Communication forcée de données personnelles à un syndicat : nécessaire vigilance du juge
Un juge de la mise en état ayant notamment enjoint à une société de communiquer à des syndicats, dans les deux mois suivant la signification de son ordonnance, pour chacune des huit salariées présentées par les demandeurs à la procédure, la liste nominative de tous les salariés embauchés sur une même classification à plus ou moins deux ans par rapport à l’année d’embauche et, pour tous les salariés de ces listes nominatives leur date de naissance, leur sexe, leur niveau de qualification à l’embauche, les dates de passage aux niveaux de classification supérieurs et les niveaux de classification, le salaire brut mensuel de chaque année, en décomposant le salaire de base, les primes fixes et les éléments de rémunération variable de toute nature et les bulletins de paie de décembre depuis leur date d’embauche, la cour d’appel déclare irrecevable l’appel formé par la société, qui forme un pourvoi contre cet arrêt.
L’atteinte éventuelle aux droits des tiers, concernés par une mesure de communication de leurs données personnelles à des parties à un litige, doit nécessairement faire l’objet d’un examen par le juge avant l’exécution de la mesure au regard des droits reconnus par le RGPD, une telle atteinte ne pouvant plus, une fois les pièces communiquées, être utilement réparée par un contrôle postérieur.
Par conséquent, afin de garantir l’effectivité de l’application du droit de l’Union européenne et, plus précisément, du règlement précité, il convient de déclarer le pourvoi immédiatement recevable à l’encontre d’une décision, statuant sur une demande de communication forcée de pièces contenant des données à caractère personnel de tiers entrant dans le champ d’application matériel du RGPD, sans limiter l’ouverture du pourvoi à un excès de pouvoir consacré ou commis par le juge.
Il appartient au juge saisi d’une demande de communication de pièces sur le fondement de l’article 789, 5°, du Code de procédure civile, d’abord, de rechercher si cette communication n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et s’il existe ainsi un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, ensuite, si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, de vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant d’office le périmètre de la production de pièces sollicitées au regard notamment des faits invoqués au soutien de la demande en cause et de la nature des pièces sollicitées.
Il lui appartient également de veiller au principe de minimisation des données à caractère personnel, en ordonnant, au besoin d’office, l’occultation, sur les documents à communiquer par l’employeur au salarié demandeur, de toutes les données à caractère personnel des salariés de comparaison non indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi. Pour ce faire, il lui incombe de s’assurer que les mentions, qu’il spécifiera comme devant être laissées apparentes, sont adéquates, pertinentes et strictement limitées à ce qui est indispensable à la comparaison entre salariés en tenant compte du ou des motifs allégués de discrimination.
Il lui appartient enfin de faire injonction aux parties de n’utiliser les données personnelles des salariés de comparaison, contenues dans les documents dont la communication est ordonnée, qu’aux seules fins de l’action en discrimination.
Sources :