Val-de-marne (94)

Île-de-France Europe : servir la cause francilienne à Bruxelles

Publié le 02/07/2021

Créée en 1994, l’association Île-de-France Europe sert d’intermédiaire entre les collectivités de la région capitale et les institutions européennes. Elle défend notamment les intérêts du territoire lors des négociations des programmes et politiques européens. Olivia de Lasteyrie revient sur l’action de l’association qu’elle préside.

Actu-juridique : Quelles sont les missions de l’association Île-de-France Europe ?

Olivia de Lasteyrie : Île-de-France Europe représente, depuis sa création en 1994, différentes collectivités franciliennes auprès des institutions européennes. Il y a, bien sûr, la région Île-de-France, mais aussi six départements (Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne, Val-de-Marne, Val-d’Oise et Yvelines), et Île-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice de la mobilité dans la région, en tant que membre observateur. Nous avons deux objectifs principaux, fixés par nos membres. Le premier vise à faciliter l’accès, pour les collectivités franciliennes et leurs acteurs, aux opportunités de financement communautaire. Le second est une mission de lobbying, puisque nous développons des stratégies d’influence pour que les politiques et programmes de l’Union européenne correspondent autant que possible aux besoins du territoire francilien.

AJ : Concrètement, quels sont ces programmes ou ces politiques, sur lesquels vous travaillez pour défendre les intérêts des collectivités ?

O.L. : Ces dernières années, nous avons été mobilisés autour des négociations pour la politique de cohésion 2021-2027, puisque les Fonds européens structurels et d’investissement (FESI) sont gérés directement par les régions en France depuis 2014. Nous avons mis en avant nos propres positions lors de la préparation des propositions de règlement par la Commission européenne puis lors des négociations interinstitutionnelles, notamment sur les évolutions concernant les régions les plus « développées » – à laquelle l’Île-de-France appartient – afin de rappeler que même dans les régions dites « riches » la politique de cohésion est utile. Nous avons ainsi plaidé pour que les fonds soient utilisés de façon ciblée pour avoir plus d’impact.

En ce moment, et ce sera encore le cas dans les semaines à venir, nous travaillons aussi sur la révision du règlement relatif aux réseaux transeuropéens de transports dit RTE-T (Règl. (UE) n° 1315/2013 du Parlement européen et du Conseil, 11 déc. 2013). Ce règlement précisera la façon dont les ressources du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) seront allouées. L’enjeu, pour nous, est de peser sur les critères d’éligibilité aux futurs financements. Nous souhaitons qu’ils bénéficient davantage aux « nœuds urbains ». La Commission européenne et les autres institutions ont bien pris ce besoin en compte mais nous veillons désormais à ce que cela ne soit pas remis en cause lors des négociations interinstitutionnelles.

De manière générale, pour mener à bien nos missions, nous échangeons régulièrement, et au premier chef, avec les équipes de la Commission européenne ainsi qu’avec ses agences exécutives. Nous sommes également en contact régulier avec les équipes de la Représentation permanente de la France auprès de l’UE ainsi qu’avec des parlementaires européens français mais également avec les députés d’autres nationalités, principalement les rapporteurs ainsi que les shadow rapporteurs, les coordonnateurs et leurs équipes. Et ce pour connaître leurs positions et leur présenter les nôtres, parfois sous forme de propositions d’amendement.

zoom sur les étoiles du drapeau européen
Alterfalter / AdobeStock

AJ : Le poids démographique et économique de la région vous permet-il d’influencer significativement les politiques communautaires ?

