Preuve de la faute de l’avocat et secret professionnel

Une société, qui avait conclu avec un avocat une convention de services juridiques, soutenant que ce dernier avait commis un détournement de clientèle et une rétention de dossiers, dépose plainte pour abus de confiance et quelques mois plus tard, la convention est résiliée à l’initiative de l’avocat.
Le droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, implique que chaque partie à l’instance soit en mesure d’apporter la preuve des éléments nécessaires au succès de ses prétentions.
Aux termes de l’article 145 du Code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Constituent des mesures légalement admissibles, au sens de ce texte, des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi.
Si, selon l’article 66-5, alinéa 1, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 le secret professionnel couvre en toutes matières, dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier, il est institué dans l’intérêt du client ayant droit au respect du secret des informations le concernant et non dans celui de l’avocat.
En application de l’article 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant Code de déontologie des avocats, l’avocat ne peut commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel, à moins qu’il n’assure sa propre défense devant une juridiction.
Il s’en déduit que le secret professionnel de l’avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile dès lors que les mesures d’instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l’avocat, sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en œuvre avec des garanties adéquates.
Viole ces textes la cour d’appel qui, pour rétracter l’ordonnance sur requête désignant un huissier de justice, avec mission de se rendre au cabinet professionnel de l’avocat et de procéder, avec l’aide éventuelle d’un expert informatique, notamment, à la recherche de documents et correspondances de nature à établir les faits litigieux, les copies réalisées devant être séquestrées entre les mains de l’huissier de justice, retient qu’aucun texte n’autorise la consultation ou la saisie des documents détenus par un avocat au sein de son cabinet en dehors de la procédure prévue à l’article 56-1 du Code de procédure pénale et que le juge a autorisé des mesures sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile qui ne sont pas légalement admissibles en ce qu’elles portent atteinte au secret professionnel des avocats.
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