Les conditions d’une sanction pénale pour l’étranger qui s’est soustrait à l’OQTF

Publié le 27/04/2023
Les conditions d’une sanction pénale pour l’étranger qui s’est soustrait à l’OQTF
Court of Cassation on Seine in Paris, France

Un ressortissant algérien fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français. Quelques mois plus tard, il fait l’objet d’un arrêté préfectoral de placement en rétention pour une durée de quarante-huit heures puis 28 jours, puis trente jours. L’intéressé ayant refusé de se prêter à un test de dépistage de la covid-19 nécessaire pour embarquer dans un avion à destination de l’Algérie, un tribunal correctionnel le déclaré coupable de refus de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’une mesure d’éloignement et le condamne à trois mois d’emprisonnement.

Selon l’article 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pris en son paragraphe 1, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet d’une procédure de retour, afin de procéder à son éloignement, en particulier lorsque la personne évite ou empêche la préparation du retour ou de l’éloignement.

Le même article, en son paragraphe 6 a), prévoit que la durée de la rétention, dont il fixe le maximum, peut être prolongée, lorsque, malgré les efforts déployés par l’État membre, l’opération d’éloignement se prolonge en raison du manque de coopération de la personne concernée.

La CJUE a dit pour droit que la directive précitée s’oppose à une réglementation d’un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales, pour autant que celle-ci permet l’emprisonnement d’un ressortissant d’un pays tiers qui, tout en séjournant irrégulièrement sur le territoire dudit État membre et n’étant pas disposé à quitter ce territoire volontairement, n’a pas été soumis aux mesures coercitives visées à l’article 8 de cette directive et n’a pas, en cas de placement en rétention en vue de la préparation et de la réalisation de son éloignement, vu expirer la durée maximale de cette rétention (CJUE, 6 déc. 2011, n° C-329/11, Achughbabian).

La CJUE considère qu’un tel emprisonnement est en effet susceptible de faire échec à l’application de la procédure d’éloignement et de retarder le retour, portant ainsi atteinte à l’effet utile de cette directive, dont l’objet est la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité.

Il en résulte que les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui doivent être éloignés en application de la directive précitée peuvent, en vue de la préparation et de la réalisation de cet éloignement, s’agissant d’une privation de liberté, tout au plus être soumis à une rétention.

Néanmoins, selon la CJUE, les États membres ont la faculté d’adopter, dans le respect des principes de la directive précitée et de son objectif, des dispositions réglant la situation dans laquelle les mesures coercitives n’ont pas permis de parvenir à l’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers qui séjourne sur leur territoire de façon irrégulière, sans motif justifié de non-retour, la procédure de retour établie par ladite directive ayant été menée à son terme (CJUE, 28 avr. 2011, n° C-61/11).

Telle est la situation de la personne qui a fait l’objet d’une mesure de rétention dont la durée maximale a été atteinte sans qu’elle ait pu être éloignée, malgré les efforts de l’État membre, et de celle dont la rétention a été levée au constat qu’il n’existe plus de perspectives raisonnables d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres, au sens de l’article 15 § 4, de la directive précitée, ce dont le juge saisi des poursuites doit s’assurer.

Il s’en déduit que les délits, punis d’une peine d’emprisonnement, dont la poursuite repose sur la circonstance de l’entrée, du séjour ou du maintien irrégulier de la personne poursuivie, et qui ont pour seul objet de sanctionner le manque de coopération de celle-ci à l’exécution de la décision de retour, ne peuvent être poursuivis avant que la procédure de rétention ne soit parvenue à son terme.

Tel est le cas de l’alinéa 3 de l’article L. 824-9 du CESEDA qui réprime de trois ans d’emprisonnement le fait, pour un étranger, de refuser de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement dont il fait l’objet.

Une telle infraction ne peut être poursuivie que si cet étranger a fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin pour l’un des motifs visés au paragraphe 14, sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement.

En l’espèce, pour déclarer l’intéressé coupable du chef de l’infraction prévue par ce texte, l’arrêt attaqué énonce que, si cette directive interdit de recourir à des mesures pénales tant que les mesures administratives d’éloignement n’ont pas été exercées, elle n’interdit pas de sanctionner des comportements délibérés de refus ou de soustraction aux mesures administratives prises dans le cadre de l’éloignement, sans qu’il soit nécessaire de maintenir l’intéressé en rétention jusqu’à l’expiration du délai maximal de celle-ci.

En se déterminant ainsi, alors que les poursuites pénales ne pouvaient être engagées avant l’expiration du délai de la rétention du prévenu, lequel n’avait pas pris fin en l’espèce, la cour d’appel méconnaît les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

Sources :
Rédaction
Plan
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