Val-de-Marne (94)

Si la Cité de la gastronomie est encore un projet, le parcours de la gastronomie est bien vivant

Publié le 04/03/2021

Grand projet de la région Île-de-France, s’articulant autour du marché d’intérêt national de Rungis, la Cité de la gastronomie est aussi ambitieuse que son ambassadrice, Babette de Rozières.

En octobre 2019, la Cité internationale de la gastronomie ouvrait ses portes à Lyon : 4 000 mètres carrés du Grand Hôtel-Dieu consacrés au « repas gastronomique des Français », inscrit en 2010 au patrimoine mondial de l’Unesco. Les visiteurs et visiteuses ont pu, pendant quelques mois, arpenter la restitution d’un bouchon lyonnais, retrouver les grands noms de la gastronomie lyonnaise (la mère Brazier, la mère Fillioux, mais aussi Paul Bocuse, les frères Troisgros, Fernand Point et Jacques Pic), et enfin découvrir des menus et des recettes. Le premier étage propose un espace de coworking pour les start-up du domaine culinaire, ainsi qu’une gastro ludothèque (avec une mini cuisine) pour les enfants et les adolescents qui auraient envie de mettre la main à la pâte.

Au total, ce sont quatre villes de métropole : Lyon, Dijon, Tours et Paris, qui ont proposé des projets de Cités de la gastronomie spécifiques à leurs territoires. Toutes ont signé le cahier des charges suivant : « Création d’un équipement culturel pluridisciplinaire, à dimension nationale et internationale, [qui] contribuera à sensibiliser le public à l’histoire, aux fonctions et valeurs du repas, ainsi qu’à la vitalité de ses expérimentations en France et dans le monde. Cet équipement culturel pourrait être un espace vivant favorisant, par des activités pédagogiques (ateliers, productions éditoriales), artistiques et documentaires (expositions, rencontres, discussions), une meilleure connaissance de la pratique culturelle et sociale du repas gastronomique des Français, de ses rites et plus largement des traditions des repas des communautés partout dans le monde ».

Première région française de la gastronomie avec 17 % des restaurants français et pas moins de 130 restaurants étoilés, c’est donc tout logiquement en Île-de-France, près du marché de Rungis, que surgira en 2024 (si tout va bien) la Cité de la gastronomie, lovée sur un terrain de 7 hectares, à la sortie de la station de la ligne 14 qui en 2024 serpentera jusqu’à l’aéroport d’Orly. La Cité s’articulera spécifiquement autour de l’alimentation durable et proposera par exemple des jardins pédagogiques montés avec des fermes urbaines partenaires. Elle sensibilisera les visiteurs à ces questions – mais également à la gourmandise – avec des expositions temporaires agrémentées d’expérimentations, tout cela grâce à un grand auditorium, un Fab Lab gastronomique, des espaces pour des spectacles culinaires, mais aussi des commerces gastronomiques et des restaurants. Un projet ambitieux qui permettra sans doute aux visiteurs franciliens et touristes venus du monde entier de s’approprier ce morceau d’Île-de-France d’ordinaire plutôt fréquenté par les professionnels et surtout aux aurores, le marché alimentaire étant ouvert de 2h à 11h.

Cité de la gastronomie
DR

Le parcours de la gastronomie lancé en 2021

Babette de Rozières est une femme occupée. Même si son restaurant La case de Babette, situé dans les Yvelines à Maule, est fermé pour cause de Covid et que ses trois salariés sont au chômage partiel, la cheffe, animatrice, autrice et femme politique parcourt toute la région pour parler et vivre de sa passion : la cuisine.

Parce que cette passion a pignon sur rue, elle a été nommée déléguée spéciale à la Cité de la gastronomie à la région Île-de-France, une mission qui la réjouit, comme elle le décrit elle-même sur son site internet : « J’ai à cœur de développer ce projet afin de créer une cité splendide qui saura combler chacun, qu’il soit habitant, visiteur ou professionnel. Du choix du site aux différentes plateformes prévues, je me bats pour offrir à la région Île-de-France un lieu qui nous ressemble, un lieu où se mêleront des produits de qualité, des formations uniques, des partenariats avec des écoles pour aider à l’éducation du “mieux manger” ; des plateaux techniques pointus pour pouvoir accueillir formations et concours ; mais également des lieux d’expositions, des jardins pédagogiques ou une médiathèque. Femme de terrain, femme d’engagement, femme de parole, je ferai ce pour quoi je me suis engagée : faire naître et faire vivre ce lieu d’exception qui représente tant à mes yeux ».

