L’acquisition de jours de congés payés pendant la période de suspension du contrat de travail

Publié le 08/10/2024
L'acquisition de jours de congés payés pendant la période de suspension du contrat de travail
Cour de cassation Chambre civile (Photo : ©P. Cabaret)

Le médecin du travail ayant délivré à une salariée en arrêt de travail un avis d’inaptitude en précisant que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement, la salariée est licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union (CJUE, 6 nov . 2018, n° C-570/16, Stadt Wuppertal c/ Bauer).

Il résulte de la jurisprudence de la CJUE que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s’ensuit que, s’agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit État (CJUE, 20 janv. 2009, n° C-350/06, Schultz-Hoff).

La CJUE juge qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l’article 7 de la directive 2003/88/CE et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 24 janv. 2012, n° C-282/10, Dominguez).

La CJUE a jugé qu’en cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l’article 7 de la directive 2003/88/CE et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée. La Cour précise que cette obligation s’impose à la juridiction nationale en vertu de cet article 7 et de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d’autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

S’agissant d’un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause d’accident de travail ou de maladie professionnelle, au-delà d’une durée ininterrompue d’un an, ou dont le contrat de travail est suspendu pour une cause de maladie ne relevant pas de l’article L. 3141-5 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, le droit interne ne permet pas une interprétation conforme au droit de l’Union.

Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article précité de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale.

Il convient en conséquence, d’une part, d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, d’autre part, d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-5 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congé payé au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.

Viole ces textes la cour d’appel qui, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’une indemnité de congé payé de quatre semaines pendant la durée de suspension de son contrat de travail, retient qu’il est de jurisprudence constante qu’une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligation dans le cas d’un particulier et ne peut être invoquée en tant que telle à son encontre. Que la salariée ne peut, dans le cas d’un employeur ne disposant pas de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables entre particuliers, revendiquer des droits à congé payé au-delà de la période visée à l’article L. 3141-5 du Code du travail en raison des limites attachées au principe de l’interprétation conforme qui excluent toute interprétation contra legem du droit national et enfin qu’il ne peut être soutenu, comme le fait la salariée, que le droit à un congé annuel de quatre semaines doit bénéficier à tout travailleur quelle que soit sa situation, et notamment lorsqu’il a été en congé maladie pendant plusieurs années, ce qui a été son cas, puisqu’il serait détourné de sa finalité qui est de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé.

Sources :
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