Exequatur d’un jugement étranger d’adoption : le contrôle du juge

Publié le 18/12/2024
Exequatur d'un jugement étranger d'adoption : le contrôle du juge
Court of Cassation on Seine in Paris, France

Un jugement américain accueille la demande d’adoption d’un enfant mineur, met fin de manière permanente aux droits des parents biologiques, dit que l’enfant portera désormais le nom de l’adoptant, et dit que le requérant aura la même relation juridique à son égard que s’il était naturellement de lui, y compris les droits et devoirs relatifs à l’assistance et aux successions.

Agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de l’enfant, l’intéressé assigne le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer l’exequatur de cette décision.

Aux termes de l’article 509 du Code de procédure civile, les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi.

Les jugements étrangers relatifs à l’état des personnes, produisant de plein droit leurs effets en France sauf s’ils doivent donner lieu à une mesure d’exécution sur les biens ou de coercition sur les personnes, peuvent être mentionnés sur les registres français de l’état civil indépendamment de toute déclaration d’exequatur.

Leur régularité internationale est cependant contrôlée par le juge français lorsque celle-ci est contestée ou qu’il lui est demandé de la constater.

Pour accorder l’exequatur, le juge français doit, en l’absence de toute convention internationale, s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure ainsi que l’absence de fraude. Il lui est interdit de réviser au fond le jugement.

Est contraire à la conception française de l’ordre public international la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante. Il incombe au demandeur de produire ces documents.

En matière d’adoption, le juge de l’exequatur doit être en mesure, à travers la motivation de la décision ou les documents de nature à servir d’équivalent qui lui sont fournis, de connaître les circonstances de l’adoption et de s’assurer qu’il a été constaté que ses parents ou ses représentants légaux y ont consenti dans son principe comme dans ses effets.

La cour d’appel relève que s’il est constant que la compétence du juge américain et l’absence de fraude ne sont pas contestées, le jugement ne contient aucune motivation. En particulier, il ne fait état ni de l’existence du consentement à l’adoption des parents ou des représentants légaux de l’enfant, dont l’identité n’est pas précisée, ni des conditions de recueil de l’enfant.

Elle estime que les attestations, improprement qualifiées de certificat de coutume et établies par un avocat du cabinet chargé par le demandeur des démarches judiciaires américaines pour l’adoption, postérieurement au jugement et directement à l’intention du juge français, sont inopérantes. Elle constate qu’invité à produire des éléments de nature à servir d’équivalent à cette motivation défaillante, notamment la requête visée par le jugement, le demandeur à l’exequatur n’a pas souhaité le faire.

Ayant ainsi établi qu’elle n’a pas été mise en mesure d’exercer son contrôle, la cour d’appel en déduit exactement que le jugement heurte l’ordre public international français et ne peut en conséquence recevoir l’exequatur.

Sources :
Rédaction
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