Lorsqu’on arrive à lui parler par téléphone, Babette de Rozières est en voiture entre deux rendez-vous, elle le dit tout de go : « Avec moi, il faut suivre, c’est trépidant ma vie entre mes radios, mes télés, la préparation d’un livre, et surtout un mari qui me prend beaucoup de temps ». La femme politique qui n’a pas la langue dans sa poche l’admet volontiers, elle ne consacre pas tout son temps au grand projet de la région qui patine un peu trop pour elle : « Cela fait six ans qu’on est sur ce projet, cela n’avance pas vite et le terrain n’est pas encore acheté… Selon moi, ce n’est que l’ultime site d’un projet bien lancé, lui : le parcours de la gastronomie ».

Un parcours touristique pour valoriser le patrimoine culinaire d’Île-de-France

Le parcours de la gastronomie, lancé en 2019, s’inscrit dans la stratégie de développement touristique régionale. Il vient aussi en complément de l’action conduite par la région et Île-de-France Terre de saveurs afin de promouvoir le « produit en Île-de-France » et les filières agricoles et alimentaires du territoire. Sur six sites distribués sur tout le territoire, les touristes pourront appréhender toute la diversité du territoire et faire du culino-tourisme. Sur le site de l’école de la Marine, à Paris, près de la Concorde, le thème sera la cuisine des voyages et des explorations. « C’était compliqué d’obtenir ce site », concède l’élue, «  Il était plutôt voué à accueillir des expositions. Il y aura un bistrot, un resto chic, un bar avec tous les alcools du monde (avec beaucoup de rhum notamment), une école… J’ai su convaincre en rappelant la place de l’exploration dans la gastronomie : le café, le riz d’où viennent-ils ? ».

Le site sera inauguré en avril prochain. Suivront ensuite l’ancienne poste de Versailles (78) qui accueillera un centre d’innovation, une salle de spectacle et des commerces et restaurants, autour du savoir-faire artisanal français et des nouvelles technologies. À Saint-Ouen (93), près des puces, une halle gourmande hébergera un espace de commerces de bouche, de restaurants avec un marché bio, une école de cuisine et une ferme pédagogique. À Noisiel (77), l’ancien siège de la chocolaterie Meunier, classé monument historique, va devenir une destination plurielle autour de la gourmandise mêlant activité économique, espaces verts et équipements publics. L’audacieux pavillon français de l’exposition universelle de Milan sera déménagé à Tremblay en France, et sous sa coquille on trouvera un site avant-gardiste de l’innovation agro-alimentaire. Enfin, à Coulommiers (77) c’est bien entendu le fromage que les touristes viendront chercher : le site historique du Couvent des capucins deviendra un équipement touristique majeur autour du « brie », marque mondialement connue (en particulier dans les pays anglo-saxons). « Avant même d’arriver dans la région, la personne pourra acheter un pass pour aller visiter tous les sites et découvrir toute la diversité de la région. Il y aura des écoles dans tous les sites pour enseigner la cuisine aux enfants, aux adultes », se réjouit Babette de Rozières.

Convaincue qu’il reste encore des territoires politiques à conquérir, l’impératrice de la cuisine des outre-mer n’a pas hésité à marteler dans chaque site du parcours que la gastronomie française est aussi celle de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Polynésie et de la Réunion. « Les professeurs de cuisine qu’on envoie en outre-mer enseignent la blanquette, mais c’est important pour les élèves métropolitains d’apprendre aussi la cuisine d’outre mer ». C’est la raison pour laquelle elle n’a pas hésité à maintenir en distanciel son salon de la gastronomie des outre-mers et de la francophonie, qui se tient jusqu’au 29 avril prochain sur le site www.sagasdom.com.

La Cité de la gastronomie est donc censée parachever un tour de l’Île-de-France déjà bien rempli. Babette de Rozières préfère quant à elle penser à l’ouverture de l’hôtel de la Marine plutôt que d’envisager le lointain horizon 2024. « Je vais tout faire pour que ce projet aboutisse mais je suis un petit peu pessimiste, ce n’est qu’aujourd’hui qu’on fait l’appel d’offre, le terrain n’est pas acheté… Avec Valérie Pécresse nous allons tout faire pour que cela fonctionne. Pour la présidente de région aussi la gastronomie est quelque chose d’important, et d’ailleurs tout le monde se rend compte que quand un restaurant est fermé, c’est tout le village qui est mort ».

X