Maxime Vinet et Noura el Chami, les deux lauréats du 10e prix AFJE

Publié le 18/07/2018

Lauréat de la 10e édition du prix AFJE, Maxime Vinet, 25 ans, a séduit le jury, composé de Servane Forest, directrice juridique chez Leboncoin, Kevin Appointaire, directeur juridique chez Delfingen, Caroline Monroe, associée chez Teamsearch, Corinne Caillaud, directrice juridique chez Microsoft, Mathieu Coulaud, Head of legal chez Microsoft, Emilie Guignot, commercial lawyer chez CE Power, et présidé par Luc Athlan. Un jury prestigieux, autant convaincu par son parcours que par sa créativité. Ce prix a été exceptionnellement l’occasion de remettre un prix spécial entrepreneuriat à Noura el Chami, 21 ans. Entretien avec ces deux têtes bien faîtes.

Les Petites Affiches

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?

Maxime Vinet

J’ai commencé mes études à Angers, d’abord par une licence puis j’ai intégré le Master 1 Droit des affaires. J’ai postulé au DJCE de Poitiers pour le Master 2, mais je n’ai pas été retenu. J’ai donc décidé de partir un an aux États-Unis en tant que garçon au pair. C’était une démarche personnelle qui m’a permis de sortir de ma zone de confort et de renforcer mon anglais. Je savais par ailleurs qu’en tant que garçon au pair j’avais la possibilité de m’inscrire dans une université américaine, ce que j’ai fait de septembre à décembre, pendant tout le deuxième semestre. J’ai suivi deux cours pour un total de 100 heures, un cours sur les sciences criminelles et un autre sur les grands procès de la justice américaine. À mon retour, j’ai postulé de nouveau au DJCE de Poitiers, avec un CV enrichi, et cette fois, j’ai été pris. Ainsi, cette période d’un an m’a permis de quitter le droit, mais pour mieux y revenir.

Noura el Chami

J’ai commencé ma scolarité en France avant de partir au Liban pour le lycée. Étant scolarisée au lycée français, j’ai rencontré des élèves des quatre coins du monde, et c’est ce qui m’amène aujourd’hui à vouloir travailler à l’international en anglais. De retour en France pour l’université, j’ai effectué ma licence à Nice. J’ai ensuite postulé au DJCE de Toulouse. C’est en M2 que j’ai entendu parler de l’AFJE et de ce concours.

LPA

Que dire du prix que vous avez reçu ?

M. V.

Le prix AFJE est ouvert à tous les étudiants des DJCE, donc entre 250 et 300 étudiants potentiels candidats. Pour la phase de candidature, il fallait retourner un dossier comprenant notamment un autoportrait et 90 secondes de vidéo pour présenter selon nous la vision du métier de juriste d’entreprise. Cela fait de ce prix un prix un peu particulier, au mode de sélection différent des autres, moins basé sur les capacités juridiques mais davantage sur la créativité et la personnalité. Sur une trentaine de candidatures, nous avons été six sélectionnés pour la finale qui s’est déroulée à Paris, face à un jury principalement composé de juristes et directeurs juridiques d’entreprises, tournées majoritairement vers l’international. La finale consistait à présenter son parcours, sa motivation, son projet professionnel et ensuite d’échanger avec les membres du jury pendant dix minutes. J’ai essayé de le faire de façon décomplexée et simple même si c’était forcément un peu stressant. Quand j’ai gagné, j’ai ressenti un moment de fierté, forcément ! Ce prix est une belle reconnaissance par rapport à mon parcours, d’autant plus que c’est un prix connu et reconnu par la profession, qui fêtait ses 10 ans cette année. Là où je suis content, c’est que j’ai quand même pris le temps de partir à l’étranger, ce qui demande de l’énergie, on s’éloigne de tout, c’est une démarche qui requiert un peu de courage au départ, donc se dire que cela n’entache pas du tout mon parcours professionnel, mais qu’au contraire, cela l’enrichit, c’est rassurant et gratifiant.

N. el C.

J’ai été très honorée qu’un prix spécial entrepreneuriat soit créé pour moi, pour récompenser mon esprit entrepreneurial. J’ai beaucoup été aidée par des amis du DJCE, qui m’ont donné des conseils et m’ont aidé à rédiger mon dossier de candidature, ça a été un grand plaisir d’être reconnue.

LPA

Comment avez-vous présenté votre projet de carrière ?

