Action en reconnaissance de co-emploi : nature et point de départ de la prescription

Quelques semaines après son retour de congé parental, une salariée est informée que la société qui l’employait avait été reprise. En l’absence d’information sur le nouvel employeur, malgré la fermeture définitive du magasin, la salariée saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation de ce nouvel employeur à lui payer diverses sommes.
Ayant appris que l’activité de celui-ci s’était poursuivie malgré la cession de ses parts sociales et sa radiation et que son dirigeant était également gérant d’une autre société exploitant un autre magasin, la salariée saisit plusieurs mois plus tard le conseil de prud’hommes afin de voir reconnaître la qualité de co-employeurs aux deux sociétés et au dirigeant d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices.
Parallèlement, un tribunal correctionnel déclare le dirigeant coupable des chefs d’organisation frauduleuse d’insolvabilité afin d’échapper à une condamnation patrimoniale et d’usage de faux en écriture.
Aux termes de l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Aux termes de l’article L. 1471-1, alinéa 1er, du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Il résulte de la combinaison de ces textes que l’action visant à la reconnaissance d’une situation de co-emploi revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription de l’article 2224 du Code civil.
Lorsque la situation de co-emploi a été révélée au salarié par la découverte d’une fraude, le point de départ de ce délai est la date à laquelle celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits, révélant l’existence de la fraude, lui permettant d’exercer son droit.
Ce point de départ est également applicable aux actions relatives aux demandes salariales et indemnitaires consécutives à la reconnaissance d’une situation de co-emploi, lesquelles sont soumises au délai de prescription déterminé par la nature de la créance invoquée.
La cour d’appel, ayant relevé que le procureur de la République avait fait citer le dirigeant social devant le tribunal correctionnel courant 2016, procédure dans laquelle la salariée s’était constituée partie civile, date à laquelle elle avait été en mesure de connaître l’organisation frauduleuse d’insolvabilité par son employeur, et que cette dernière avait saisi la juridiction prud’homale le 4 mars 2016 afin de voir reconnaître la qualité de co-employeurs aux deux sociétés et à ce dirigeant afin de percevoir des indemnités relatives à la rupture du contrat de travail, en déduit exactement que son action n’était pas prescrite.
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