Blanchiment de fraude fiscale et action civile de l’État

Publié le 22/11/2023

Blanchiment de fraude fiscale et action civile de l’État

Une justiciable est condamnée des chefs de fraudes fiscales, d’une part, par minoration des déclarations d’impôt sur le revenu et d’impôt de solidarité sur la fortune, d’autre part, par organisation d’insolvabilité, et de blanchiment.

Une SCI, dont elle est la représentante légale et l’actionnaire majoritaire, est condamnée des chefs de complicité de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité et de blanchiment à la confiscation du bien immobilier dont elle est propriétaire à Paris.

En premier lieu, les juges, qui ont prononcé la confiscation en valeur de l’immeuble appartenant à la société, se sont assurés que la valeur de ce bien n’excédait pas le montant du produit du délit de complicité de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité pour lequel elle a été condamnée. En effet, le produit de cette infraction est constitué par l’économie qu’elle a permis de réaliser, dont le montant est équivalent à celui de la totalité des impôts au paiement desquels s’est soustrait ou a tenté de se soustraire l’auteur principal de la fraude fiscale.

En second lieu, si c’est à tort que la cour d’appel affirme qu’elle n’a pas à apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété de la société, l’arrêt n’encourt pas la censure.

En effet, la cour d’appel, qui a néanmoins procédé audit contrôle, apprécie souverainement le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de la demanderesse par la confiscation prononcée, qu’elle cantonne en conséquence.

Il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que l’action civile n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert d’un dommage directement causé par l’infraction, distinct de l’atteinte portée aux intérêts généraux de la société, dont la réparation est assurée par l’exercice de l’action publique.

Pour condamner l’intéressée à payer à l’État une somme en réparation de son préjudice moral, l’arrêt attaqué énonce que c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable la constitution de partie civile de l’État français au titre du préjudice découlant directement du délit de blanchiment de fraude fiscale dès lors que son fondement est différent de celui résultant de la fraude fiscale déjà indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard dans le cadre de la procédure fiscale.

Les juges relèvent que l’État français est recevable à solliciter une indemnisation au titre du préjudice moral lié aux faits de blanchiment, en raison du discrédit jeté par l’auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l’autorité de l’État dans l’opinion publique.

Ils constatent qu’en l’espèce la dimension d’atteinte à l’égalité fiscale entre citoyens de situation comparable et à l’ordre public économique est particulièrement caractérisée et ce notamment par la mise en place de nombreux mécanismes de dissimulation de recettes et de transfert de fonds et que l’atteinte aux intérêts moraux de l’État inclut le préjudice lié au crédit de celui-ci.

En statuant ainsi, alors que la commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n’est pas susceptible de causer à l’État un préjudice moral distinct de l’atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l’action publique a pour fonction de réparer, la cour d’appel méconnaît les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

Sources :
Rédaction
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