Magnum contre Paris-Match : questions de propriété de photos et de prescription d’action

Publié le 08/12/2021

Une coopérative photographique ayant pour activité la représentation de photographes et l’exploitation pour leur compte de droits de reproduction et de représentation de leurs oeuvres a remis pendant plusieurs années différents négatifs et planches-contact à la société Hachette Filipacchi associés qui a procédé à des tirages de presse et les lui a restitués.

Cette coopérative assigne la société Hachette sur le fondement des articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle, afin d’obtenir, d’une part, la restitution, sous astreinte, de tirages réalisées par celle-ci correspondant à des listings de photographies publiées dans le magazine Paris-Match au cours de la période s’étendant de 1949 à 1989 ainsi que dans les magazines Elle et Marie-Claire de 1962 à 1969, d’autre part, l’interdiction pour cette société de les vendre, enfin, la réparation de son préjudice. La société, quant à elle, oppose la prescription et le fait qu’elle est propriétaire des tirages réalisés à ses frais.

D’une part, l’action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat constitue une action mobilière distincte de l’action en revendication, de sorte que c’est à bon droit que la cour d’appel retient que la demande de restitution des tirages formée par la société Magnum photos est soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières.

D’autre part, la cour d’appel de Versailles estime, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve soumis, que la restitution de certains tirages ne vaut pas reconnaissance d’un droit au profit de la société Magnum photos pour tous les tirages dont elle réclame la restitution.

Par ailleurs, d’une part, après avoir énoncé à bon droit que, dès lors que la société HFA a financé les supports vierges et les frais techniques de développement, elle est la propriétaire originaire de ces supports et que la propriété intellectuelle est indépendante de la propriété de l’objet matériel, la cour d’appel en déduit exactement que la société Lagardère, propriétaire des tirages litigieux, est en droit d’en disposer.

D’autre part, dès lors qu’il résulte des conclusions d’appel de la coopérative que les tirages dont elle réclame la restitution sont ceux parus dans des titres de presse publiés par la société HFA entre 1949 et 1989, la cour d’appel ne dénature pas ces écritures en retenant que les photographies concernées ont déjà fait l’objet d’une publication.

Mais l’action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt, ou de mandat était soumise à une prescription de trente ans ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008.

Selon l’article 2222, alinéa 2, du même Code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il en résulte que dans le cas d’une telle action, dont le point de départ du délai de prescription se situait antérieurement au 19 juin 2008, la prescription était acquise le 18 juin 2013 à 24 heures.

La cour d’appel qui, pour juger que seules les demandes de restitution portant sur des tirages publiés antérieurement au 19 juin 1983 sont prescrites, énonce que, pour les prescriptions non encore acquises le 19 juin 2008, le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 à 0 heure, sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder trente ans, de sorte que l’assignation délivrée le 19 juin 2013 n’a pas interrompu le délai de prescription, lequel était déjà acquis le même jour à 0 heure, alors qu’il résulte de ces constatations que la totalité des demandes portant sur les tirages publiés entre 1949 et 1989 était prescrite le 19 juin 2013.

Sources :
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