Irrégularité de forme dans les échanges entre un avocat et un conseiller syndical
Représenté par un défenseur syndical, un justiciable relève appel d’un jugement rendu, le 19 août 2019, par un conseil de prud’hommes dans un litige l’opposant à une société.
Sur conclusions d’incident de cette dernière, un conseiller de la mise en état prononce la caducité de la déclaration d’appel, par ordonnance du 19 janvier 2021 que l’appelant défère à la cour d’appel.
Selon l’article 930-3 du Code de procédure civile, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie de signification.
Selon l’article 114 du même code, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Il résulte de l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, selon la CEDH, que le droit d’accès aux tribunaux n’étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, laquelle peut varier dans le temps et dans l’espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 précité que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Viole ces textes la cour d’appel qui, pour prononcer la caducité de l’appel, énonce que l’article 667 du même code, relatif à la notification des actes en la forme ordinaire, ne s’applique pas en l’espèce, les échanges entre un avocat et un défenseur syndical étant réglementés par l’article 930-3 précité, que le défenseur syndical a déposé, en main propre contre récépissé, ses conclusions et ses pièces directement auprès de l’avocat de l’intimée, et que celles-ci n’ont fait l’objet d’aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification avant la date marquant l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 908 du Code de procédure civile.
En effet, la remise des conclusions par l’appelant en main propre à l’avocat de l’intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, constitue une irrégularité de forme qui n’est susceptible d’être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d’une nullité de forme sur la démonstration d’un grief.
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