Fixation du loyer du bail renouvelé : compétence et volonté des parties

Il résulte des articles L. 145-33 à L. 145-36 du Code de commerce qu’à défaut d’accord des parties sur le montant du loyer du bail renouvelé, celui-ci est fixé judiciairement à la valeur locative.
Selon l’article R. 145-23 du Code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur ces demandes.
Aux termes de l’article 71 du Code de procédure civile, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.
Aux termes de l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
Le pourvoi pose la question préalable de la qualification du moyen soulevé par l’une des parties à un bail commercial pour s’opposer à une demande en fixation du prix du bail renouvelé à la valeur locative, au motif que les parties sont convenues d’un loyer comprenant une part variable sans prévoir de recours au juge des loyers commerciaux pour fixer la part fixe ou le minimum garanti à la valeur locative.
L’article R. 145-23 du Code de commerce étant applicable à toute demande en fixation du prix d’un bail renouvelé sans exclusion pour les baux stipulant un loyer comprenant une part variable, un tel moyen s’analyse en une défense au fond et non en une fin de non-recevoir.
En conséquence, le juge des loyers commerciaux ne peut déclarer irrecevable une telle demande, mais doit l’examiner au fond.
Il en découle une autre question relative à l’office du juge des loyers commerciaux saisi d’une contestation portant sur le prix du bail renouvelé d’un loyer comprenant une part variable.
Sur ce point, la jurisprudence a évolué. La Cour de cassation juge à présent que lorsque les parties sont convenues d’un loyer comprenant un minimum garanti et une part variable, elles peuvent prévoir, par une clause du contrat, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, ce minimum garanti à la valeur locative.
En effet, d’une part, les dispositions du Code de commerce relatives à la fixation du prix du bail renouvelé étant supplétives de la volonté des parties, celles-ci sont libres de déterminer des conditions de fixation du prix du bail renouvelé excluant une fixation judiciaire à la valeur locative, d’autre part, le juge des loyers commerciaux ne peut déterminer qu’une somme fixe et ne peut modifier la clause de loyer variable, reconduite dans le bail renouvelé.
Si les parties qui stipulent une clause de loyer variable manifestent ainsi, en principe, une volonté d’exclure une fixation judiciaire du prix du bail renouvelé à la valeur locative, il en va autrement lorsqu’elles ont exprimé une volonté commune contraire.
Dès lors, même en l’absence d’une clause expresse de recours au juge des loyers commerciaux, il appartient à celui-ci, lorsqu’il est saisi du moyen de défense au fond ci-dessus énoncé, de rechercher cette volonté commune contraire, soit dans le contrat, soit dans des éléments extrinsèques.
Ainsi, le fait que toute contestation sur le prix d’un bail renouvelé ne se résolve pas par une fixation judiciaire à la valeur locative et puisse aboutir au maintien du loyer antérieur, les parties pouvant toujours exercer leur droit d’option, ne méconnaît pas le droit d’accès au juge.
Encourt la cassation l’arrêt qui, statuant en appel du juge des loyers commerciaux, retient, pour déclarer irrecevable la demande en fixation judiciaire du loyer renouvelé, que l’application de la règle jurisprudentielle selon laquelle la fixation du loyer binaire échappe aux dispositions du statut et n’est régie que par la convention des parties, sauf si elles ont prévu par une clause du bail de soumettre la fixation du loyer lors du renouvellement aux dispositions de l’article L. 145-33 du Code de commerce, n’a pas porté une atteinte au droit d’accès de la bailleresse à un tribunal consacré par l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, dès lors qu’elle a pu saisir le juge des loyers commerciaux qui a examiné sa demande pour la déclarer irrecevable et qu’elle peut saisir le tribunal judiciaire qui reste compétent pour trancher le litige.
En statuant ainsi, alors que la locataire ne soulevait pas une fin de non-recevoir mais une défense au fond, la cour d’appel, qui devait restituer son exacte qualification à ce moyen et rechercher, comme le lui demandait la bailleresse, si les parties n’avaient pas exprimé une volonté commune, en cas de désaccord, de voir fixer judiciairement le prix du bail renouvelé à la valeur locative, la cour d’appel viole les textes susvisés.
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