La rémunération des administrateurs des sociétés anonymes et le projet de loi PACTE

Publié le 27/12/2018

Le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises est un des sujets phares de cette fin d’année 2018. Adopté le 9 octobre 2018 en première lecture par l’Assemblée nationale, ce projet de loi couvre de nombreux pans du droit des affaires.

Parmi les sujets couverts par ce projet de loi, la rémunération des administrateurs retient notre attention. Il introduit une nouveauté sur ce point. S’il était définitivement adopté en l’état, les administrateurs de sociétés anonymes pourraient être rémunérés en bons de souscription de parts de créateur d’entreprise. De manière plus large, les sociétés par actions seraient également impactées par cette réforme.

1. Introduction. Le 9 octobre 2018, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Ce projet de loi – tentaculaire – étend son empire sur de nombreux pans du droit des affaires tels l’agent de sûretés, l’objet social et la raison d’être des sociétés, les initial coins offerings (ICO), etc.

Parmi les nombreux sujets traités par le projet de loi PACTE, nous traiterons de manière spécifique de la rémunération des administrateurs de sociétés1.

La question sur la rémunération des administrateurs a été mise sous le feu des projecteurs par l’Autorité des marchés financiers (AMF) à l’occasion de son communiqué intitulé « Attribution de bons de souscription d’actions (BSA) aux administrateurs : l’AMF attire l’attention des émetteurs »2.

Dans le présent article, nous traiterons du régime juridique actuellement applicable à la rémunération des administrateurs de sociétés anonymes (I) puis nous présenterons le régime proposé par le projet de loi PACTE adopté le 9 octobre 2018 (II).

I – Le régime actuellement applicable à la rémunération des administrateurs de sociétés anonymes

2. Les différentes rémunérations des administrateurs de sociétés anonymes à conseil d’administration. L’article L. 225-44 du Code de commerce dispose que « sous réserve des articles L. 225-21-1, L. 225-22, L. 225-23, L. 225-27 et L. 225-27-1, les administrateurs ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles prévues aux articles L. 225-45, L. 225-46, L. 225-47 et L. 225-53 ».

Autrement dit, les administrateurs ne peuvent percevoir à titre de rémunération que des jetons de présence, une rémunération exceptionnelle pour les mandats et missions qui lui sont confiés, une rémunération en contrepartie de son mandat de président du conseil. Ils peuvent toutefois percevoir des salaires lorsqu’ils sont liés à la société par un contrat de travail.

3. Les différentes rémunérations des administrateurs des sociétés anonymes à conseil de surveillance. L’article L. 225-85 du Code de commerce dispose que « les membres du conseil de surveillance ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles qui sont prévues aux articles L. 225-81, L. 225-83 et L. 225-84 et, le cas échéant, celles dues au titre d’un contrat de travail correspondant à un emploi effectif ».

Les administrateurs des sociétés anonymes à conseil de surveillance peuvent donc recevoir des jetons de présence, des rémunérations exceptionnelles et des salaires3.

Nous pouvons ainsi voir qu’en matière de rémunération, les régimes applicables aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance sont semblables.

Précisons que l’interprétation de textes nous amène à estimer que la rémunération des administrateurs doit être versé en espèces (numéraire)4.

4. Le constat de l’AMF. Le 5 juin 2018, l’AMF a constaté que certains émetteurs versaient à leurs administrateurs des bons de souscription d’actions (BSA) à titre gratuit ou à des conditions de prix qui ne reflètent pas leur valeur de marché5.

Après avoir rappelé le droit positif, l’AMF « recommande aux sociétés qui souhaitent attribuer des BSA à leurs administrateurs non dirigeants de les émettre à des conditions de marché ».

À la suite de ce communiqué, la Place s’est saisie du sujet afin de débattre sur l’opportunité de rémunérer les administrateurs en valeurs mobilières.

Le régime encadrant la rémunération des administrateurs fait l’objet de critiques6. Le projet de loi PACTE tend à répondre à certaines d’entre elles.

