Entreprises en difficulté : quelles sont les conséquences de la loi PACTE ?

Publié le 28/08/2019

La loi PACTE (n° 2019-486) sur la croissance et la transformation des entreprises est datée du 22 mai 2019, le Conseil constitutionnel ayant validé le texte voté.

Il nous est apparu utile de procéder, sous forme d’un résumé rapide, à la description des principales mesures intéressant la matière du droit des entreprises en difficulté.

I – L’annonce d’une réforme de fond

L’impact de ces mesures n’est pas aussi important que ce que l’on pouvait en attendre. Mais une réforme de grande ampleur est annoncée, l’article 60.1 de cette loi prévoit en effet que le gouvernement prendra prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de 2 ans, des mesures pour simplifier le droit des sûretés et renforcer son efficacité.

Nous savons aussi que l’article 196-1 de la loi permettra au gouvernement de prendre par ordonnance dans le même délai, des dispositions favorisant la poursuite de l’activité, la sauvegarde de l’emploi, l’apurement du passif et le rebond des entrepreneurs « honnêtes » en permettant la réduction des coûts et des délais des procédures, et tout cela dans des conditions permettant de rendre compatible le livre VI avec le droit de l’Union européenne.

Nous savons à cet égard qu’une directive communautaire est en cours d’élaboration, un texte ayant d’ores et déjà été diffusé. Il nous semble que le principal mérite de la loi PACTE est d’ouvrir ces nouveaux chantiers de grande ampleur.

En ce qui concerne les autres dispositions de la loi, il semble qu’elles sont nettement moins importantes mais il convient de les évoquer.

II – La conciliation

Les pouvoirs d’enquête du président du tribunal sont renforcés après l’ouverture de la conciliation. Il a été en effet ajouté à l’article L. 611-6 du Code de commerce la possibilité de demander des informations aux entreprises d’assurance-crédit, notamment sur la cotation des assureurs-crédits.

Cet ajout est sans doute intéressant mais en pratique, les conciliateurs tentent de sauver l’entreprise et auront très rapidement connaissance de ces informations, si elles ont une importance pour le traitement du dossier. Il n’est donc pas certain que le président ait réellement intérêt à se procurer ce type d’information, alors même qu’il est dans le rôle du conciliateur de vérifier l’ensemble de ces éléments pour assurer le bon déroulement de sa mission.

En pratique, la discussion avec les assureurs-crédits notamment sur la notation est particulièrement difficile et il conviendrait sans doute d’approfondir cette question pour que chacun soit plus à l’aise dans son rôle, l’assurance-crédit ne souhaitant pas prendre de responsabilité en établissant des notations qui seraient en opposition avec les analyses qu’il réalise d’une manière habituelle.

A contrario, l’effet de contagion d’une mauvaise notation peut parfois avoir des conséquences disproportionnées et entraver sérieusement la possibilité de redressement d’une entreprise. Il convient donc de rechercher des solutions plus nuancées, respectueuses des droits et des possibilités de chacun.

III – Le rétablissement professionnel

La procédure de rétablissement professionnel est modifiée. Elle avait été créée en 2014 pour des entrepreneurs ayant un actif très faible de 5 000 € au maximum sans salarié, ni d’aide salariale. Cette nouvelle législation a été très peu utilisée et n’a concerné qu’environ 500 rétablissements professionnels entre 2014 et 2017.

Désormais, il n’est plus demandé que le débiteur ne fasse pas l’objet d’une procédure en cours1. Selon le professeur Le Corre, l’ouverture d’un rétablissement professionnel après résolution du plan serait possible.

Il serait même envisageable de faire bénéficier le débiteur de cette procédure lorsqu’il a préalablement bénéficié d’une sauvegarde ou d’un redressement judiciaire mais le professeur Le Corre considère que le texte n’est pas assez clair2.

Nous n’entrerons pas ici dans le détail de ces dispositions, dont l’intérêt pratique est relativement limité, même si certains professionnels, notamment libéraux, ont pu en bénéficier.

L’idée importante est que le tribunal peut proposer le rétablissement professionnel.

