CEDH : Révocation du droit d’exercer la profession d’avocat

Publié le 21/03/2025 à 6h01
CEDH : Révocation du droit d’exercer la profession d’avocat
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Le requérant est un ressortissant azerbaïdjanais révoqué du droit d’exercer la profession d’avocat, quelques jours seulement après sa réadmission au barreau azerbaïdjanais, au motif qu’il n’a pas payé sa cotisation pour une période antérieure.

Le requérant soutient que sa radiation du barreau s’analyse en une atteinte à son droit au respect de sa vie privée, que la procédure interne n’a pas été équitable, qu’il a été privé de son activité professionnelle en raison de ses opinions critiques et que ses droits protégés par la Convention ont fait l’objet de restrictions visant des buts autres que ceux prévus par la Convention.

La Cour rappelle d’emblée qu’elle a déjà jugé qu’une décision d’un barreau imposant une sanction disciplinaire, confirmée par les juridictions internes, constitue une ingérence d’une autorité publique. En l’espèce, compte tenu de ses conclusions concernant l’applicabilité de l’article 8 de la Convention, la Cour estime que la mesure litigieuse empêchant le requérant d’exercer la profession d’avocat s’analyse en une ingérence dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée.

Une telle ingérence doit être justifiée comme étant prévue par la loi, poursuivant un ou plusieurs des buts légitimes qui y sont énumérés et étant nécessaire dans une société démocratique pour atteindre le ou les buts concernés.

La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, l’expression « prévue par la loi » exige que la mesure contestée ait une base en droit interne et soit compatible avec la prééminence du droit. Cette expression renvoie également à la qualité de la loi en question, exigeant qu’elle soit accessible aux personnes concernées et prévisible quant à ses effets. Pour que la loi réponde au critère de prévisibilité, elle doit énoncer avec suffisamment de précision les conditions dans lesquelles une mesure peut être appliquée, afin de permettre aux personnes concernées – au besoin, avec des conseils appropriés – de régler leur conduite. En outre, pour que le droit interne réponde aux exigences qualitatives, il doit offrir une certaine protection juridique contre les ingérences arbitraires des autorités publiques dans les droits garantis par la Convention. En matière de droits fondamentaux, il serait contraire à la prééminence du droit qu’un pouvoir discrétionnaire conféré à l’exécutif soit exprimé en termes de pouvoir illimité. Par conséquent, la loi doit indiquer avec suffisamment de clarté l’étendue de ce pouvoir discrétionnaire et les modalités de son exercice.

Pour apprécier la légalité d’une ingérence, et notamment la prévisibilité de la loi interne en cause, la Cour tient compte à la fois du texte de la loi et de la manière dont elle a été appliquée et interprétée par les autorités nationales.

En ce qui concerne les circonstances de l’espèce, la Cour observe que, si le Gouvernement a soutenu que l’ingérence était prévue par la loi puisque le Présidium était habilité à statuer sur les questions d’admission au barreau, le requérant a soutenu que l’ingérence était illégale car le droit interne pertinent ne prévoyait pas la possibilité de révoquer une décision d’admission et que la cessation de son activité d’avocat avait été effectuée en violation de la loi.

La Cour relève que les juridictions internes se sont fondées, dans la procédure interne, sur l’article 23, partie I, de la loi, estimant que le requérant avait omis de payer ses cotisations pendant plus de six mois sans motif valable alors qu’il était membre du barreau, entre 2009 et 2012, et que ce manquement constituait le motif légal de la cessation de son activité d’avocat. Cependant, les juridictions internes n’ont pas tenu compte du fait que cet article prévoit expressément que, dans des cas tels que celui du défaut de paiement des cotisations pendant plus de six mois sans motif valable, la cessation de l’activité d’avocat peut être prononcée uniquement sur la base d’une décision de justice entrée en vigueur excluant cet avocat du barreau. Le Gouvernement n’ayant pas présenté d’observations à cet égard, la Cour ne peut que conclure que, en l’absence de décision judiciaire, la cessation de l’activité d’avocat du requérant par la décision du Présidium n’a pas été effectuée conformément aux dispositions pertinentes du droit interne auxquelles les juridictions internes se sont référées dans leurs décisions.

Plus encore, même à supposer que les dispositions de l’article 11 de la loi habilitant le Présidium à statuer sur les questions d’admission puissent également fournir, comme semble l’affirmer le Gouvernement, une base légale pour la révocation de sa décision antérieure concernant l’admission d’un avocat, la Cour estime qu’une telle disposition générale ne satisfait pas à l’exigence de « qualité de la loi » au sens de l’article 8 de la Convention.

La Cour estime qu’une telle interprétation et application du droit interne pertinent permettrait au Présidium d’exercer un pouvoir discrétionnaire absolu pour révoquer à tout moment une décision d’admission antérieure, en l’absence d’un cadre juridique clair et détaillé ou de garanties contre d’éventuels abus ou arbitraires, en contournant le cadre juridique relatif aux procédures disciplinaires à l’encontre des avocats et à la cessation de l’activité d’avocat. En particulier, une telle interprétation et application du droit interne pertinent viderait de toute substance la partie II de l’article 23 de la loi, relative à la cessation de l’activité d’avocat.

Ces considérations suffisent à permettre à la Cour de conclure que l’ingérence en question n’était pas « prévue par la loi » au sens de l’article 8 § 2 de la Convention. Compte tenu de cette conclusion, la Cour n’est pas tenue d’examiner si l’ingérence poursuivait l’un des buts légitimes visés à l’article 8 § 2 et était nécessaire dans une société démocratique.

Sources :
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