Les principales dispositions de la loi DDADUE 4

Publié le 30/07/2024
Les principales dispositions de la loi DDADUE 4
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Sur le plan économique et financier, les dispositions de mise en conformité de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 dite DDADUE 4 entendent notamment donner leur plein effet à des dispositifs en faveur de la protection des consommateurs, préciser les règles applicables aux sociétés, et préciser différents textes de droit national dans les domaines du droit bancaire, monétaire et financier.

Le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a présenté le 15 novembre 2023 un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.

Ce texte doit permettre à la France de ne présenter aucun déficit de transposition et de disposer d’un droit national conforme aux différentes évolutions législatives européennes récentes. Il transpose ainsi plusieurs directives et met en cohérence le droit national avec un certain nombre de règlements.

À noter. Désormais, les absences pour maladie ou pour accident sont assimilées à du temps de travail effectif et donnent droit à l’acquisition de congés payés.

Protection des consommateurs

La loi permet notamment aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de contrôler les obligations prévues par le règlement (UE) n° 2023/1804 du 13 septembre 2023 en matière d’information du consommateur, et d’accès aux moyens de paiement applicables aux infrastructures pour carburants alternatifs.

La loi vise aussi à améliorer les rappels des produits et à renforcer les obligations d’informations et de coopération des places de marché en ligne avec les autorités.

En outre, un devoir de diligence est imposé à certains opérateurs économiques mettant en service ou sur le marché des batteries. La loi prévoit les modalités des contrôles et des sanctions applicables en cas de non-respect de ce devoir de diligence en matière de durabilité et d’étiquetage, de collecte, de traitement, de recyclage et de gestion des risques.

Par ailleurs, la loi comporte des dispositions relatives au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, notamment la création d’une nouvelle sanction applicable aux importateurs, ainsi qu’au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans les domaines de l’aviation et du transport maritime.

Représentation équilibrée entre les femmes et les hommes

Les règles nationales sur la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales sont harmonisées avec la réglementation européenne (directive dite Women on Boards) par ordonnance.

La France est particulièrement bien avancée avec, en 2022, plus de 46 % des femmes représentées parmi les membres des conseils d’administration et de surveillance des entreprises cotées et des autres grandes entreprises.

La transposition de la directive doit permettre de modifier les dispositions existantes pour s’assurer de la cohérence du dispositif global relatif à l’équilibre entre les hommes et les femmes dans les organes des sociétés commerciales et éviter de superposer un nouveau dispositif, issu de la directive, à celui, national et antérieur, qui subsisterait sur son champ.

Ainsi, la loi permet de garantir, dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés commerciales, l’exigence d’une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté, pour l’ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation, ce qui inclut les représentants des salariés (ARS et ARSA) dans le calcul du ratio de parité.

En application de la directive, les États membres doivent notamment :

• imposer aux sociétés cotées, au sein desquelles la représentation des hommes et des femmes n’est pas équilibrée, de sélectionner les candidats à élire ou à nommer aux postes d’administrateurs sur la base d’une procédure de sélection transparente et clairement définie ainsi que d’une évaluation comparative et objective de leurs qualifications, quant à l’aptitude, à la compétence et aux prestations professionnelles ;

• exiger des sociétés cotées qu’elles fournissent à une autorité compétente, qui doit être désignée nationalement, des informations relatives à la représentation des hommes et des femmes dans leurs conseils, en opérant une distinction entre les membres exécutifs et non exécutifs et les mesures mises en œuvre pour parvenir aux objectifs de la directive ;

• en matière de sanctions en cas de non-respect de ces obligations d’information, veiller à ce qu’il existe des procédures administratives ou judiciaires qui permettent d’obtenir l’exécution des obligations résultant de la directive. Ces sanctions devront être effectives, proportionnées et dissuasives. Elles pourront comprendre des amendes ou la possibilité pour un organe judiciaire d’invalider ou d’annuler une décision concernant la sélection des administrateurs effectuée en violation des dispositions nationales adoptées.

Droit des sociétés

L’article 4 de la loi du 22 avril 2024 ratifie l’ordonnance n° 2023-393 du 23 mai 2023, portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales ; plusieurs correctifs sont également apportés.

