Yvelines (78)

Yvelines : l’évolution du cadre législatif du don dynamise l’activité des associations de lutte contre la précarité

Publié le 08/11/2022

Ces dernières années, les évolutions législatives sur le don ont dynamisé l’activité des associations de lutte contre la précarité. Ainsi par exemple l’association « Dons Solidaires », située à Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines (78), engagée dans la collecte de produits non-alimentaires invendus auprès d’entreprises (hygiène, entretien, vêtements, jouets…). Dominique Besançon, déléguée générale de Dons solidaires, fait le point sur le développement de l’association et décrypte les changements législatifs récemment intervenus en matière de don.

Actu-Juridique : Comment l’association a-t-elle évolué depuis sa création en 2004 ?

Dominique Besançon : L’association est pionnière du don non alimentaire. En 2004, la pratique était très peu développée en France. En encourageant la démarche du don sur le plan fiscal, la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon a été un véritable coup de pouce pour prospecter les entreprises et développer l’activité de Dons Solidaires. Les premiers dons de produits sont venus de sociétés comme Gilette, Disney, Mattel, Procter & Gamble. En 2005, nous avons structuré notre logistique en nouant nos premiers partenariats pour le stockage, puis en 2008 pour le transport de ces dons vers les associations caritatives partout en France. Cette étape nous a permis de développer notre activité au niveau national.

Avec la crise financière de 2008, sous l’effet de la forte progression du chômage, la précarité en France se fait galopante et les besoins des associations d’entraide sont de plus en plus pressants. À la pauvreté visible, se sont ajoutées de nouvelles formes de précarité qui ont touché notamment des familles avec enfants, des femmes seules et des seniors. Pour répondre aux besoins de ces nouveaux publics, Dons Solidaires a organisé son activité autour de cibles prioritaires : Jeunesse, Femmes, Urgence… Des opérations comme le « Kit Scolaire » et « Noël pour Tous » deviennent des rendez-vous annuels incontournables pour l’ensemble des partenaires. En 2013, nous avons lancé les premières antennes régionales pour préserver des liens de proximité avec un réseau d’associations en forte croissance.

Le baromètre « Hygiène et Précarité en France », que nous avons publié début 2019 nous a permis de développer une expertise autour de la précarité hygiénique. Depuis de nombreuses années nous faisions le constat d’un problème d’accès aux produits d’hygiène de base pour les publics bénéficiaires accompagnés par nos associations partenaires et avons donc réalisé un sondage national avec l’Ifop qui a révélé que 3 millions de Français se privent régulièrement de produits d’hygiène de base, faute de moyen. Ce chiffre a créé un électrochoc pour l’opinion publique et les médias et nous a permis d’adresser le sujet au ministère de la Transition écologique qui était en pleine élaboration du projet de loi antigaspillage et économie circulaire (AGEC). Ce projet visait déjà l’interdiction de détruire les produits textiles et électroniques invendus. À la lumière de nos résultats, nous avons obtenu un élargissement du périmètre de cette interdiction à l’ensemble des produits non alimentaires.

Actu-Juridique : Concrètement, comment fonctionne l’association « Dons Solidaires » ?

Dominique Besançon : L’association « Dons Solidaires » collecte de nombreux produits non alimentaires de première nécessité, comme des produits d’hygiène, de bien-être, d’entretien, des vêtements, des produits de puériculture, des fournitures scolaires ou encore des jouets. Ces produits sont stockés chez notre partenaire logistique en région parisienne et mis en ligne sur notre catalogue accessible aux associations partenaires adhérentes.

Notre modèle économique repose sur une participation aux frais demandée aux associations lors des commandes qui représente en moyenne 3 % de la valeur marchande des produits donnés. Cette contribution symbolique permet de couvrir les frais logistiques et administratifs à hauteur de 70 à 75 %. En complément, nous bénéficions de subventions publiques et de dons financiers des entreprises. Pour animer cette chaîne de solidarité, nous comptons au quotidien sur l’engagement d’une trentaine de salariés et autant de bénévoles.

Actu-Juridique : Comment les entreprises se sont-elles positionnées par rapport à votre activité ?

Dominique Besançon : Au fil des années, le secteur se professionnalise en même temps que le mécénat se développe. Les entreprises ont compris le rôle sociétal qu’elles peuvent et doivent jouer pour un développement plus responsable.

Au-delà de la gestion pure de leurs invendus, les entreprises ont la volonté de développer leur impact social pour aider les publics fragilisés. Le don n’est plus seulement une solution pour leurs surstocks mais s’inscrit clairement dans leur politique RSE et certaines s’engagent même dans des programmes de dons volontaires en faveur de certains publics. Par exemple, la marque Always chez Procter & Gamble s’engage depuis 3 ans au profit des femmes et des jeunes filles en précarité à travers des campagnes de dons de protections hygiéniques. Nous ne sommes plus dans la lutte antigaspi mais clairement dans la recherche d’impact social. Ces dons s’inscrivent pleinement dans notre lutte contre la précarité menstruelle.

