CEDH : terrorisme et déchéance de nationalité

Publié le 11/12/2024

CEDH : terrorisme et déchéance de nationalité

Les requérants sont une ressortissante marocaine et un ressortissant tunisien qui avaient acquis la nationalité belge par déclaration de nationalité respectivement en 2000 et en 2001.

Condamnés pour des faits de terrorisme, ils furent déchus de la nationalité belge, la cour d’appel de

Bruxelles estimant que chacun avait gravement manqué à leurs devoirs de citoyen belge en raison des faits pour lesquels ils avaient été reconnus coupables. Dans sa décision, la cour d’appel releva que les requérants avaient tous deux une autre nationalité. Plus tard, un ordre de quitter le territoire fut émis à leur encontre.

D’emblée, la Cour tient à préciser que les griefs invoqués par les requérants concernent uniquement les décisions par lesquelles ils ont été déchus de leur nationalité belge. Les décisions postérieures leur ordonnant de quitter le territoire et leur interdisant d’y entrer pour une durée de quinze ans ne font pas l’objet de l’affaire portée devant elle.

La Cour note que la requérante fait état de relations familiales avec sa fille majeure et sa petite‑fille, toutes deux de nationalité belge. En l’absence d’éléments supplémentaires de dépendance autres que les liens affectifs normaux, la Cour rappelle que les rapports familiaux entretenus entre adultes, y compris avec leurs enfants majeurs, ne bénéficient pas de la protection de la vie familiale garantie par l’article 8 de la Convention. Mais la conséquence de la déchéance de nationalité a également trait à la perte d’un élément de l’identité des requérants qui sont tous deux arrivés sur le territoire belge à un très jeune âge et ont vécu pendant plusieurs dizaines d’années en Belgique avant d’obtenir la nationalité belge par déclaration de nationalité. Il en résulte que la décision de déchoir les requérants de leur nationalité belge a constitué une ingérence dans leur droit au respect de la vie privée.

La Cour peut admettre que la déchéance de la nationalité belge des requérants poursuivait les buts légitimes de la défense de la sécurité nationale ainsi que de la prévention des infractions pénales.

S’agissant de l’ampleur de la marge d’appréciation devant être reconnue à l’État défendeur, la Cour estime que les questions relatives à l’octroi, la perte et – comme en l’espèce – la déchéance de la nationalité relèvent d’un domaine dans lequel les États contractants doivent se voir reconnaître une ample marge d’appréciation.

De même, la Cour rappelle que la violence terroriste constitue en elle‑même une grave menace pour les droits de l’homme et, par conséquent, qu’il est légitime que les États parties ne restent pas passifs à l’égard de personnes définitivement condamnées pour des faits qui portent directement atteinte aux valeurs de la Convention.

La Cour attache de l’importance au fait que cette mesure a été prononcée, en l’espèce, par un tribunal disposant de la plénitude de juridiction et dont l’indépendance n’a pas été mise en question. Par ailleurs, elle constate que les requérants ne contestent pas avoir eu la possibilité de se défendre devant la cour d’appel dans le cadre d’une procédure contradictoire, au cours de laquelle ils ont bénéficié de l’assistance d’un avocat et ont pu soumettre des observations orales et écrites.

La Cour relève ensuite que les mesures litigieuses ont été prononcées par la cour d’appel aux termes d’une motivation qui ne pourrait à l’évidence être considérée comme superficielle. Elle estime que les motifs de la cour d’appel sont pertinents et suffisants, tenant dûment compte des éléments relatifs à leur vie privée. La cour d’appel a ainsi pu considérer que les actions ayant entraîné les condamnations pénales des requérants avaient révélé le peu d’importance qu’avait eu leur attachement à la Belgique et à ses valeurs dans la construction de leur identité personnelle. Par ailleurs, la Cour note que les requérants ont tous les deux une autre nationalité, et que la décision de les déchoir de la nationalité belge n’a donc pas eu pour conséquence de les rendre apatrides.

L’examen des éléments qui précèdent permet de conclure que, dans la mise en balance des intérêts en jeu, les autorités belges n’ont pas excédé leur ample marge d’appréciation et que dès lors on peut considérer que les mesures litigieuses étaient « nécessaires dans une société démocratique ».

Sources :
Rédaction
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