Avis de la CEDH sur la procédure d’empeachment
La Cour administrative suprême de Lituanie avait sollicité l’avis de la CEDH concernant l’interdiction définitive faite à un membre du parlement de se représenter à une élection (empeachment).
La Cour a déjà noté qu’il y a lieu d’accorder un poids décisif à l’existence d’une limite temporelle et d’une possibilité de revoir la mesure en cause. Elle a ajouté que la nécessité d’une telle possibilité est au demeurant liée au fait qu’il faut tenir compte lorsque l’on procède à cette évaluation du contexte historico-politique de l’État concerné : ce contexte étant indubitablement amené à évoluer, y compris d’ailleurs quant à la perception que les électeurs peuvent avoir des circonstances ayant conduit à sa mise en œuvre, une restriction générale peut avec le temps perdre la justification qu’elle y trouvait initialement.
La Cour observe également que sur le terrain de l’article 3 du Protocole no 1 à la Convention les États disposent d’une ample marge d’appréciation pour réglementer les conditions d’éligibilité. Ils jouissent, en particulier, d’une grande latitude pour déterminer, dans leurs ordres constitutionnels respectifs, les règles régissant le statut de parlementaire, les critères pertinents en la matière variant en fonction des facteurs historiques et politiques propres à chaque État. Cela étant, ces règles ne peuvent avoir pour effet d’interdire à certaines personnes ou à certains groupes de prendre part à la vie politique du pays et au choix du corps législatif. Par ailleurs, même si des considérations légitimes peuvent justifier de restreindre le droit pour une personne de se porter candidate à des élections, pareilles restrictions peuvent devenir incompatibles avec l’article précité du Protocole lorsqu’elles sont imposées longtemps après que la menace pour la démocratie ayant justifié leur application initiale a cessé d’être pertinente à la lumière de la stabilité renforcée dont jouit le pays concerné.
En conclusion, la CEDH dégage les critères pour juger de la proportionnalité de la sanction.
« Les critères pertinents pour trancher la question de savoir si l’interdiction d’exercer un mandat parlementaire prononcée dans le cadre d’une procédure d’impeachment a excédé ce qui est proportionné au regard de l’article 3 du Protocole no 1 devraient revêtir un caractère objectif et permettre de prendre en compte de manière transparente les circonstances pertinentes liées non seulement aux événements qui ont conduit à la destitution de la personne concernée mais aussi, et avant tout, aux fonctions que cette dernière entend exercer à l’avenir. Ils devraient être essentiellement définis sous l’angle des exigences du bon fonctionnement de l’institution dont la personne entend devenir membre, et partant du système constitutionnel et de la démocratie dans son ensemble dans l’État concerné. »
Sources :