Résultats de l’exercice climatique sur le secteur de l’assurance

Publié le 23/07/2024

Dans la continuité de l’exercice pilote conduit en 2020 et dont les résultats avaient été publiés 2021, l’ACPR a mené un second exercice de stress-test climatique qui s’est déroulé sur la période 2022-2024. Ce second exercice est exclusivement dédié aux organismes d’assurance.

Conduit selon une approche « bottom-up », où l’ACPR fournit les principales hypothèses et scénarios et où il revient aux organismes d’évaluer l’impact sur leurs bilans, le second exercice de
stress-test climatique a encore plus fortement mobilisé la Place puisque 15 groupes, soit 22 entités représentant 90 % du total de bilan des assureurs français contre 75 % lors de l’exercice pilote, ont participé à sa réalisation.

Le présent exercice climatique considère les impacts du changement climatique en tenant compte à la fois des risques physiques et de transition, à des horizons de long terme (2050) comme dans le cas de l’exercice pilote, mais également pour la première fois à court terme (2027), avec pour objectif une mesure de l’impact du changement climatique sur la solvabilité des organismes d’assurance. La mise en œuvre de ce scénario de court terme s’opère également en avance de phase par rapport aux travaux du NGFS, le réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier.

Scénario de court terme

Le scénario de court terme repose sur une séquence d’évènements climatiques extrêmes dont les effets se combinent et s’amplifient : deux épisodes consécutifs de forte sécheresse en 2023 et 2024,
faisant suite à la sécheresse historique de 2022, suivis en 2025 par des fortes inondations dans le Sud de la France, sous la forme d’un épisode de tempête convective sévère, conduisant à la rupture d’un barrage hydraulique en remblai. L’hypothèse est également faite que cette suite d’épisodes extrêmes, qui s’inscrit dans une tendance observée au niveau mondial, renforce la conviction des marchés que la mise en œuvre de politiques de transition devient inéluctable. Cette prise de conscience se traduit par un ajustement brutal des marchés et des pertes de valeurs des actifs financiers, en particulier les actifs « bruns » et l’immobilier, dans une logique d’actifs échoués (stranded assets). Ce choc financier intègre en outre des mécanismes de contagion, conformes à ceux observés lors des épisodes précédents de tensions financières, affectant l’intégralité du portefeuille des assureurs jusqu’en 2027.

L’effet combiné de ces chocs physiques et de transition impacte négativement la solvabilité des organismes. Le ratio de couverture du SCR passe ainsi de 230 % fin 2022 à 170 % fin 2027, soit une baisse de 60 points. Les chocs financiers pénalisent le plus la solvabilité et entraînent une baisse de 28 % des fonds propres en 2025, par rapport à un scénario de référence (baseline) qui n’intègre pas de changement climatique.

La sinistralité liée à la rupture du barrage ainsi que les autres effets du changement climatique survenant en 2025 se traduisent par une baisse du ratio de couverture du SCR de 48 points. Cet impact total sur la solvabilité est mesuré sous l’hypothèse de bilan « statique », c’est-à-dire sans possibilité pour les assureurs de mettre en place des actions pour atténuer l’effet de ces différents chocs.

Scénario de long terme

À l’horizon long terme, on suppose en revanche que les assureurs auront la possibilité d’adapter leur activité et leur bilan pour atténuer les effets du changement climatique (hypothèse dite de « bilan dynamique »). C’est donc moins l’impact sur la solvabilité qui est visé que les stratégies mises en œuvre par les organismes. Le coût du changement climatique est mesuré en comparant un scénario de référence fictif, qui ne comprend ni risque physique ni risque de transition, à deux scénarios adverses provenant du NGFS : l’un de transition ordonnée, l’autre de transition désordonnée, tous deux tenant compte de l’aggravation de la fréquence et de l’ampleur des évènements climatiques extrêmes (sécheresse, inondation et submersion marine). L’une des spécificités des analyses de l’ACPR est également d’intégrer l’impact du changement climatique sur les risques en santé (expansion des maladies vectorielles comme la dengue ou le chikungunia, pollution atmosphérique et maladies respiratoires et mortalité induite par l’augmentation de la fréquence et de la durée des épisodes caniculaires). L’analyse des résultats montre une aggravation de 105 % de la sinistralité totale dans le scénario adverse de transition désordonnée à l’horizon 2050 par rapport à l’année 2022, et une sursinistralité de 42 % par rapport au scénario de référence. Les résultats montrent également de fortes disparités géographiques en fonction des différents types d’aléas (sécheresse, submersion et inondation). Dans le cadre de cet exercice, les assureurs ont cependant eu un recours assez limité à des actions de gestion (telles que par exemple des réallocations géographiques voire l’arrêt des politiques dans les zones les plus exposées, ou un changement de structure de leur bilan) pour atténuer les impacts des scénarios adverses. Selon nos résultats, entre 2022 et 2050, la dégradation de la sinistralité résulterait, pour un peu plus de la moitié, de l’augmentation des risques physiques et, pour le reste, de l’inflation et l’augmentation des valeurs assurées.

Dans le cadre des scénarios de long terme, les assureurs ont exploré pour la toute première fois, de manière quantitative et qualitative, le risque d’inassurabilité, qui est analysé d’un double point de vue : celui de l’assuré, qui n’aurait plus la capacité ou le désir d’assurer un bien, compte tenu de l’augmentation des primes induite par le risque climatique ; celui de l’assureur, pour qui l’augmentation du coût et de la fréquence des évènements climatiques extrêmes rendrait l’assurance de certains biens dans certaines régions inassurables. En réponse au questionnaire utilisé dans le cadre de cet exercice, les assureurs estiment que ce risque serait très différencié géographiquement et prévoient de mettre en place des dispositifs internes d’aide aux assurés pour lutter contre les conséquences et les coûts du changement climatique.

Au niveau des placements, en cohérence avec les scénarios proposés, les actifs liés aux activités fossiles et à l’immobilier subissent les plus fortes pertes de valeur à l’horizon 2050. Pour autant, ces effets ne semblent pas conduire les assureurs participants à procéder à des réallocations de portefeuille.

Conclusions

Que ce soit à court ou à long terme, les résultats de ce second stress-test climatique montrent une exposition significative des organismes d’assurance à des chocs liés au changement climatique, qui confirment la nécessité d’une prise en compte rapide de leur part à la fois dans leur stratégie, leur gouvernance, et leurs modèles internes le cas échéant.

Selon l’ACPR, les assureurs doivent donc poursuivre leurs efforts non seulement pour respecter les engagements pris en 2019 en faveur de la lutte contre le changement climatique et l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, mais également pour engager des mesures de gestion de leurs actifs et passifs permettant de faire face aux conséquences anticipées des risques extrêmes sur leur sinistralité et sur leurs actifs financiers.

Sources :
Rédaction
Plan