II – La rémunération des administrateurs de sociétés anonymes à l’aune du projet de loi PACTE

5. Les modifications contenues dans le projet de loi PACTE. Le projet de loi PACTE prévoit deux modifications notables relatives à la rémunération des administrateurs :

  • sur le plan terminologique, il modifie l’expression « jeton de présence » par l’expression « rétribution des administrateurs »7 ;

  • il prévoit que les administrateurs « peuvent (…) être rémunérés sous la forme d’attribution de bons mentionnés au II de l’article 163 bis G du Code général des impôts »8.

Les nouveaux articles du Code de commerce se présenteraient de la manière suivante :

Société anonyme à conseil d’administration

C. com., art. L. 225-44

C. com., art. L. 225-45

Sous réserve des articles L. 225-21-1, L. 225-22, L. 225-23, L. 225-27 et L. 225-27-1, les administrateurs ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles prévues aux articles L. 225-45, L. 225-46, L. 225-47 et L. 225-53. Ils peuvent toutefois être rémunérés sous la forme d’attribution de bons mentionnés au II de l’article 163 bis G du Code général des impôts.

Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite et toute décision contraire et nulle.

L’assemblée générale peut allouer aux administrateurs en rémunération de leur activité, à titre de rétribution des administrateurs, une somme fixe annuelle que cette assemblée détermine sans être liée par des dispositions statutaires ou des décisions antérieures. Le montant de celle-ci est porté aux charges d’exploitation. Sa répartition entre les administrateurs est déterminée par le conseil d’administration.

Lorsque le conseil d’administration n’est pas composé conformément au premier alinéa de l’article L. 225-18-1, le versement de la rémunération prévue au premier alinéa du présent article est suspendu. Le versement est rétabli lorsque la composition du conseil d’administration devient régulière, incluant l’arriéré depuis la suspension.

Société anonyme à conseil de surveillance

C. com., art. L. 225-83

C. com., art. L. 225-85

L’assemblée générale peut allouer aux membres du conseil de surveillance, en rémunération de leur activité, à titre de rétribution des administrateurs, une somme fixe annuelle que cette assemblée détermine sans être liée par des dispositions statutaires ou des décisions antérieures. Le montant de celle-ci est porté aux charges d’exploitation. Sa répartition entre les membres du conseil de surveillance est déterminée par ce dernier.

Lorsque le conseil de surveillance n’est pas composé conformément au premier alinéa de l’article L. 225-69-1, le versement de la rémunération prévue au premier alinéa du présent article est suspendu. Le versement est rétabli lorsque la composition du conseil de surveillance devient régulière, incluant l’arriéré depuis la suspension.

Les membres du conseil de surveillance ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles qui sont prévues aux articles L. 225-81, L. 225-83 et L. 225-84 du présent code ou sous la forme d’attribution de bons mentionnés au II de l’article 163 bis G du Code général des impôts et, le cas échéant, celles dues au titre d’un contrat de travail correspondant à un emploi effectif.

Le nombre des membres du conseil de surveillance liés à la société par un contrat de travail ne peut dépasser le tiers des membres en fonctions. Toutefois, les membres du conseil de surveillance élus conformément aux articles L. 225-79 et L. 225-80 et ceux nommés conformément aux dispositions de l’article L. 225-71 ne sont pas comptés pour la détermination de ce nombre.

Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite et toute décision contraire est nulle.

6. Précisions sur le nouveau mode de rémunération des administrateurs. Le projet de loi PACTE prévoit que les administrateurs peuvent être rémunérés sous la forme d’attribution de bons mentionnés au II de l’article 163 bis G du Code général des impôts. Autrement dit, les administrateurs peuvent être rémunérés sous la forme de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).

Si le projet de loi arrive en l’état à la fin du processus législatif, les sociétés anonymes qui souhaiteraient rémunérer leurs administrateurs en leur versant des BSPCE devraient respecter les règles prévues au II de l’article 163 bis G du Code général des impôts. Ces règles sont les suivantes9 :

  • la société est passible en France de l’impôt sur les sociétés ;

  • 25 % du capital social de la société est détenue directement et de manière continue par des personnes physiques ou des personnes morales qui sont elles-mêmes détenues directement pour 75 % par des personnes physiques ;

  • la société n’a pas été créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes10 ;

  • la société est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis moins de 15 ans ;

  • pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers11, la capitalisation boursière doit être inférieure à 150 millions d’euros.

