Économie : « Le choc est particulièrement fort pour Paris et la petite couronne »

Publié le 01/12/2020

L’économie francilienne subit à nouveau brutalement la crise sanitaire. La deuxième vague de contaminations et le reconfinement pour la freiner frappe l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel et la culture. Des secteurs très présents en région parisienne. Si globalement ce second confinement a un impact moins important sur la diminution de l’activité (- 30 % lors du premier confinement, – 12 % aujourd’hui), ces domaines subissent un arrêt brutal comme au mois de mars dernier. Le directeur régional île-de-France de la Banque de France, Jean-Pascal Prevet, analyse la conjoncture économique sur le territoire francilien.

Actu Juridique : Quelle est la conjoncture économique actuelle dans la région Île-de-France ?

Jean-Pascal Prevet : Nous avons mené notre dernière enquête au mois d’octobre, dans laquelle on demandait aux chefs d’entreprises leurs perspectives sur les mois de novembre et décembre. Globalement, sur octobre, l’activité était quasi-stable mais ils anticipaient une baisse assez sensible sur le mois de novembre. Il y a deux choses concernant l’Île-de-France. D’abord, elle est plus impactée que la moyenne des régions françaises, par la crise actuelle. C’est une région de services dans lesquels sont fortement représentés l’événementiel, la culture, l’hôtellerie et la restauration. Tous ces secteurs sont à l’arrêt.

S’agissant des services aux entreprises, l’Île-de-France est située au même niveau que les autres territoires à propos des transports, de la comptabilité ou encore de l’audit. Mais la part relative à l’hôtellerie, la restauration, la culture et l’événementiel est plus forte au niveau francilien et tire l’activité vers le bas. Le confinement actuel impacte en moyenne les entreprises trois fois moins que le premier. Entre les mois de mars et mai, on a connu une baisse d’activité de plus de 30 %, au niveau national. À l’heure actuelle, on est sur une diminution de 12 % prévue pour novembre. Ce second confinement est moins pénalisant sur l’économie. Cependant, ce n’est pas le cas pour l’hôtellerie, la restauration, l’événementiel et la culture. On est sur les mêmes taux qu’au mois d’avril dernier, soit 15 % de fonctionnement dans ces secteurs.

Sur l’industrie présente en Île-de-France, globalement, l’activité se maintient, en phase avec les autres régions. Ce confinement ne bloque pas l’activité industrielle. Par contre, deux secteurs représentés dans la région francilienne, l’automobile et l’aéronautique, sont en difficulté.

AJ : À ce jour combien de prêts garantis par l’État ont été accordés en Île-de-France ?

 J.-P. P. : 128 000 prêts garantis par l’État ont été octroyés en Île-de-France, qui représentent 21 % du nombre de PGE accordés en France.

« Les PGE représentent 45 Mds€ attribués à des entreprises franciliennes, soit 37 % des PGE distribués en France »

En valeur, ces prêts représentent 45 Mds€ attribués à des entreprises franciliennes, soit 37 % des PGE distribués en France. Quelques grandes entreprises d’Île-de-France ont bénéficié d’importantes lignes.

AJ : Comment les entreprises franciliennes ont-elles utilisé leur PGE ?

J.-P. P. : Les situations des entreprises sont très variables. Celles qui ont mis en place un PGE, en ne sachant pas trop ce qui les attendait et qui ont rebondi fortement pendant l’été et au début de l’automne, ont eu rapidement une entrée de cash. Ces sociétés n’ont pas consommé leur PGE. En revanche, on voit revenir depuis quelques jours des médiations du crédit sur une seconde demande de prêt garanti par l’État. Cela concerne les entreprises dans les secteurs les plus touchés. Ce sont des sociétés qui n’ont pas utilisé la totalité du seuil de 25 % du chiffre d’affaires, lors du premier PGE. Elles ont pensé que la somme demandée suffirait. Elles ont passé l’été.

Mais avec le reconfinement actuel, des entreprises reviennent car elles ont consommé leur premier PGE et aimerait bien compléter jusqu’au seuil maximal avec un deuxième prêt. Le niveau d’incertitude des chefs d’entreprise était total lors du premier confinement. La logique était de diminuer tous les coûts et les investissements. Chacun faisait le dos rond et se protégeait. Les investissements étaient remis en cause et ce qui n’était pas indispensable était arrêté. Il n’y avait plus de distribution de dividende. Il y avait des plans d’économies dans de nombreuses entreprises. Personne n’allait se lancer dans des investissements, seulement à la marge, notamment avec des aides de la région. C’est le cas en Île-de-France par exemple, avec des dispositifs pour pousser les entreprises à investir dans le digital et la numérisation.

AJ : Quelles sont les principales problématiques des petites et moyennes entreprises d’Île-de-France et sont-elles menacées par ce second confinement ?

 J.-P. P. : La situation en Île-de-France ressemble à celle que l’on constate ailleurs. La plupart des entreprises sont des TPE. Là où il y a un effet de vision un peu différent, c’est que la plupart des grands groupes internationaux sont installés en Île-de-France. Quand vous raisonnez en nombre d’entreprises, on ne les sent pas. Si vous raisonnez en valeur ajoutée ou en chiffre d’affaires, évidemment l’Île-de-France est surpondérée par rapport à ces grandes sociétés. Ce qui est très sensible dans la région francilienne, c’est la partie service marchand Paris intra-muros et petite couronne. Plus vous vous éloignez de la petite couronne, plus vous ressemblez aux autres régions. Le choc est donc particulièrement fort pour Paris et la petite couronne qui concentre les activités d’hébergement, d’hôtellerie, de restauration, de culture et événementielle.

« Pour le moment, il n’y a pas de dépôt de bilan. C’est une des conséquences du succès des mesures mises en place par l’État »

Une anecdote : habituellement les spectateurs du tournoi de Roland Garros emplissent certains hôtels à 90 %. Lors du tournoi au mois de septembre 2020, il n’y avait pratiquement aucune réservation de cette nature. Le choc est rude et vous pouvez projeter cela pour tous les salons, parcs d’exposition, qui font vivre de nombreuses TPE franciliennes et qui sont actuellement « en apnée ». Mais pour le moment, il n’y a pas de dépôt de bilan. C’est une des conséquences du succès des mesures mises en place par l’État. Il y a une injection directe et indirecte de trésorerie. Par conséquent, pour le moment, les dépôts de bilan, défaillances et défauts sont absents voire même parfois inférieurs à l’année dernière. Mais le second confinement peut être difficile pour certains.

AJ : Concernant le secteur industriel francilien, constatez-vous des consolidations à travers des rachats d’entreprises par des grands groupes ?

J.-P. P. : Pour l’instant, nous n’avons pas de vision là-dessus. C’est sûr que les sous-traitants de rang 1 sont indispensables pour les grands groupes concernés. Historiquement, ils sont toujours venus en soutien de ces sous-traitants importants. Aujourd’hui, c’est trop tôt pour voir cela. Les mesures mises en place ont permis aux entreprises de passer cette période difficile, surtout dans le secteur industriel. Puis, ce second confinement n’empêche pas de travailler dans l’industrie. Les protocoles sanitaires ont été mis en place. Dans l’automobile, il y a une partie de la baisse actuelle, qui est due à des restructurations industrielles de site. Certains constructeurs changent leur type d’activité sur un site et arrête la production. Mais je ne peux pas vous dire qu’il y a des concentrations à ce stade.

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