Recevabilité de la preuve déloyale : l’assemblée plénière remet de l’ordre

Publié le 10/01/2024
Recevabilité de la preuve déloyale : l’assemblée plénière remet de l’ordre
Court of Cassation on Seine in Paris, France

Suivant les principes dégagés par la CEDH, la Cour de cassation a consacré, en matière civile, un droit à la preuve qui permet de déclarer recevable une preuve illicite lorsque cette preuve est indispensable au succès de la prétention de celui qui s’en prévaut et que l’atteinte portée aux droits antinomiques en présence est strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. com., 15 mai 2007, n° 06-10606, Cass. 1re civ., 5 avr. 2012, n° 11-14177).

Sur le fondement des articles 6 § 1, de la Conv. EDH et 9 du Code de procédure civile et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la Cour de cassation juge néanmoins qu’est irrecevable la production d’une preuve recueillie à l’insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème (Cass., ass. plén. 7 janv. 2011, n° 09-14316).

Cette solution est fondée sur la considération que la justice doit être rendue loyalement au vu de preuves recueillies et produites d’une manière qui ne porte pas atteinte à sa dignité et à sa crédibilité.

L’application de cette jurisprudence peut cependant conduire à priver une partie de tout moyen de faire la preuve de ses droits.
La CEDH ne retient pas par principe l’irrecevabilité des preuves considérées comme déloyales. Elle estime que, lorsque le droit à la preuve entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence et que l’égalité des armes implique l’obligation d’offrir, dans les différends opposant des intérêts à caractère privé, à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Elle souligne que ce texte implique notamment à la charge du juge l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence pour la décision à rendre.

En matière pénale, la Cour de cassation considère qu’aucune disposition légale ne permet au juge répressif d’écarter les moyens de preuve produits par des particuliers au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale (Cass. crim., 11 juin 2002, n° 01-85559), le principe de loyauté de la preuve s’imposant, en revanche, aux agents de l’autorité publique (Cass. ass. plén., 10 nov. 2017, n° 17-82028).

Il y a lieu de considérer désormais que, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour déclarer irrecevables les pièces litigieuses, après avoir relevé que celles-ci constituent des transcriptions d’enregistrements clandestins, retient qu’ayant été obtenues par un procédé déloyal, elles doivent être écartées des débats, alors qu’il lui appartenait de procéder au contrôle de proportionnalité

Sources :
Rédaction
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