Initialement le personnel salarié et les dirigeants soumis au régime fiscal des salariés pouvaient bénéficier des BSPCE. En l’état, le projet de loi permet d’étendre cette possibilité aux administrateurs. Le projet de loi PACTE aurait donc pour conséquence d’étendre le champ des personnes susceptibles de percevoir des BSPCE.

Précisons que le projet de loi PACTE modifie également l’article 163 bis G du Code général des impôts de la manière suivante :

CGI, art. 163 bis G

CGI, art. 163 bis G modifié par le projet de loi PACTE

I. – Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués dans les conditions définies aux II à III est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A et aux 1 ou 2 de l’article 200 A.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le gain net précité est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A et au taux de 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société dans laquelle il a bénéficié de l’attribution des bons depuis moins de 3 ans à la date de la cession. Pour l’appréciation du respect de cette durée, il est tenu compte, pour les bénéficiaires mentionnés au premier alinéa du II, de la période d’activité éventuellement effectuée au sein d’une filiale, au sens du deuxième alinéa du même II, et, pour les bénéficiaires mentionnés au même deuxième alinéa, de la période d’activité éventuellement effectuée au sein de la société-mère.

II. – Les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du Code de commerce, aux membres de leur personnel salarié et à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.

Elles peuvent également attribuer ces bons aux membres du personnel salarié et aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés des sociétés dont elles détiennent au moins 75 % du capital ou des droits de vote.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, les sociétés mentionnées au premier alinéa doivent respecter les conditions prévues aux 1 à 5. Les filiales mentionnées au deuxième alinéa doivent respecter ces mêmes conditions à l’exception de celle prévue au 2.

1. La société doit être passible en France de l’impôt sur les sociétés ;

2. Le capital de la société doit être détenu directement et de manière continue pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales elles-mêmes directement détenues pour 75 % au moins de leur capital par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d’innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 entre la société bénéficiaire de l’apport et ces dernières sociétés. De même, ce pourcentage ne tient pas compte des participations des fonds communs de placement à risques, des fonds professionnels spécialisés relevant de l’article L. 214-37 du Code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de libre partenariat, des fonds d’investissement de proximité ou des fonds communs de placement dans l’innovation. Il en est de même, dans les mêmes conditions, des participations détenues par des structures équivalentes aux sociétés ou fonds mentionnés aux deuxième et troisième phrases, établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ;

3. La société n’a pas été créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes, sauf si elle répond aux conditions prévues par le I de l’article 39 quinquies H ;

4. Pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d’investissement autre qu’une société de gestion de portefeuille ou tout autre organisme similaire étranger, ou sont admis aux négociations sur un tel marché d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la capitalisation boursière de la société, évaluée selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, notamment en cas de première cotation ou d’opération de restructuration d’entreprises, par référence à la moyenne des cours d’ouverture des soixante jours de bourse précédant celui de l’émission des bons, est inférieure à 150 millions d’euros ;

5. La société est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis moins de 15 ans.

(…)

I. – Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués dans les conditions définies aux II à III est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A et aux 1 ou 2 de l’article 200 A.

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le gain net précité est imposé dans les conditions prévues à l’article 150-0 A et au taux de 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité ou, le cas échéant, son mandat dans la société dans laquelle il a bénéficié de l’attribution des bons depuis moins de 3 ans à la date de la cession. Pour l’appréciation du respect de cette durée, il est tenu compte, pour les bénéficiaires mentionnés au premier alinéa du II, de la période d’activité éventuellement effectuée ou, le cas échéant, de la durée du mandat éventuellement exercé au sein d’une filiale, au sens du deuxième alinéa du même II, et, pour les bénéficiaires mentionnés au même deuxième alinéa, de la période d’activité éventuellement effectuée ou, le cas échéant, de la durée du mandat éventuellement exercé au sein de la société-mère.