O.L. : Les institutions européennes connaissent le poids, notamment économique, de l’Île-de-France à l’échelle de la France mais aussi de l’Union européenne. Nous avons donc la chance de trouver des oreilles attentives au sein des institutions sur de nombreuses problématiques. Néanmoins, la richesse de la région peut aussi parfois la desservir quand il s’agit de la politique de cohésion. En effet, certains sont tentés de penser : « Vous n’avez pas vraiment besoin d’agent puisque vous êtes riches ». C’est évidemment méconnaître les disparités sociales qui touchent la région. Si la région dans son ensemble est effectivement très développée, il y a des poches de pauvreté persistantes et des inégalités infrarégionales importantes. En tant que Franciliens nous les identifions très bien, ce qui n’est pas nécessairement le cas à Bruxelles, et plus particulièrement chez des interlocuteurs qui viennent d’États membres ayant adhéré à l’UE plus tardivement et où les besoins sont plus évidents. Nous devons donc régulièrement leur rappeler, par exemple, que notre région comprend le département le plus pauvre de France, la Seine-Saint-Denis. Un territoire qui, comme d’autres, a besoin, notamment, du Fonds social européen (FSE). Ainsi, être perçu comme « riche » est à la fois un atout et une faiblesse.

AJ : Que représentent les fonds européens pour l’Île-de-France ?

O.L. : Entre 2014 et 2020, l’Île-de-France a bénéficié de près de 915 millions d’euros de Fonds structurels et d’investissement, dont 540 millions d’euros directement gérés par le conseil régional. Cette somme se compose essentiellement du Fonds social européen (215 millions d’euros), qui a pour objectif d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leurs recherches, formations et parcours professionnels, mais aussi de lutter contre la pauvreté et l’exclusion. L’autre principal fonds géré par la région est le Fonds européen de développement (FED) régional qui, comme son nom l’indique, soutient des projets liés au développement économique, à la recherche ou encore à la protection de l’environnement. Pour la nouvelle programmation de 2021 à 2027, la somme allouée au conseil régional sera sensiblement la même. Cela peut paraître peu, au regard des nombreux enjeux couverts et du nombre d’acteurs potentiellement éligibles, mais c’est une manne financière non-négligeable dans un contexte marqué par l’affaiblissement des ressources des collectivités. Par ailleurs, dans le cadre de la réponse de l’Union européenne pour faire face aux conséquences de la pandémie, la région bénéficiera ces prochaines années d’une enveloppe supplémentaire de 103 millions d’euros.

AJ : Le regard des collectivités sur l’Union européenne a-t-il évolué ? Se méfient-elles moins de la « machine bruxelloise » ?

O.L. : D’après mon expérience, il n’y a pas particulièrement de méfiance et la gestion des fonds structurels par les régions a permis d’établir des relations de travail étroites et régulières entre les équipes de la Commission européenne et les régions qui peuvent ainsi soutenir des projets locaux et structurants. De manière générale, contrairement aux idées reçues, les institutions européennes sont extrêmement ouvertes aux contributions et aux avis des collectivités régionales et locales ainsi que des acteurs locaux. Elles ne sont pas du tout refermées sur elles-mêmes et hermétiques aux remarques.

Néanmoins, pour certaines collectivités, les plus petites notamment, cela reste difficile de solliciter des fonds européens via les programmes d’action communautaire comme Erasmus + ou Horizon Europe. Et ce pour des raisons essentiellement techniques : la rédaction des dossiers pour répondre à des appels à propositions afin de solliciter des cofinancements représente un gros travail et requiert de collaborer avec des partenaires d’autres États membres. La barrière de la langue peut également constituer un obstacle puisque les dossiers doivent presque toujours être rédigés en anglais. Toutefois, nous travaillons ensemble, avec la Direction des affaires européennes de la région et avec les équipes en charge au sein des départements, afin d’accompagner des collectivités qui souhaitent répondre à des appels à propositions de financement européen. Au total, en 2020, Île-de-France Europe a accompagné 22 porteurs de projets qui ont déposé des dossiers et huit d’entre eux ont reçu de cofinancements. C’est un bon ratio car il y a une forte concurrence pour bénéficier des programmes d’action communautaire (le taux de succès varie de 10 à 30 % selon les programmes).

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