CEDH : procédure disciplinaire contre un commissaire de police

Publié le 03/03/2023

CEDH : procédure disciplinaire contre un commissaire de police

Le requérant, un commissaire de police français, fut mis en examen pour complicité de détention, transport, acquisition, offre ou cession de stupéfiants et complicité d’exportation de stupéfiants en bande organisée pour avoir organisé, en 2015, des opérations de livraison de plusieurs tonnes de stupéfiants par l’intermédiaire d’un informateur, les stupéfiants ayant ensuite échappé au contrôle de l’OCRTIS avant d’être dispersés en France et à l’étranger. Assisté de deux avocats, il fut auditionné par la procureure générale qui prononça le retrait de l’habilitation du requérant à exercer les attributions attachées à la qualité d’OPJ.

Invoquant l’article 6 § 1, le requérant soutient que le procureur général, par son statut, ne remplit pas l’exigence d’indépendance requise, que le cumul des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement entre ses mains dans le cadre de la procédure dont il a fait l’objet, qu’il qualifie de pénale et non de disciplinaire, ne respecte pas l’exigence d’impartialité, qu’en accordant un entretien à la presse alors que la procédure était en cours, la procureure générale a manqué à son devoir d’impartialité et, enfin, que les principes d’égalité des armes et du contradictoire ont été méconnus dans la mesure où la procureure générale n’aurait pas soumis au débat certains éléments qu’elle tenait de la procédure pénale menée en parallèle. Il soutient que la procédure disciplinaire a été engagée sur la base d’éléments tirés de la procédure pénale dont il faisait également l’objet, toujours en cours au moment de l’introduction de la requête, ce qui aurait porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence.

La Cour relève que la procédure disciplinaire engagée à l’encontre du requérant visait à déterminer si ce dernier avait manqué à ses obligations professionnelles et, dans l’affirmative, à réprimer son comportement fautif. À l’appui de son recours devant la commission de recours des OPJ puis à l’occasion de son pourvoi en cassation, le requérant soulevait des moyens portant tant sur des questions de droit que des éléments de fait.

La Cour souligne par ailleurs que même lorsqu’elles ne relèvent pas du volet pénal de l’article 6 de la Convention, les sanctions disciplinaires peuvent avoir de lourdes conséquences sur la vie, la réputation et la carrière des fonctionnaires. La gravité de la sanction infligée au requérant en l’espèce par la procureure générale, le retrait de son habilitation à exercer les attributions attachées à la qualité d’OPJ, devait donc faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité, seul à même de garantir, selon sa jurisprudence, un contrôle suffisant.

Les garanties de procédure devant l’instance disciplinaire.

Il n’y a pas lieu pour la Cour d’examiner les garanties qui ont entouré la conduite de la procédure devant la procureure générale afin de se prononcer sur l’étendue du contrôle juridictionnel qu’il incombait au juge interne d’exercer sur la sanction infligée, au terme de celle-ci, au requérant.

La Cour relève que la procédure prévue devant la procureure générale a contribué, en l’espèce, à garantir les droits de la défense du requérant tels qu’ils s’appliquent en droit interne. Elle note que celui-ci a été informé des poursuites déclenchées à son encontre, s’est vu notifier les griefs qui lui étaient reprochés et a pu présenter des observations écrites dans un délai suffisant avant la tenue de l’audience. Le requérant était assisté par deux conseils et a disposé de la faculté de faire utilement valoir ses arguments en défense. La Cour relève par ailleurs que la procureure générale a pris un arrêté motivé, en indiquant de manière précise les faits reprochés au requérant et justifiant la sanction retenue pour les réprimer.

S’agissant du caractère suffisant ou non du contrôle juridictionnel, la Cour souligne, d’une part, que la commission de recours dispose non seulement du pouvoir d’annulation des sanctions contestées devant elle mais aussi du pouvoir de réformation. D’autre part, elle note que le contrôle qu’elle exerce porte sur l’exactitude matérielle des faits, leur qualification juridique et la proportionnalité de la sanction. À cet égard, elle rappelle que les points de fait revêtent une importance déterminante pour l’issue d’une procédure disciplinaire relative à des droits et obligations de caractère civil.

En ce qui concerne l’examen du bien-fondé de la sanction, dans la présente affaire, la commission de recours des OPJ a exercé un entier contrôle, y compris sur la proportionnalité de la sanction prononcée. Après s’être livrée à une appréciation de la matérialité des griefs, elle a d’ailleurs jugé la sanction disproportionnée et a réformé le retrait d’habilitation en le ramenant à une suspension pour une durée de deux ans, après avoir écarté certains des griefs retenus par la procureure générale contre le requérant. La Cour note en outre que la commission de recours a pris en compte tant le passé et la manière de servir du requérant que la gravité des faits qui lui étaient reprochés et sa place dans la hiérarchie. L’étendue d’un tel contrôle coïncide avec celle du contrôle de « pleine juridiction » au sens de la jurisprudence de la Cour.

Au demeurant, la Cour relève que la commission est composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation, qu’elle a tenu une audience au cours de laquelle le requérant et ses avocats ont pu prendre la parole et revenir sur les faits, que les principes d’égalité des armes et du contradictoire ont bien été respectés dès ce stade, le requérant ayant pris connaissance des éléments soumis au débat et ayant pu y répondre et, enfin, qu’elle a statué sur son recours par une décision motivée en droit comme en fait.

La Cour relève au surplus que les décisions de la commission de recours sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée. De plus, concernant la présomption d’innocence, le requérant n’a pas épuisé les recours internes. Il s’ensuit que cette partie de la requête est irrecevable.

Sources :
Rédaction
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