CEDH : confiscation d’un bien immobilier et droit de propriété

Publié le 08/10/2021

Une information judiciaire établit qu’une dizaine de jeunes femmes avaient commis une série de cambriolages en Suisse et en Allemagne et que ces vols avaient été perpétrés sur les instructions et au profit d’hommes appartenant à une même organisation criminelle, que le requérant, ressortissant serbe, contrôlait depuis la région parisienne. Le juge d’instruction ordonna la saisie de deux immeubles d’habitation, l’un acquis en indivision par le requérant et sa compagne, où le couple était domicilié, l’autre, dont le requérant était l’unique propriétaire. Le tribunal correctionnel le déclara coupable de récidive d’association de malfaiteurs et ordonna notamment la confiscation du premier immeuble. Tenant compte de son état de santé, le tribunal correctionnel ne délivra pas de mandat de dépôt.

En appel, le requérant et sa compagne ne contestèrent que les confiscations qui avaient été ordonnées.

La cour d’appel infirma la confiscation du premier immeuble et ordonna la confiscation de l’autre. Le pourvoi fut rejeté.

Le requérant invoque une violation de l’article 1 du Protocole n° 1, aux termes duquel nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique.

La Cour constate que la confiscation contestée a été ordonnée sur une base légale, accessible, précise et prévisible.

Aux yeux de la Cour, il ne fait pas de doute que la lutte contre le crime organisé est un but d’intérêt général.

La Cour a déjà admis qu’une peine de confiscation puisse porter sur une partie du patrimoine de la personne condamnée, sans que celle-ci ne constitue ni l’objet, ni le moyen ni le produit direct de l’infraction.

En l’espèce, la Cour relève d’abord que les juridictions internes ont estimé que le requérant avait joué un rôle prépondérant dans une organisation criminelle responsable d’un nombre considérable de cambriolages. Elles ont souligné celle-ci avait limité le risque pénal encouru par ses membres en exploitant des jeunes femmes parfois mineures et en opérant de manière transfrontalière et itinérante. Dans le choix des peines à appliquer, les juges internes ont pris en compte la particulière gravité des faits imputables au requérant, ses lourds antécédents judiciaires et son état de santé. La Cour convient du caractère hautement répréhensible du comportement du requérant, que son état de récidive vient renforcer.

La Cour constate ensuite que les juges internes se sont efforcés d’évaluer le produit criminel et la cour d’appel s’est attachée à corroborer ses affirmations par divers éléments issus du dossier pénal. Par ailleurs, elle a relevé que le requérant avait constitué un patrimoine immobilier significatif, sans corrélation avec ses revenus professionnels passés. La Cour relève aussi que valeur des biens confisqués dans cette affaire apparaît marginale au vu des intérêts en jeu.

Enfin, le requérant a pu présenter sa cause de manière adéquate devant trois degrés de juridiction, dans le cadre d’un procès pénal contradictoire, durant lequel il a été assisté d’un avocat et a pu faire valoir tous ses arguments.

La Cour considère que la confiscation critiquée n’est pas disproportionnée par rapport au but d’intérêt général poursuivi.

Comme le bien confisqué ne correspond pas au domicile du requérant et que celui-ci reste propriétaire d’une maison de grande taille, située à proximité immédiate du bien confisqué, où il peut héberger ses proches, la violation de la vie privée et familiale invoquée par le requérant n’est pas établie.

Sources :
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