QPC : droits de mutation par décès et indemnité de réduction en valeur des libéralités excessives

Publié le 07/06/2023
Conseil Constitutionnel
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Une QPC reproche aux délais imposés par la loi d’obliger les héritiers réservataires à s’acquitter de droits de succession alors même qu’ils n’auraient pas encore perçu les sommes imposables, en méconnaissance du principe d’égalité devant les charges publiques. Au soutien de ce grief, elles font valoir que, dans le cas où un légataire universel du défunt a également la qualité d’héritier légal et est ainsi tenu de verser aux héritiers réservataires une indemnité correspondant à la portion du legs excédant leur réserve, le versement de cette somme dépend de la seule diligence du légataire universel. Ainsi, les héritiers réservataires ne seraient pas toujours en mesure d’en disposer au moment où ils doivent s’acquitter des droits de succession.

Selon l’article 912 du Code civil, la réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. En application de l’article 924 du même code, lorsque les libéralités consenties par le défunt excèdent la quotité disponible, les héritiers réservataires doivent être indemnisés par le gratifié à concurrence de la portion excessive de la libéralité.

Il résulte de ces dispositions et du premier alinéa de l’article 724 du Code civil que, en présence d’un légataire universel ayant également la qualité d’héritier, ce dernier est seul saisi de plein droit de l’ensemble de la succession et doit indemniser les héritiers réservataires.

En application de l’article 641 du Code général des impôts, ces héritiers réservataires sont tenus de s’acquitter des droits de mutation par décès dans un délai déterminé, indépendamment du paiement effectif de cette indemnité.

En premier lieu, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, telle qu’elle résulte de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que l’héritier réservataire dispose, en vertu de la loi, d’une créance à l’égard du légataire universel qui consiste en une indemnité de réduction égale à la fraction du legs portant atteinte à sa réserve.

Ainsi, dès l’ouverture de la succession, l’héritier réservataire dispose d’une créance certaine à l’égard du légataire universel.

En second lieu, la circonstance que, dans certains cas, le versement effectif de l’indemnité à l’héritier réservataire pourrait être retardé du fait du comportement du légataire universel est sans incidence sur l’appréciation des capacités contributives de l’héritier à raison de l’actif que constitue cette créance, qui est certaine.

Au demeurant, les héritiers, qui disposent d’un délai de six mois à compter du jour du décès pour déclarer la succession et payer les droits de mutation, ont la faculté de mettre en œuvre l’ensemble des procédures de droit commun pour garantir et recouvrer leur créance. Ils ont en outre la possibilité, en vertu de l’article 813-1 du Code civil, de demander au juge la désignation d’un mandataire successoral à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.

Il en résulte que les mots « les héritiers » figurant au premier alinéa de l’article 641 du Code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 72-685 du 4 juillet 1972 mettant en harmonie le Code général des impôts avec les dispositions de la loi n° 69‐1168 du 26 décembre 1969 portant simplifications fiscales et incorporant à ce code diverses dispositions d’ordre financier, sont conformes à la Constitution.

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