Affaire X, archevêque de Lyon
Un justiciable, archevêque de Lyon durant de nombreuses années, est cité pour omission de porter secours, de 2002 à 2015, pour avoir laissé des enfants et adolescents être au contact d’un prêtre du diocèse de Lyon, curé de paroisse, aumônier d’un établissement catholique et aumônier d’unité scoute et les avoir ainsi exposés à des agressions sexuelles, et pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs, au cours de la même période.
Le tribunal correctionnel de Lyon déclare irrecevable l’action des parties civiles, s’agissant de l’infraction d’omission de porter secours. Le tribunal relaxe les collaborateurs de l’évêque, ou juge que l’action publique est éteinte par prescription à leur égard. Le tribunal correctionnel retient, en ce qui concerne l’évêque, que l’infraction de non-dénonciation d’agressions sexuelles n’est pas constituée pour la période antérieure à 2010, que l’action publique est éteinte par prescription, depuis 2013, pour la non-révélation d’une agression dont il a eu connaissance en 2010, et le déclare coupable des faits de non-dénonciation des agressions sexuelles qui lui ont été révélées à partir de juillet 2014 et jusqu’au 5 juin 2015. Le tribunal le condamne à six mois d’emprisonnement avec sursis et prononce sur les intérêts civils.
Le délit de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineur, prévu et puni par l’article 434-3 du Code pénal, dans sa rédaction applicable en la cause, est un délit instantané dont la prescription court à compter du jour où le prévenu a eu connaissance des faits qu’il devait dénoncer.
L’article 434-3 du Code pénal, dans sa rédaction applicable au moment des faits, issue de l’ordonnance n° 2000-916 du 16 septembre 2000, réprime le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives.
Cet article est inséré dans une section du code pénal intitulée « Des entraves à la saisine de la justice ». Or, loin de poser un principe général obligeant les particuliers à dénoncer tous les faits délictueux dont ils ont connaissance, principe qui n’est énoncé nulle part ailleurs dans le Code pénal, les dispositions contenues dans cette section ne rendent la dénonciation obligatoire que lorsqu’elle est particulièrement nécessaire en raison de certaines circonstances de fait. Comme tout texte d’incrimination, surtout s’il ne découle pas d’un principe général, cette disposition doit être interprétée de manière stricte.
Cet article a pour but de lever l’obstacle aux poursuites pouvant résulter de ce que l’âge ou la fragilité de la victime l’ont empêchée de dénoncer les faits. Il en résulte que, lorsque cet obstacle est levé, l’obligation de dénonciation ainsi prévue disparaît.
Aussi, la condition, prévue par le texte en cause, tenant à la vulnérabilité de la victime, doit-elle être remplie non seulement au moment où les faits ont été commis, mais encore lorsque la personne poursuivie pour leur non-dénonciation en a pris connaissance.
En revanche, tant que l’obstacle ainsi prévu par la loi demeure, l’obligation de dénoncer persiste, même s’il apparaît à celui qui prend connaissance des faits que ceux-ci ne pourraient plus être poursuivis, compte tenu de la prescription de l’action publique. En effet, d’une part, la condition que la prescription ne soit pas acquise ne figure pas à l’article 434-3 du Code pénal, d’autre part, les règles relatives à la prescription sont complexes et ne peuvent être laissées à l’appréciation d’une personne qui peut, en particulier, ignorer l’existence d’un acte de nature à l’interrompre.
Si c’est à tort que la cour d’appel estime que l’obligation de dénoncer ces agressions sexuelles commises sur des mineurs avait disparu en raison de la prescription de l’action publique, la cassation n’est pas pour autant encourue, dès lors que, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d’appel énonce que les victimes étaient, au moment où les faits ont été portés à la connaissance du prévenu, en état de les dénoncer elles-mêmes et que ce seul motif est de nature à justifier la relaxe prononcée.
Sources :