Assurance maritime et conflit de juridictions
Un transporteur de droit coréen, est chargé du transport de véhicules au départ de la Belgique vers la République de Corée, selon plusieurs connaissements sur lesquels figure une société qui, après avoir réceptionné les véhicules, constate des dommages que divers assureurs indemnisent.
Ces derniers saisissent le tribunal de commerce de Paris d’une action contre le transporteur qui soulève l’incompétence des juridictions françaises en se prévalant d’une clause des connaissements attribuant compétence au tribunal de district civil de Séoul. Les assureurs répliquent que les juridictions françaises sont compétentes en application de l’article 14 du code civil, faisant valoir à cet égard que l’un des assureurs est une société de droit français.
Selon l’article 83 du Code de procédure civile, lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues notamment par les articles 84 et 85 du même code.
Selon l’article 84 précité, l’appelant doit à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.
Aux termes de l’article 85 du même code, outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Nonobstant toute disposition contraire, l’appel est instruit ou jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat.
Il résulte de ces textes que la requête adressée au premier président, qui n’a pas à justifier d’un péril, contrairement à ce qu’exige l’article 918 de ce code pour d’autres procédures à jour fixe, ne tend qu’à obtenir une date d’audience.
L’information des intimés et, par elle, le respect des droits de la défense, sont assurés par la notification qui leur est faite de la déclaration d’appel motivée et des conclusions qui y sont jointes.
Dans ces conditions, la circonstance que la copie de la requête ne soit pas jointe à l’assignation délivrée aux intimés ne peut donner lieu à sanction.
L’arrêt qui constate que si la procédure sur appel-compétence emprunte à la procédure à jour fixe et renvoie à cette fin aux dispositions, dont l’article 920 du Code de procédure civile pour l’instruction et le jugement de l’appel, la déclaration d’appel en la matière est soumise à un régime propre défini par les articles 84 et suivants précités, la requête n’étant qu’une modalité procédurale permettant à l’appelant de faire fixer par le premier président le jour où l’affaire sera appelée et retient enfin que l’acte délivré par l’appelant aux intimés, qui contient l’assignation, la déclaration d’appel, l’ordonnance sur requête, les conclusions d’appel sur la compétence et les pièces, a clairement et efficacement informé le transporteur intimé de la date et de l’enjeu du débat, et rejette à bon droit la demande d’irrecevabilité de l’appel.
La recevabilité de l’action en responsabilité contractuelle contre un transporteur maritime s’apprécie indépendamment des mentions du connaissement émis pour constituer, notamment, la preuve du contrat de transport, ces mentions n’ayant pas pour objet d’attribuer de manière exclusive aux seules personnes qu’elles indiquent la qualité de partie à ce contrat, de sorte que l’action contractuelle peut être ouverte au destinataire qui invoque un préjudice du fait du transport. Pour autant, étant extérieur au connaissement, ce destinataire n’est lié par ce document qu’en ce qu’il définit et précise les conditions du transport lui-même, depuis la prise en charge jusqu’à la livraison. Il ne peut, dès lors, se voir opposer la clause de compétence que le connaissement contiendrait, à moins qu’il ne l’ait spécialement acceptée ou que la compétence internationale qu’elle institue ne s’impose en vertu d’un traité ou du droit de l’Union européenne.
Et pour dire les juridictions françaises incompétentes, l’arrêt, après avoir dit le droit coréen applicable au contrat, retient que c’est au regard de ce droit que la détermination des effets du connaissement doit être appréciée et que, selon celui-ci, lorsque les marchandises arrivent à destination, le destinataire acquiert les mêmes droits que ceux du chargeur et qu’en l’espèce le destinataire, qui a réceptionné les véhicules à la livraison et a subi le préjudice, indépendamment de sa qualité de notify ou de destinataire mentionnée sur les connaissements, est bien le destinataire réel des marchandises confiées par les chargeurs au transporteur en vertu des connaissements dont elle a été porteur, de sorte que la clause attributive de juridiction désignant la juridiction coréenne lui est opposable.
En se déterminant ainsi, la cour d’appel ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles 14, 1103, et 1199 du Code civil.
En effet, s’agissant d’un litige opposant des assureurs, dont certains sont établis en France et invoquent le privilège de l’article 14 du Code civil, subrogés dans les droits du destinataire, établi en République de Corée, à un transporteur coréen, aucune convention internationale pertinente n’existant entre cet État et la France, la cour d’appel, d’une part, se réfère implicitement à une solution qui n’est acquise, en matière maritime, que dans les limites d’application du droit de l’Union européenne, d’autre part, attribue au destinataire les diverses qualités de réceptionnaire des véhicules, notify, destinataire ou porteur des connaissements, qualités qu’elle dit déduire tantôt des connaissements, tantôt des circonstances de la cause, sans indiquer ni la nature des connaissements, ni sous quel intitulé exact y apparaît le destinataire.
Sources :