CEDH : rétention administrative des étrangers : le cas d’un enfant de huit ans

Publié le 25/04/2022

Les requérants sont deux époux et leur fils, ressortissants géorgiens entrés irrégulièrement en France. Leurs demandes d’asile furent rejetées et, dans le cadre de la mise en œuvre de leur éloignement forcé, la préfecture réserva un vol à destination de la Géorgie. La veille du vol, le préfet prit des arrêtés portant placement en rétention administrative du couple. L’affaire soumise à la Cour concerne le placement en rétention administrative du couple et de leur enfant mineur alors âgé de huit ans, pendant une durée de quatorze jours. Ses parents font valoir que, placé dans une situation d’extrême vulnérabilité, il n’était manifestement pas en mesure de comprendre les explications données par ses parents sur leur situation mais seulement d’en percevoir le caractère anxiogène. Ils soutiennent que son enfermement a entraîné une souffrance morale et psychique dans un lieu d’enfermement.

La Cour constate que, même si l’enfant était accompagné de ses parents au cours de sa détention, cette circonstance n’est pas de nature à exonérer les autorités de leur obligation de protéger l’enfant mineur et de prendre des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention.

S’agissant du critère relatif aux conditions d’accueil, la Cour constate que le centre est au nombre de ceux qui sont habilités à recevoir des familles mais que les annonces du centre diffusées par haut-parleur, exposent les personnes qui y sont retenues à de sérieuses nuisances sonores et que la cour extérieure de la zone de vie dédiée aux familles est uniquement séparée par un simple grillage de la zone réservée aux autres retenus permettant ainsi de voir tout ce qui s’y passe. En outre, si des équipements pour enfants et bébés y sont disponibles, il ressort des constats du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) que le centre, mitoyen du centre pénitentiaire se caractérise par sa dimension sécuritaire omniprésente.

Si ces circonstances ne sont pas suffisantes à elles seules pour que soit atteint le seuil de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3, la Cour réaffirme qu’au-delà d’une brève période de rétention, la répétition et l’accumulation des effets engendrés, en particulier sur le plan psychique et émotionnel, par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant alors le seuil de gravité précité. Il s’ensuit que l’écoulement du temps revêt à cet égard une importance particulière.

La Cour rappelle que le comportement des parents, à savoir, dans la présente affaire, le refus des requérants d’embarquer, n’est pas déterminant quant à la question de savoir si le seuil de gravité prohibé est franchi à l’égard de l’enfant mineur. Au cas d’espèce, la durée de 14 jours de rétention du mineur de huit ans paraît excessive. La Cour note d’ailleurs qu’alors même que le dernier alinéa de l’article L. 551-1 III bis du CESEDA prévoit qu’en la matière « L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale », avant d’apprécier la légalité du placement initial et d’ordonner la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt-huit jours dans le cadre du contrôle juridictionnel qu’il leur incombait d’exercer, le JLD n’a tenu aucun compte de la présence de l’enfant et de son statut d’enfant mineur, et que, s’il a pris en considération cette circonstance, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel n’en a pas suffisamment tenu compte dans la solution qu’il a retenue.

Cela permet à la Cour de conclure que, compte tenu de son jeune âge, des conditions de rétention dans le centre et de la durée du placement en rétention, les autorités compétentes ont soumis l’enfant mineur à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention.

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