M. V.

Je suis reparti de la base, après le master 1 et l’échec de ma candidature en master 2, pour finalement le transformer en autre chose qui m’a permis de faire ce que j’avais envie de faire. Pourquoi le droit ? Actuellement, on assiste à une transformation des métiers juridiques et des matières juridiques. Au-delà des matières très classiques comme le droit des sociétés ou le droit des contrats, on voit que la vie de l’entreprise évolue, notamment avec le recours grandissant à l’intelligence artificielle, mais également le recours à cette matière un peu particulière, qui est celle de la « compliance » (la mise en conformité des entreprises). On est passé d’une logique de sanction à une logique d’accompagnement. Les entreprises doivent se mettre elles-mêmes en conformité ; ce qui demande de consacrer des moyens humains et financiers importants. Dans ces matières-là, que ce soit avec la loi Sapin 2 ou le RGPD, il y a beaucoup de formation à faire auprès des opérationnels. Retranscrire, traduire la norme juridique, c’est ce que doit faire le juriste d’entreprise, en plus de rédiger les contrats ou d’assister la direction de l’entreprise. C’est un métier qui permet de travailler avec des services différents, comme le service commercial, les ressources humaines, c’est donc très varié, voilà qui fait les différents attraits de la profession.

N. el C.

Après avoir testé le droit pénal, le droit privé, le droit des affaires, je savais que le fil conducteur de ma formation serait de devenir entrepreneuse. C’est ce point-là que j’ai développé lors de l’entretien avec le jury. J’ai eu l’idée de monter une entreprise qui recruterait des juristes ultra-spécialisés dans un secteur et qui seraient externalisés le temps d’une mission ponctuelle dans une entreprise. Par exemple, je constate qu’avec le RGPD, de nombreuses entreprises cherchent des spécialistes, pas dans 6 mois, mais maintenant ! Je pense que quelqu’un qui saurait tout d’un sujet et qui n’aurait pas juste survolé les choses, serait une vraie plus-value. Connaître un peu ces sujets ne sera jamais assez. Par exemple, la refonte de la e-privacy et des cookies l’année prochaine, pourrait être l’un de ces sujets très pointus sur lesquels se former.

LPA

Arriver dans un métier quand il est en pleine transformation est un défi pour vous ?

M. V.

Justement, je trouve que c’est très intéressant. Tout n’est pas à reconstruire, il y a des bases juridiques solides, mais oui, il existe des évolutions. Honnêtement, je préfère prendre le train en marche plutôt que de subir ces changements. Je trouve très intéressant d’y participer, c’est stimulant intellectuellement et il y a beaucoup de projets à mettre en place.

LPA

Quel regard portez-vous sur les nouvelles technologies ?

M. V.

La difficulté est que le développement des nouvelles technologies est extrêmement rapide. On développe beaucoup de choses, mais on n’a pas forcément les compétences et le recul nécessaire pour en évaluer les effets d’ici quinze ou vingt ans. Cela peut présenter un risque, qui doit nécessairement être évalué. Il faut donc se poser les bonnes questions dès maintenant, notamment celles qui concernent les droits de tous nos concitoyens, parfois sinon mis à mal, au moins questionnés, tout en assurant le développement des entreprises, grâce à ces technologies, qui sont finalement là pour ça.

N. el C.

Elles m’intéressent beaucoup et j’aimerais beaucoup, plus tard, pouvoir conseiller des PME en particulier des start-ups innovantes, qui ne sont pas forcément à Paris et qui ont des besoins qui restent sans réponses. Le défi consiste à trouver comment concilier ces services spécialisés, relativement onéreux, et des PME qui n’ont pas forcément les moyens pour le faire.

LPA

Comment voyez-vous votre avenir, proche ou moins proche ?

M. V.

Je viens de terminer mes études. Après mon année à Poitiers, j’ai effectué un mois à Montpellier, avec l’ensemble des DJCE de France, pour me spécialiser en propriété intellectuelle et en nouvelles technologies. Il s’agissait selon moi d’un excellent moyen de compléter ma formation généraliste et approfondie en droit des affaires. Je vais effectuer un stage de six mois à la rentrée de septembre, au sein de la direction juridique d’une grande entreprise. Cette expérience va me permettre de mettre en pratique ce que j’ai appris durant mes années d’études et mon année à l’étranger car je vais travailler en partie en anglais. Pour la suite, rien n’est écrit, tout reste à faire…

N. el C.

Je termine mon stage mi-juillet, puis je dois rédiger le rapport de stage et soutenir en septembre. La question est de savoir si je prends quelques mois de pause ou si je fonce immédiatement sur d’autres possibilités de stage ou de CDD qui me sont ouvertes. Ce qui est sûr, c’est que le taux de réponses que j’ai obtenues suite à des lettres de candidature prouve le besoin urgent des entreprises en juristes spécialisés RGPD.

LPA 18 Juil. 2018, n° 137z5, p.3

Référence : LPA 18 Juil. 2018, n° 137z5, p.3

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