II. – Les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du Code de commerce, aux membres de leur personnel salarié, à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés et aux membres de leur conseil d’administration, de leur conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent.

Elles peuvent également attribuer ces bons aux membres du personnel salarié, aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés et aux membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent des sociétés dont elles détiennent au moins 75 % du capital ou des droits de vote.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, les sociétés mentionnées au premier alinéa doivent respecter les conditions prévues aux 1 à 5. Les filiales mentionnées au deuxième alinéa doivent respecter ces mêmes conditions à l’exception de celle prévue au 2.

1. La société doit être passible en France de l’impôt sur les sociétés ;

2. Le capital de la société doit être détenu directement et de manière continue pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales elles-mêmes directement détenues pour 75 % au moins de leur capital par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d’innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l’article 39 entre la société bénéficiaire de l’apport et ces dernières sociétés. De même, ce pourcentage ne tient pas compte des participations des fonds communs de placement à risques, des fonds professionnels spécialisés relevant de l’article L. 214-37 du Code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de libre partenariat, des fonds d’investissement de proximité ou des fonds communs de placement dans l’innovation. Il en est de même, dans les mêmes conditions, des participations détenues par des structures équivalentes aux sociétés ou fonds mentionnés aux deuxième et troisième phrases, établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ;

3. La société n’a pas été créée dans le cadre d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes, sauf si elle répond aux conditions prévues par le I de l’article 39 quinquies H ;

4. Pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché d’instruments financiers français ou étranger dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d’investissement autre qu’une société de gestion de portefeuille ou tout autre organisme similaire étranger, ou sont admis aux négociations sur un tel marché d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la capitalisation boursière de la société, évaluée selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, notamment en cas de première cotation ou d’opération de restructuration d’entreprises, par référence à la moyenne des cours d’ouverture des soixante jours de bourse précédant celui de l’émission des bons, est inférieure à 150 millions d’euros ;

5. La société est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis moins de 15 ans.

(…)

7. Quelles sont les entreprises visées ? Les articles du projet de loi PACTE dont nous avons traité visent les articles L. 225-44, L. 225-45, L. 225-83 et L. 225-85 du Code de commerce12. Les sociétés anonymes à conseil d’administration et conseil de surveillance sont donc visées. En l’état du texte, celles-ci pourront attribuer des BSPCE à leurs administrateurs.

La question se pose pour les sociétés par actions simplifiées (SAS) et les sociétés en commandite par actions (SCA).

Il est important de se garder de ne lire que le seul Code de commerce. En effet, aux termes de l’article L. 227-1 du Code de commerce, « dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l’exception des articles L. 224-2, L. 225-17 à L. 225-102-2, L. 225-103 à L. 126, L. 225-243 et du I de l’article L. 233-8, sont applicables à la société par actions simplifiée. Pour l’application de ces règles, les attributions du conseil d’administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet ». La seule lecture de cet article pourrait nous induire en erreur et nous laisser croire que les SAS ne sont pas affectées par le projet de loi PACTE13.

En l’espèce, le Code de commerce doit être lu avec le Code général des impôts. Selon l’article 163 bis G du Code général des impôts tel que modifié par le projet de loi PACTE, « les sociétés par actions peuvent attribuer des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (…) à leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés et aux membres de leur conseil d’administration, de leur conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent ». Le changement est d’importance. Il affecte non seulement les sociétés anonymes mais également toutes les sociétés par actions. Cette modification peut être mise en perspective avec le régime juridique actuellement en vigueur. L’administration fiscale précise à cet égard qu’en l’état du droit positif :

  • les SAS peuvent émettre des BSPCE au profit de leurs dirigeants soumis au régime fiscal des salariés14 ; et

  • que dans les SCA, les gérants non associés et les gérants associés commandités dont les rémunérations sont imposées, en vertu de l’article 62 du Code général des impôts, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires peuvent également bénéficier de BSPCE15.

