Affaire Combo/Mélenchon : « Le street-art est pleinement protégé par le droit d’auteur »

Publié le 13/07/2023

Par un arrêt du 5 juillet (publié en intégralité à la fin de l’article), la cour d’appel de Paris a condamné Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise (LFI) pour avoir utilisé dans des clips de campagne une oeuvre de Combo sans son autorisation. Un arrêt « historique » selon l’avocat du street artiste, Me Nicolas Le Pays du Teilleul. 

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Actu-Juridique : Le street artiste Combo vient de gagner en appel dans le litige qui l’oppose à LFI et Jean-Luc Mélenchon. Quelle est la genèse de cette affaire ?

Nicolas Le Pays du Teilleul :  L’œuvre en question a été réalisée en 2017 sur un mur, boulevard du Temple à Paris. Elle représente une « Marianne Asiatique » portant un drapeau sur lequel est inscrit « Liberté, Egalité, Humanité ». Combo l’a réalisée à la suite de l’affaire Théo, pour protester contre les violences policières. Engagé mais pas politisé, fils d’un père libanais chrétien et d’une mère marocaine musulmane, mon client est très sensible à la question de la justice en général, sociale en particulier.

Sa Marianne, située entre République et Bastille, a été filmée à l’instigation de La France Insoumise à l’occasion d’une marche pour la 6e République en mars 2017, puis utilisée sans autorisation dans trois vidéos de propagande politique.

L’affaire a commencé en 2017, lorsque Combo a découvert que le clip de campagne officiel de M. Mélenchon pour les élections présidentielles commençait par un gros plan sur sa Marianne Asiatique. Ses demandes de suppression auprès de La France Insoumise étant restées sans réponse, il a alors confié le dossier à l’ADAGP (l’équivalent de la SACEM pour les plasticiens). Mon client pensait que cet organisme de gestion collective s’occuperait de faire valoir et respecter ses droits. Au passage, cette maladresse illustre le fossé gigantesque entre les droits qu’ont les artistes et la faible connaissance qu’ils en ont.

En 2020, Combo découvre que son œuvre figure à nouveau dans un clip de campagne de La France Insoumise pour les élections municipales. C’est à ce moment qu’il réalise que le clip de 2017, loin d’avoir disparu, est toujours largement diffusé sur internet et notamment sur les réseaux sociaux de M. Mélenchon et de La France Insoumise.

Après une mise en demeure préalable, nous avons assigné à jour fixe M. Mélenchon et La France Insoumise. Le 21 janvier 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement constituant le premier volet judiciaire de cette affaire.

Actu-Juridique : Le tribunal fait-il droit à Combo à l’époque ?

NLPT : Le jugement est étonnant à double titre, car émanant d’une formation spécialisée dans les questions de droit d’auteur.

*Il reconnaît à l’œuvre sa qualité de création originale, donc protégeable, et à Combo la titularité sur cette œuvre. Il prévoit par ailleurs que M. Mélenchon est responsable du contenu publié sur ses réseaux sociaux. Néanmoins, il applique deux exceptions de manière très discutable (la courte citation et le panorama), et refuse l’atteinte aux droits moraux de Combo (paternité, intégrité physique, intégrité spirituelle).

*Il condamne Combo à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700. C’est étourdissant : depuis 2018, les seules condamnations avoisinantes prononcées par la même formation (Tribunal judiciaire de Paris, 3ème Chambre, 1ère Section) impliquent des sociétés multinationales de premier ordre, le plus souvent dans des affaires de brevets. En outre, l’exécution provisoire étant de droit, Combo ne pouvait interjeter appel sans s’être préalablement acquitté de cette somme.

Il est donc permis de penser que les premiers juges ont voulu décourager Combo de faire appel, en l’asphyxiant financièrement.

Actu-Juridique : D’où votre décision de faire appel… Qu’a décidé la Cour ?

NLPT : L’arrêt applique au street-art l’ensemble des dispositions protectrices prévues par le droit d’auteur. Il n’est pas révolutionnaire en ce sens qu’il n’élargit pas le champ du droit, mais il est historique car il consacre pour la première fois la place du street-art parmi les œuvres protégeables.

Ainsi, la Cour :

*Confirme la responsabilité à titre personnelle de M. Mélenchon du fait du contenu qu’il publie sur ses réseaux ;

*Revient évidemment sur l’application plus que douteuse des exceptions de courte citation (il n’y a pas de citation de l’artiste ni aucun dialogue entre l’œuvre citée et les outils de propagande politique) et de panorama (l’œuvre n’étant ni une sculpture ni une œuvre d’architecture, per se ou par la théorie de l’accession) ;

*Reconnaît l’atteinte aux droits moraux de Combo : i) à sa paternité par le remplacement de sa signature par celle d’un tiers ; ii) à l’intégrité physique de la Marianne Asiatique qui se trouve défigurée par l’ajout de différents éléments ; iii) à l’intégrité spirituelle de son œuvre, qui se retrouve récupérée à des fins politiciennes.

En outre, M. Mélenchon et La France Insoumise ont été condamnés chacun au paiement de 5.000 euros au titre du préjudice patrimonial, et solidairement au paiement de 15.000 euros au titre du préjudice moral, sommes auxquelles viennent s’ajouter 15.000 euros d’article 700.

Les intimés manifestent leur intention de former un pourvoi, prétendant que l’arrêt ne serait « pas motivé sur la balance des intérêts entre la liberté d’expression d’un parti et le droit d’auteur ».

Ce sujet est éculé et constitue le serpent de mer des contrefacteurs. Affaire à suivre donc…

Arrêt Combo du 5 juillet 2023

 

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