Fêtes et kermesses au temps de Bruegel

Publié le 21/05/2019

Paysans et soldats faisant la fête, par David Vinckboons.

Rijksmuseum

Le musée de Flandre a choisi de célébrer le 450e anniversaire de la mort de Pieter Bruegel l’Ancien (1510-1569), avec une exposition consacrée à un thème joyeux : « Fêtes et kermesses au temps de Bruegel ». Une occasion de découvrir des œuvres truculentes, animées d’une multitude de personnages du monde paysan, réalisées par les fils du maître et leurs contemporains. C’est avec un vif plaisir que l’on regarde ces compositions d’une grande liberté, où aucune représentation, même obscène ou triviale, n’est interdite.

Peintures et gravures nous plongent dans ce monde vivant qui célèbre l’amour et les plaisirs divers. Dès le Moyen-Âge, on chante l’amour courtois, en atteste l’huile raffinée d’un anonyme flamand Jardin d’amour à la cour de Philippe Le Bon ; ici, pas de débordements. Une série de gravures réalisées avant Bruegel, d’Albrecht Dürer parmi d’autres, confirment l’intérêt pour la fête en un style narratif. Cornelis Massys, quant à lui, dessine finement Les Amoureux trahis. Dans leurs œuvres, Peter Aertsen et Frank Verbeeck évoquent fêtes villageoises aux nombreux personnages, parfois caricaturaux, à l’huile ou en gravure ; Bruegel s’en est inspiré. Le style de Bruegel, dont les tableaux étaient reproduits en gravures et diffusées a engendré une génération d’artistes, en particulier ses fils Pieter II, qui a plutôt copié son père, et Jan I, novateur et plus talentueux.

La fête, les noces et les instants de plaisir furtifs ponctuaient la vie difficile des paysans ; ils profitaient de ces moments pour faire ripaille, danser et autres détentes plus ou moins grivoises. Des scènes fort bien rendues par les peintres qui n’épargnent aucun détail. Chaque œuvre est composée de nombreuses saynètes, souvent endiablées, dans un espace organisé. La danse de noce de Jan Brueghel, copie d’une œuvre de son père, révèle son talent de remarquable coloriste avec une suprématie des rouges associés à des blancs souvent éclatants. L’on s’amuse au son de la cornemuse dans ces tavernes du XVIsiècle. Les débordements sont nombreux évoqués par cette peinture flamande codifiée. Ce sont aussi processions et cortèges de noce dans lesquels Martin I van Cleve évoque le rituel de passage pour l’épouse, qui passe de l’autorité paternelle à celle de son mari. Dans Les Feux de la Saint-Martin, il traduit les personnages en des formes géométrisantes ; les visages sont expressifs. Dans ces scènes souvent peintes en plein air, figurent des mendiants portant clochettes et queue-de-renard, signalant les lépreux. L’on peut voir également dans plusieurs tableaux des moines entrant dans une maison close ; rien n’est interdit à cette époque.

Observateurs de la vie quotidienne populaire, les artistes la transmettent avec humour et gaîté en des compositions rythmées. Chez Pieter II Brueghel, les visages apparaissent un peu grossiers, il souligne le regard par des touches de blanc sous les yeux. On est séduit par ses coloris, même s’il n’atteint pas le talent de son père ou de son frère Jan I, dont on découvre une Fête villageoise dans un paysage onirique, où se déroule une farandole de personnages miniaturisés ; transparences et glacis lui confèrent une vraie délicatesse, alors que la Kermesse flamande de Hans Bol propose une densité des participants à la fête. On retient encore les œuvres de Jacob Savery, Bartolomeus Grondonck et ses bleus saturés.

C’est encore David Brower et une kermesse satirique. Vers 1645, David Teniers s’intéresse aux fêtes villageoises qui sont plus stéréotypées. Au début du XVIIsiècle, apparaissent des scènes galantes : David Winckboons compose une œuvre évocatrice de sentiments et d’attirance sexuelle ; une autre image de l’art courtois, plus raffiné, dans l’esprit flamand. L’exposition se termine avec une variation dans la scène galante avec La Parabole du Fils prodigue, où Simon de Vos évoque l’attirance de l’amour, tandis que Frans Pourbus représente en de petites scènes l’histoire de ce fils qui s’est adonné à ses plaisirs en dilapidant son héritage. Cette œuvre traduit une influence hollandaise.

Une exposition qui dépayse et révèle de nombreux talents.

LPA 21 Mai. 2019, n° 143t6, p.16

Référence : LPA 21 Mai. 2019, n° 143t6, p.16

Plan
X