Au regard des éléments exposés ci-dessus, nous pouvons estimer que si le projet de loi PACTE est adopté en l’état, l’administration fiscale devra veiller à mettre à jour sa doctrine.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Nous entendons par l’expression « administrateurs » à la fois les membres des conseils d’administration et les membres des conseils de surveillance.
  • 2.
    AMF, « Attribution de bons de souscription d’actions (BSA) aux administrateurs : l’AMF attire l’attention des émetteurs », publié le 5 juin 2018. Communiqué disponible sur internet à l’adresse suivante : https://www.amf-france.org/Reglementation/Dossiers-thematiques/Societes-cotees-et-operations-financieres/Marches-d-actions/L-AMF-attire-l-attention-des--metteurs-autour-de-l-attribution-de-bons-de-souscription-d-action-BSA-aux-administrateurs.
  • 3.
    Les conditions sont les mêmes que celles applicables aux sociétés anonymes à conseil d’administration (v. § 2).
  • 4.
    L’article L. 225-45 du Code de commerce utilise les termes « somme fixe annuelle » ou « versement » ce qui nous laisse penser que la rémunération des administrateurs est versée en espèces. V. également en ce sens : IFA, Réflexion sur l’évolution du cadre légal pour la rémunération des administrateurs, 28 septembre 2018. Prise de position disponible sur internet à l’adresse suivante : https://www.ifa-asso.com/informer/actualites/actualites-de-l-ifa/reflexion-sur-levolution-du-cadre-legal-pour-la-remuneration-des-administrateurs.html.
  • 5.
    AMF, « Attribution de bons de souscription d’actions (BSA) aux administrateurs : l’AMF attire l’attention des émetteurs », publié le 5 juin 2018.
  • 6.
    Bissara Ph., Foy R. et De Vauplane A., Droit et pratique de la gouvernance des sociétés cotées, 2007, Joly éditions et ANSA, v. spéc. p. 129, note de bas de page 13 : les auteurs référencent des articles critiquant le régime juridique français applicable à la rémunération des administrateurs.
  • 7.
    Projet de loi PACTE, 62 bis A et amendement n° 1731. L’exposé des motifs de l’amendement précité nous apprend que le projet de loi PACTE vise à dépasser de nombreux clichés afin de réconcilier les Français avec l’entreprise. Le changement d’expression s’inscrit dans ce cadre. Il a pour objectif de dépasser le cliché des « administrateurs se contentant de siéger au conseil d’administration de multiples entreprises pour "toucher" des jetons de présence ». Ce changement terminologique doit également être mis en relation avec la définition de « rétribution ». Celle-ci peut être définie comme un avantage ou une somme d’argent reçu en contrepartie d’un travail ou d’un service (Dictionnaire Larousse, v° « rétribution »).
  • 8.
    Projet de loi PACTE, art. 28 bis et amendement n° 2854 (rect.). L’exposé des motifs de l’amendement précité nous apprend que ce dispositif vise à attirer des administrateurs « suffisamment motivés et qualifiés » dans des jeunes entreprises.
  • 9.
    Nous détaillons les conditions qui s’appliquent en principe. Il existe des subtilités prévues pour les filiales, les sociétés qui ne remplissent plus les conditions relatives aux BSPCE en raison du dépassement du seuil de capitalisation boursière de 150 millions d’euros, etc.
  • 10.
    Sauf si elle répond aux conditions prévues par l’article 39 quinquies H, I du Code général des impôts.
  • 11.
    V. sur ce point CGI, art. 163 bis G, II, 4.
  • 12.
    D’autres articles sont visés tels les articles L. 214-17-1 et L. 214-24-50 du Code monétaire et financier mais il ne s’agit pas du propos du présent article.
  • 13.
    La même conclusion pourrait être faite pour les SCA (v. C. com., art. L. 226-1, al. 2).
  • 14.
    L’administration fiscale précise à cet égard que « dans les SA et les SAS, les dirigeants éligibles sont le président du conseil d’administration, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués et les membres du directoire. Sont en revanche exclus les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance, dont les rémunérations sont perçues ès qualités sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers » (BOI-RSA-ES-20-40-20160706, n° 230).
  • 15.
    BOI-RSA-ES-20-40-20160706, n° 230.
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