Apports partiels d’actifs soumis au même régime juridique que les scissions en matière de traitement des droits de vote double

L’article 4 de la loi précise qu’en cas de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions, les droits de vote double dans des sociétés tierces, dont bénéficie la société absorbée, la société scindée ou la société qui apporte une partie de son actif comprenant ces droits, sont maintenus au profit de la société absorbante ou de la société bénéficiaire de la scission ou de l’apport partiel d’actifs ou, le cas échéant, au profit de la société nouvelle résultant de l’opération.

Selon l’étude d’impact de la loi, « les entreprises ne seront plus dans le doute et elles n’auront plus besoin de consulter une doctrine mitigée sur la question dès lors qu’une disposition législative le prévoit expressément. Ainsi, les opérations d’apport partiel d’actifs seront sans impact sur les équilibres en matière de droits de vote (…) les actionnaires des sociétés auront la certitude du maintien de leur droit de vote suite aux opérations d’apport partiel d’actifs soumis au régime des scissions ».

Opérations de scissions

La loi du 22 avril 2024 permet également d’appliquer le régime des scissions aux opérations réalisées uniquement entre SARL. Ces opérations n’avaient pas été mentionnées dans la sous-section 2 de la section 2 du Code de commerce par l’ordonnance du 23 mai 2023 précitée alors qu’elles étaient soumises aux dispositions rassemblées dans cette nouvelle sous-section par le droit antérieur. L’ordonnance n’ayant pas permis de maintenir le droit constant sur ce point, la loi du 22 avril 2024 apporte ainsi ce correctif en rétablissant le droit antérieur à l’article L. 236-20 du Code de commerce.

En outre, la loi modifie l’article L. 236-21 du Code de commerce « qui a restreint aux scissions réalisées entre sociétés par actions l’application du seul I de l’article L. 236-9 alors que le droit antérieur à l’ordonnance leur permettait d’appliquer tout l’article, et donc son II autorisant d’effectuer des scissions par délégations de pouvoir ou de compétence »1.

La loi précise aussi qu’en cas de scission réalisée par apports à des sociétés nouvelles, c’est l’ensemble des rapports visés à l’article L. 236-10 du Code de commerce qui ne sont pas requis.

Opérations d’apports partiels d’actifs

De la même manière, la loi rétablit le droit antérieur à l’ordonnance du 24 mai 2023 et permet, lors des opérations mentionnées à l’article L. 236-28 du Code de commerce – opérations d’apports partiels d’actifs simplifiées – l’exonération des deux rapports précités, mentionnés à l’article L. 236-10 du Code de commerce.

La loi rétablit aussi explicitement la faculté de soumettre au régime simplifié les apports partiels d’actifs entre deux sociétés sœurs détenues en totalité par une même société.

Cela permet ainsi d’intégrer dans la même procédure d’apport partiel d’actif simplifié les opérations par le haut (société mère qui procède à l’apport), par le bas (société fille qui procède à l’apport) et entre sœurs (apport entre deux filiales détenues en totalité par une société mère), et ceci pour l’ensemble des formes sociales concernées (SA, SARL et opérations hybrides entre les deux formes).

En cas d’APA, il est aussi prévu la possibilité de stipuler que la société apporteuse ne sera pas solidaire des sociétés bénéficiaires de l’apport.

Opérations de fusions transfrontalières

Pour rappel, lors d’une fusion transfrontalière, chacune des sociétés participant à la fusion établit un avis informant les parties prenantes (associés, créanciers, délégués du personnel, salariés) qu’elles peuvent présenter des observations sur le projet de fusion jusqu’à cinq jours ouvrables avant la date de l’assemblée générale2.

La loi précise que dans les cas où l’approbation de la fusion par l’assemblée générale n’est pas requise, l’avis doit être présenté jusqu’à cinq jours ouvrables avant la date de la décision ou de la constatation de sa réalisation par l’organe compétent.

Le texte corrige également une erreur rédactionnelle en ajoutant la mention des « parts sociales » à celle des « actions » dans une disposition qui s’applique tant aux SA qu’aux SARL3.

Concernant le rapport sur l’opération transfrontalière, la loi précise que c’est sa mise à la disposition des associés ou sa remise aux instances représentatives du personnel (IRP) –ou aux salariés – qui doit être postérieure à l’avis éventuellement rendu par les IRP4.