Dons Solidaires devient un acteur clé pour les entreprises dans la mise en œuvre de leur politique RSE et un partenaire indispensable pour les associations.

Actu-Juridique : Qu’est-ce que la loi Garot relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire du 11 février 2016 a apporté aux dons de produits ?

Dominique Besançon : Même si nous sommes spécialisés dans les dons de produits non alimentaires, la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi Garot, a eu un impact sur notre activité. Elle a notamment permis d’accélérer une dynamique en structurant les partenariats entre les distributeurs et les associations spécialisées dans le don alimentaire via des conventions obligatoires. Avant ce cadre légal, il existait déjà des partenariats entre des enseignes de la grande distribution et des structures associatives locales. La loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a permis de dynamiser et de structurer cette pratique. Ce texte a été complété par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim, qui a rendu obligatoire la mise en place d’un plan de gestion de la qualité du don pour les distributeurs. Ce dispositif implique pour les entreprises de mettre en place une sensibilisation et des plans de formation du personnel à la lutte contre le gaspillage alimentaire ; surtout il oblige les entreprises à désigner un salarié qualifié pour la coordination et le suivi de l’organisation des dons. Ce dernier point est une avancée majeure. C’est un complément structurant de la loi Egalim par rapport à la loi Garot.

Actu-Juridique : Qu’est-ce que la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 apporte de plus ?

Dominique Besançon : La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, est le pendant de la loi Garot pour le don non alimentaire car elle vient interdire la destruction des invendus non alimentaires par les producteurs, importateurs et distributeurs au profit du don aux associations de lutte contre la précarité. Les entreprises ne peuvent plus mettre leurs invendus à la décharge ou les incinérer. Depuis le 1er janvier 2022, elles doivent par ordre de priorité les réemployer, les réutiliser ou les recycler en dernier recours. Sont concernés les produits d’hygiène et de puériculture, les livres et les fournitures scolaires et l’ensemble des produits couverts par une filière responsabilité élargie du producteur (REP) comme l’électroménager ou le textile par exemple. Il s’agit d’une avancée majeure pour les structures de lutte contre la précarité comme Dons Solidaires.

Actu-Juridique : Quel changement avez-vous noté dans votre activité depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2022 de la loi Agec ?

Dominique Besançon : D’après une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) réalisée entre 2019 et 2020, les invendus non alimentaires représentent plus de 4 Mds€, soit 3 % du chiffre d’affaires des entreprises. Sur le total de ces invendus, 7 % sont encore détruits, une aberration écologique à laquelle la loi Agec met fin, 42 % sont déstockés et 21 % donnés. En effet, certaines entreprises n’ont pas attendu la loi et se sont organisées avec des structures associatives. En ce qui concerne notre activité, nous avons constaté un doublement du volume des dons ces deux dernières années. Et depuis l’entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2022, nous vivons une accélération de l’activité avec une quarantaine de nouvelles sociétés donatrices et une hausse de 40 % des dons, par rapport à la même période de 2021.

Actu-Juridique : Quels sont les défis de demain pour l’association « Dons Solidaires » ?

Dominique Besançon : D’après l’Ademe, les entreprises déjà engagées dans le don de produits non alimentaires aux associations sont essentiellement des grands groupes ou des multinationales. En effet, selon l’étude, 80 % des PME-TPE méconnaissent la loi Agec et ses conséquences. Elles ignorent également la solution du don ou encore le cadre fiscal, juridique et réglementaire lié à la démarche du don. Aujourd’hui, il y a donc un réel enjeu pour nous de pédagogie des entreprises aux conséquences de la loi. Nous devons mener des campagnes de sensibilisation pour apporter une meilleure connaissance de l’écosystème et des solutions disponibles. Nous menons ce travail avec les syndicats, les Fédérations et les réseaux professionnels comme le MEDEF, la Fédération des entreprises de la beauté (Febea), la Fédération hygiène et entretien responsable (Fher) ou encore la Fédération française des industries jouet puériculture (Fjp). L’objectif est de diffuser les enjeux de la loi Agec aux entreprises membres de ces organismes représentatifs et de les accompagner dans une politique de don structurée avec une organisation dédiée. La loi Agec prévoit la mise en place obligatoire de conventions qui règlent les modalités du don entre les entreprises et les associations. Pour nous, il y a un enjeu supplémentaire avec la mise en place d’un responsable du don au sein des sociétés partenaires qui serait en charge de la gestion et de la coordination des dons, à l’instar de ce qui se pratique aujourd’hui dans le domaine de l’alimentaire.

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