CEDH : nécessité d’assignations à résidence

Publié le 31/05/2024

CEDH : nécessité d'assignations à résidence

L’affaire concerne deux mesures d’assignation à résidence prises à l’égard de deux ressortissants français, sur le fondement d’une loi sur l’état d’urgence, à l’occasion de la 21e session de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (« COP 21 »).

Pour assigner les requérants à résidence, le ministre de l’Intérieur s’est fondé sur la nécessité d’assurer la sécurité de la COP 21 dans un contexte marqué, d’une part, par une grave menace terroriste et, d’autre part, par la survenue d’incidents violents lors d’autres événements majeurs organisés dans des pays voisins en 2015. Il s’est par ailleurs appuyé sur des informations portées à son attention par les services de renseignement dans des notes blanches, selon lesquelles des activistes préparaient des actions violentes en marge de ce sommet, auxquelles les deux requérants étaient susceptibles de participer.

Pour l’un d’eux, la Cour relève que, en dépit du caractère contraignant de ses modalités, la mesure reposait sur des motifs pertinents et suffisants et qu’elle était fondée sur des éléments concrets tirés du comportement et des antécédents du requérant traduisant un risque sérieux de participation à des débordements d’une particulière violence. La mesure prise à son encontre n’était donc pas disproportionnée aux buts poursuivis. La Cour juge en outre que le contrôle juridictionnel de la mesure a été entouré de garanties procédurales suffisantes, particulièrement en ce qui concerne la prise en considération des notes blanches produites par le ministre.

En revanche, concernant le second requérant, la Cour relève d’abord qu’à la date des faits, le droit interne français ne comprenait pas de mesure de prévention individuelle permettant de restreindre la liberté de circulation d’individus pouvant constituer une menace pour la sécurité et l’ordre publics hors du cadre de l’état d’urgence. Au vu de l’ampleur de la menace terroriste et de l’impérieuse nécessité d’assurer la sécurité d’une population, elle estime que les autorités internes ont raisonnablement pu considérer que les ressources des lois ordinaires n’étaient pas suffisantes pour faire face à la situation.

L’article 15 de la Convention prévoit qu’en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.

La Cour constate que le Gouvernement, tenu d’informer le Secrétaire général du Conseil de l’Europe des mesures concernées par la dérogation et des motifs qui les ont inspirées en vertu de l’article 15 § 3 de la Convention, a indiqué que l’état d’urgence avait été déclaré en raison de la gravité de la menace terroriste et « pour empêcher la perpétration de nouveaux attentats terroristes ». Ces motifs revêtent, aux yeux de la Cour, une importance déterminante.

La Cour considère que seules les mesures présentant un lien suffisamment fort avec la finalité poursuivie lors de la dérogation sont susceptibles d’être couvertes par celle-ci. Or, le Gouvernement ne démontre pas de façon convaincante que l’assignation à résidence du second requérant s’inscrivait dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et qu’elle était strictement exigée par la situation. La Cour considère donc qu’elle n’est pas couverte par la dérogation française. En conséquence, il y a eu violation de l’article 2 du Protocole n° 4 de la Convention concernant le second requérant.

Sources :
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