Expropriation : non-application d’une nouvelle jurisprudence au nom du procès équitable
À la suite de l’expropriation à son profit d’une parcelle louée à une société, l’établissement public foncier d’Ile-de-France (l’EPFIF) saisit le juge de l’expropriation en fixation des indemnités revenant à celle-ci et l’expropriée reproche à l’arrêt de déclarer caduc son appel.
Aux termes de l’article R. 311-26, alinéa 1er, du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.
Il résulte de l’article R. 311-29 du même code que, sous réserve des articles R. 311-24 à R. 311-28, R. 311-19, R. 311-22 et R. 312-2 de ce code, la procédure devant la cour d’appel statuant en matière d’expropriation est régie par les dispositions du titre VI du livre II du Code de procédure civile.
Selon l’article 930-1, alinéa 3, du Code de procédure civile, lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à la date figurant sur le cachet du bureau d’émission.
En matière d’expropriation, il est jugé que le délai pour déposer ou adresser le mémoire d’appel au greffe de la cour d’appel court à compter de la date de réception, par le greffe, de l’appel formé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (Cass. 3e civ., 20 oct. 1981, n° 80-70328, Cass. 3e civ., 22 juin 2023, n° 22-15569).
Toutefois, en matière de procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire, ce point de départ est fixé au jour de l’expédition de cette lettre (Cass. 2e civ., 9 janv. 2020, n° 18-24107).
L’objectif d’harmonisation et de simplification des charges procédurales pesant sur les parties doit conduire à juger désormais que le délai de trois mois accordé à l’appelant, à peine de caducité, pour adresser au greffe son mémoire d’appel et les documents qu’il entend produire, court à compter de l’expédition de la déclaration d’appel par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Cependant, l’application immédiate de cette règle de procédure dans l’instance en cours aboutirait à priver la société expropriée, qui n’a pu raisonnablement anticiper ce revirement de jurisprudence, d’un procès équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, en lui interdisant l’accès au juge.
Dès lors, il ne peut être fait application de la nouvelle règle de procédure à l’occasion du présent pourvoi.
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