Opérations d’apports partiels d’actifs transfrontaliers

Désormais, ne sont obligatoirement soumises au régime des apports partiels d’actifs transfrontaliers prévu par le Code de commerce que les opérations dans lesquelles sont apportés à la fois des éléments d’actif et de passif5.

Transformations transfrontalières

La loi complète la définition de la transformation transfrontalière en droit français6, définie comme l’opération par laquelle une SA ou SARL française se transforme en société de forme juridique relevant d’un autre État membre et y transfère au moins son siège statutaire, en ajoutant l’hypothèse inverse où une société d’un autre État membre se transforme en société relevant du droit français.

Dispositions relatives au droit bancaire, monétaire et financier

La loi met en cohérence le Code monétaire et financier avec le règlement initial (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les dépositaires centraux de titres.

Les dépositaires centraux de titres sont des infrastructures de post-marché qui contribuent de façon essentielle au bon fonctionnement des marchés financiers. Ils donnent confiance aux acteurs de marchés quant au fait que les transactions sur titres seront exécutées correctement et en temps voulu, y compris en période de très fortes tensions.

La loi contient aussi des dispositions sur les obligations d’information des clients sollicitant un service d’investissement. L’article L. 533-12 du Code monétaire et financier avait été modifié par l’ordonnance n° 2021-1652 du 15 décembre 2021, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, qui transposait la directive (UE) n° 2021/338 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2021 dite Quick Fix.

Cependant, la rédaction choisie lors de la transposition a été critiquée par les acteurs de la place de Paris en ce qu’elle ne reflète pas précisément la disposition de la directive européenne. La Commission européenne a également relevé cette difficulté au moment d’examiner la transposition de la directive (UE) n° 2021/338.

Selon un rapport sénatorial, « l’ambiguïté issue de la transposition [était] dommageable en ce qu’elle concerne une des exigences fondamentales relative à l’information transmise par des prestataires de services d’investissement à leurs clients, notamment particuliers. [La loi remédie] à cette ambiguïté par une rédaction plus proche du texte d’origine ».

La loi introduit aussi des dispositions en matière de lutte contre le blanchiment en droit interne et désigne explicitement l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en tant qu’autorité nationale compétente pour veiller au respect des exigences européennes concernant les paiements transfrontaliers dans l’Union (règlement CBPR7).

La loi habilite également le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi favorisant la transposition des modifications de la directive (UE) n° 2015/849, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

En outre, le gouvernement est habilité à intervenir par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, afin d’adapter le droit français au règlement sur les marchés de crypto-actifs.

Par ailleurs, on peut noter que les associations, fondations, fonds de dotation et fonds de pérennité doivent déclarer, en complément des informations figurant déjà dans un registre de données structurées tenu par l’autorité administrative et retraçant l’ensemble des informations les concernant et à la déclaration desquelles ils sont astreints par les lois et règlements qui les régissent, les informations actualisées relatives à leurs bénéficiaires effectifs.

L’autorité administrative doit vérifier par tous moyens, y compris par des demandes de justificatifs, l’adéquation, l’exactitude et le caractère actualisé des informations figurant dans chacun des registres concernés. Lorsqu’elle constate une divergence entre les informations déclarées et celles dont elle dispose, elle doit la signaler aux organismes concernés, aux fins de correction dans un délai qu’elle doit porter à leur connaissance. Dans l’intervalle et tant que la divergence persiste, elle doit la faire figurer dans le registre en précisant les informations sur lesquelles elle porte.

En outre, les placements collectifs ou leurs sociétés de gestion, lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes une société ainsi que les groupements d’intérêt économique, sont tenus de déclarer au RCS les informations relatives à leurs bénéficiaires effectifs.

Notes de bas de pages

  • 1.
    P. Cathalo, « Loi “DDADUE 4” : dispositions relatives au droit des sociétés (art. 4 et 5) », Lexbase, Le Quotidien, 24 avr. 2024.
  • 2.
    C. com., art. L. 236-35.
  • 3.
    C. com., art. L. 236-40, relatif à certains cas de cession de titres lors d’une fusion transfrontalière.
  • 4.
    C. com., art. L. 236-36, al. 4 modifié.
  • 5.
    C. com., art. L. 236-48, al. 1 modifié.
  • 6.
    C. com., art. L. 236-50.
  • 7.
    CBPR : Cross-Border Privacy Rules system.
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