurs activités, bien que non couvertes par le règlement, suivent le plus possible les règles du règlement pour maintenir un cadre harmonisé. Des dispositions supplémentaires sont précisées compte tenu de la spécificité de la fourniture du service exclusivement en France et des projets concernés (notamment ceux des collectivités).

Les dispositions relatives aux intermédiaires en financement participatif (IFP)

Par ailleurs, l’article 20, quant à lui, réorganise les dispositions relatives aux IFP. Il permet de conserver un régime national IFP pour les crédits onéreux lorsqu’il s’agit d’activités non couvertes par le règlement (par exemple les projets sans profit des collectivités territoriales).

Il permet également de garder un régime national pour les activités n’entrant pas dans le champ du règlement : le don et les prêts à titre gratuit. La notion de projet est redéfinie pour y intégrer des activités plus larges, notamment les cagnottes en ligne et les assujettir à la LCB-FT avec une exonération pour les projets de petite taille (v. article 24).

L’article 21 élargit les activités pouvant être exercées par ailleurs par les IFP, aux activités d’établissement de monnaie électronique et de PSFP. Le cumul d’activité est également facilité.

L’ordonnance précise que le ministre chargé de l’Économie fixe les conditions dans lesquelles les intermédiaires en financement participatif peuvent exercer, à titre habituel, une activité autre que celles prévues au présent article, dans le prolongement de la fourniture de services de financement participatif et à l’exclusion de prestations de vente de biens, notamment ceux dont ils facilitent le financement.

L’article 22 modifie les formalités que doivent respecter les offres de financement participatif intérmédiées par un IFP.

L’ordonnance précise que, sans préjudice des exigences en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, lorsqu’ils présentent des offres de financement, par prêts ou par dons, prenant la forme d’une collecte ouverte au public, les intermédiaires en financement participatif doivent veiller à ce que le projet présenté soit prédéfini en termes d’objet, de montant cible de financement, de calendrier, de description chiffrée de l’utilisation prévue des fonds levés et de résultat attendu.

L’article 23 assujettit à la LCB-FT les PSFP, en lieu et place des CIP, au titre des activités qu’ils fournissent dans le cadre du droit national. Les activités exercées dans le cadre du droit de l’UE ne sont pas couvertes par les obligations LCB-FT. L’article 25 tire les conséquences de cet assujettissement.

L’article 26 étend le champ du délit d’entrave aux activités des IFP.

Les articles 27 à 30 adaptent les dispositions pénales relatives aux activités de financement participatif.

Les articles 31 à 35 donnent à l’AMF compétence en matière de surveillance, contrôle et sanction des PSFP.

L’article 36 adapte l’article 125-00 A du Code général des impôts compte tenu de la suppression des minibons et de la redéfinition des activités des IFP.

L’article 37 modifie l’annexe à l’ordonnance n° 2021-1200 du 15 septembre 2021 relative aux titres Ier et II de la partie législative du livre.

L’article 38 fixe les conditions dans lesquelles des minibons et des titres intermédiés par des PSI ou CIP demeurent éligibles au PEA-PME.

Enfin, l’article 39 prévoit des dispositions transitoires permettant à des entités déjà agréées comme CIP ou IFP ainsi qu’aux PSI effectuant du financement participatif, de continuer à le faire y compris sur le champ du règlement UE jusqu’à l’obtention de l’agrément de PSFP, et au plus tard le 10 novembre 2022.

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