IV – L’ouverture d’une procédure collective

A – La rémunération du dirigeant

Il s’agit d’une modification de l’article L. 631-11 du Code de commerce et de l’article L. 641-11 du même code. Auparavant, dans le cadre de l’ouverture d’une procédure collective, le dirigeant devait faire fixer sa rémunération par le juge-commissaire.

À présent, le principe est le maintien de sa rémunération. Si les organes de la procédure considèrent qu’une réduction est nécessaire, ils devront en faire la demande pour que le juge-commissaire procède à cette réduction.

Concrètement, cela facilitera le sort du dirigeant en difficulté, dès lors que la soumission à l’appréciation du juge-commissaire ne sera plus la règle mais l’exception.

Ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront pas en liquidation judiciaire où le juge-commissaire gardera la plénitude de ses fonctions, mais, en principe, le dessaisissement aboutit à la suppression de la rémunération du dirigeant…

Des dispositions ont été prises pour les agriculteurs, dans l’hypothèse d’un règlement amiable mais nous ne les évoquerons pas ici3.

B – Le choix de l’administrateur judiciaire

Nous savons que le débiteur a acquis, au fil des années, la possibilité de proposer un administrateur judiciaire de son choix pour exercer les missions de mandat ad hoc et de conciliateur. Puis il a été prévu qu’un devis devait être préalablement établi par les personnes ainsi choisies pour exercer ces missions avec le contrôle du juge de la prévention et le cas échéant, du parquet.

Puis la possibilité de proposer un administrateur judiciaire dans le cadre d’une sauvegarde a été prévue.

À présent et par suppression d’une phrase de l’article L. 631-9 du Code de commerce (alinéa 1er), il devient possible pour le débiteur de proposer un administrateur judiciaire même en cas d’ouverture de redressement judiciaire.

Cette innovation est bienvenue car les administrateurs judiciaires rendent compte au tribunal dans des conditions qui sont clairement définies, et ce type de dispositions peut alléger l’angoisse du dirigeant en lui permettant de choisir un administrateur judiciaire avec lequel il aura un dialogue plus facile, du fait de la confiance qu’il aura témoignée par son choix.

Bien évidemment, cela n’engage pas l’administrateur à exercer sa mission dans des conditions différentes mais cela peut inciter le dirigeant à agir plus tôt, et cette innovation est donc bienvenue pour éviter les effets désastreux de l’ouverture tardive de ce type de procédure.

C – Les déclarations de créances de l’administration fiscale

Désormais, l’établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué dans un délai de 12 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture (C. com., art. L. 622-24 nouv.).

Il est bon que les créances de l’administration fiscale soient connues dans des délais clairement déterminés, ce qui était déjà dans le sens de ce qui était souhaité par la jurisprudence applicable (voir ci-après).

Ces nouvelles dispositions sont applicables en sauvegarde et en redressement judiciaire.

D – Les plans de cession

Le nouvel article L. 642-7 du Code de commerce précise que toute clause imposant au cessionnaire d’un bail des dispositions solidaires avec le cédant est réputée non écrite.

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux procédures ouvertes après la publication de la loi PACTE. La loi vient donc en réaction d’une jurisprudence en sens contraire4.

La loi souhaite donc faciliter les cessions d’entreprise en supprimant les clauses de solidarité inversées dans les baux professionnels. Concrètement, les grands bailleurs ont annoncé qu’ils prendraient des mesures pour s’adapter à cette modification, en sollicitant d’autres garanties, notamment personnelles.

Nous verrons donc l’impact de ces nouvelles dispositions en pratique, même si elles ont pour objet de faciliter la cession et la liquidité des actifs.

E – La liquidation judiciaire simplifiée

Cette procédure est supprimée avec l’abrogation de l’article L. 641-2-1.

Cette liquidation simplifiée était obligatoire lorsque le débiteur emploie au plus un salarié et a réalisé 300 000 € de chiffre d’affaires HT. Un délai plus rapide de clôture était prévu.

La loi PACTE change la règle en rendant obligatoire la liquidation judiciaire simplifiée et en supprimant la liquidation judiciaire simplifiée facultative. Les seuils de la liquidation judiciaire facultative qui étaient prévus concernaient les entreprises ayant 2 à 5 salariés avec un chiffre d’affaires HT compris entre 300 et 750 K €.

