Essonne (91)

Agriculture biologique, dynamisme et diversification en Essonne

Publié le 30/10/2020

L’agriculture biologique est en plein développement en Essonne (91). En cinq ans, le nombre d’exploitations en agriculture biologique a plus que doublé dans le département, passant de 46 en 2014 à 113 en 2019, selon le rapport de l’Observatoire régional de l’agriculture biologique d’Île-de-France. Avec 6 458 hectares, dont une majorité consacrée à la production de céréales (43,4 %) et de légumes (38,9 %), l’Essonne est le premier département francilien ex aequo avec les Yvelines en termes de surfaces biologiques et le deuxième en nombre d’exploitations engagées. Ce dynamisme révèle à l’échelle locale, des enjeux environnementaux bien sûr mais également économiques et sociaux.

Jérôme Leduc est maraîcher et a repris la ferme familiale située à Boissy-sous-Saint-Yon en 2001. Sa volonté était claire dès le début : passer au bio pour les huit hectares de terre consacrées au maraîchage et les 160 hectares de culture de céréales. Cette démarche est liée à son engagement personnel mais aussi à l’avantage qui en découle, à savoir, lui permettre de brasser rapidement des terres en jachère. Avec ses deux salariés fixes et un saisonnier, son affaire est en bonne santé financière. « Tous mes légumes sont vendus en direct à la ferme », explique-t-il.« Les céréales sont écoulées au moment de la moisson via une coopérative, parce que je n’ai pas d’espace de stockage ». Qui dit agriculture biologique, dit adaptation à la terre. « Faire du maïs en Essonne, sans arrosage, ça n’a pas de sens », poursuit-il. « Les choux ne donnent pas bien non plus, donc j’ai arrêté ». Les « indispensables », eux, poussent très bien : pommes de terre, carottes, tomates, etc.

À l’instar de l’exploitation de Jérôme Leduc, la vente directe représente plus d’un tiers des circuits empruntés par les agriculteurs biologiques dans la région Île-de-France (38,7 %), tandis que la vente en coopérative représente 16 % de ces circuits.

Un secteur rentable

En plus de son activité d’agriculteur, Jérôme Leduc a créé l’épicerie bio des Tourelles, accolée à la ferme. « La boutique s’est imposée parce que la vente directe fonctionne très bien l’été mais en plein hiver cela devient plus compliqué. Avoir tous les produits au même endroit m’a permis de garder ma clientèle toute l’année ». Il a alors développé ses compétences de gestionnaire de magasin en faisant lui-même la sélection de son offre, après avoir adhéré à un groupement de magasins indépendants. « J’essaye de faire travailler des locaux, avec des céréaliers bio qui font des légumineuses, ou des apiculteurs du coin pour le miel. Je travaille aussi avec des producteurs de viande pour lesquels je fais juste dépôt-vente, donc sans prendre de commission ». Son plaisir est d’être sur son tracteur et de s’occuper de son champ mais il est conscient qu’être aussi commerçant lui permet de « vivre à 100 % de son métier » : « Cela me permet aussi d’être plus rentable, de valoriser mes produits dans la boutique. Les deux structures se soutiennent ».

Bénédicte Rebeyrotte est responsable du développement des territoires pour le Groupement des agriculteurs biologiques de la région Île-de-France (GAB IDF). C’est ce syndicat d’agriculteurs qui édite chaque année le rapport de l’Observatoire régional de l’agriculture biologique d’Île-de-France. Parmi les fermes adhérentes (environ 60 % de l’ensemble des exploitations engagées dans le bio sur l’ensemble du département), Bénédicte Rebeyrotte constate que « les fermes en circuit court s’en sortent bien et n’ont aucun souci de commercialisation. Même les fermes en grande culture, de plus en plus, se dirigent vers les circuits courts ».

Les fermes se diversifient. Certaines, qui produisent du blé, le transforme sur place pour ensuite vendre du pain en direct ou via les AMAP, des groupements d’acheteurs, assurant une stabilité de revenus. « D’autres, par exemple, font de l’huile, des biscuits, des pâtes… La transformation s’ajoute à la production et à la vente en direct. C’est une valeur ajoutée conséquente et le potentiel est énorme », se réjouit Bénédicte Rebeyrotte.

Agriculture biologique

Une demande croissante

Le département de l’Essonne a choisi de s’inscrire dans une volonté politique de changement avec l’ambitieux projet « Sésame », dont le GAB IDF est partenaire. Réunissant des acteurs du public et du privé, ce projet consiste à favoriser la transition agricole et alimentaire en favorisant les circuits de proximité. L’objectif est de développer cette transition à l’échelle des cantines scolaires des 21 communes en intégrant des produits bio dans les menus.

Jérôme Leduc pense que si « les consommateurs sont prêts à suivre la filière bio », le développement pourra continuer. Il a pu observer, depuis presque 20 ans qu’il gère sa ferme, une hausse des conversions du conventionnel vers le bio, « surtout sur des structures céréalières, liées aux besoins des coopératives en grains divers ». Cette hausse est perceptible dans toute l’Île-de-France. Selon le rapport de l’Observatoire de l’agriculture biologique d’Île-de-France, 2019 est « l’année la plus dynamique depuis 22 ans en termes de nouvelles fermes engagées ».

Le bassin francilien est d’ailleurs le premier bassin de consommation alimentaire avec plus de 12 millions d’habitants. C’est l’une des raisons qui encourage Jérôme Leduc à poursuivre son activité dans la région : « Ici, on a la chance d’avoir un potentiel de développement énorme, avec la région parisienne et beaucoup de consommateurs potentiels ». Comme il le souligne, « manger proprement implique également le processus de production ». Mais ce n’est pas tout : « la préservation de la ressource en eau, la protection de la biodiversité, ou du foncier agricole… sont autant d’objectifs auxquels le développement de l’agriculture biologique au niveau local permet de répondre », indique le GAB IDF sur son site.

L’eau, un enjeu prioritaire

Si le développement de l’agriculture biologique est en bonne voie en Essonne, il ne s’agit pas seulement de répondre à des demandes de plus en plus nombreuses en termes d’alimentation car cela engage aussi des responsabilités au niveau environnemental. L’agriculture biologique est en effet l’un des facteurs de diminution des risques de pollution liés aux pesticides utilisés en agriculture conventionnelle.

Le GAB IDF a ainsi identifié des zones à enjeu dans le Sud-Essonne. « Dans le cadre du développement de la filière bio en Île-de-France, nous agissons sur certaines zones particulières où il y a de nombreux captages d’eau potable et où les collectivités en charge de la production d’eau sont censées protéger la qualité de l’eau, notamment des pollutions d’origine agricole », ajoute Bénédicte Rebeyrotte, L’Agence de l’eau Seine-Normandie finance le GAB IDF pour mener ce travail en lien avec les collectivités.

Le Sud-Essonne est en effet une zone qui comprend de nombreux captages d’eau potable où les teneurs en nitrate et en pesticides doivent être surveillées. Il s’agit d’une action de prévention sur le long terme : développer des surfaces cultivées en bio sans pesticides et pour lesquelles le risque nitrate est plus faible permet de réduire les risques de pollution future. « À court terme, les exploitations agricoles bio en Essonne représentent un pourcentage encore relativement limité des surfaces agricoles totales », reconnaît Bénédicte Rebeyrotte. « Il faudra du temps pour que ce chiffre augmente ».

LPA 30 Oct. 2020, n° 157j3, p.6

Référence : LPA 30 Oct. 2020, n° 157j3, p.6

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