Si ces seuils sont atteints, la clôture de la liquidation judiciaire simplifiée doit intervenir dans l’année de la décision d’ouverture. La possibilité de prorogation pour 3 mois demeure.

La loi PACTE supprime aussi la mention de la liquidation judiciaire sur le casier judiciaire national. Seules pourront être mentionnées la faillite personnelle et l’interdiction de gérer qui sont considérées comme des sanctions.

La déclaration définitive des créances fiscales en liquidation judiciaire est modifiée avec une nouvelle rédaction de l’article L. 641-3. Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2020.

Le but est de rendre plus rapide les délais de vérification des créances en liquidation judiciaire pour faciliter le rebond du débiteur. Cette nouvelle rédaction tient compte des apports de la jurisprudence5.

En conclusion

Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire, a salué la publication de la loi PACTE au Journal officiel6. Le langage politique est décidément prévisible : le ministre considère qu’il s’agit « d’un texte d’efficacité » pour lever « tous les obstacles qui freinent aujourd’hui la croissance et le développement de nos entreprises » qui sont trop petites.

Il est considéré que les seuils sociaux et fiscaux sont un premier blocage à la croissance. Il existe en outre des barrières dues à des démarches administratives trop lourdes et il convient « de donner à nos entreprises les moyens d’innover ».

Il convient sans doute, au-delà de ces déclarations, de constater ce que les praticiens entendent : les entreprises sont écrasées de contraintes administratives avec une fiscalité beaucoup trop lourde et c’est pour des raisons économiques que leur développement est entravé.

Il n’est pas certain qu’en facilitant des formalités ou en changeant des seuils sociaux ou fiscaux, elles deviendront plus compétitives en ayant les moyens de surmonter leurs difficultés.

Si la loi PACTE va incontestablement, nous semble-t-il, dans le bon sens, il convient sans doute de mener une réflexion complémentaire, ce qui suppose des choix sans doute plus volontaristes.

L’État a-t-il les moyens de réduire la fiscalité qui pèse sur les entreprises, et notamment la fiscalité larvée due à des cotisations URSSAF qui sont devenues particulièrement lourdes ?

Ne convient-il pas de mettre à plat la fiscalité pour donner à nos entreprises une meilleure compétitivité ? L’État et le gouvernement apparaissent conscients de ces difficultés mais le poids de l’endettement et les contraintes de la vie politique constituent sans doute un frein important à l’élaboration de mesures véritablement efficaces.

Les contraintes économiques resteront sans doute bien lourdes.

L’un des moyens qu’il conviendrait de privilégier serait sans doute de pouvoir plus facilement réduire des créances de l’État pour des entreprises honnêtes et méritantes, et afin de leur redonner les moyens de retrouver leur compétitivité. Pour autant, l’argument de la concurrence demeure et elle doit exister pour tous avec une égalité des moyens.

Ce verrou avait été ouvert en 2007, mais ces réductions sont exceptionnelles et encadrées d’un lourd formalisme.

Ces solutions mériteraient d’être à nouveau examinées même si elles posent naturellement des difficultés sur le plan européen, au titre du droit des aides d’État.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. com., art. L. 645-1.
  • 2.
    Le Corre P. M., « la loi PACTE et le livre VI du Code de commerce », Lexbase hebdo, éd. affaires, 23 mai 2019, n° 595.
  • 3.
    V. not. C. com., art. L. 651-1, al. 2 ; C. com., art. L. 626-12 et C. com., art. L. 626-12 nouv.
  • 4.
    CA Versailles, 12 mars 2015, n° 14/02599 : D. 2015, p. 1620, note Dumont-Lefranc.
  • 5.
    Cass. com., 25 oct. 2017, n° 16-18938, F-PB : Gaz. Pal. 16 janv. 2018, n° 311g7, p. 74, Le Corre P.-M. ; Act. proc. coll. 2017, comm. 299, note Lamulle T. ; RTD com. 2018, p. 190, note Martin-Serf A. ; Rev. proc. coll. 2018, comm. 167, note Vabres R.
  • 6.
    L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et à la transformation des entreprises et Cons. const., 16 mai 2019, n° 2019-781 DC.
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