Estimation de l’élément matériel d’une libéralité

Le père de deux enfants décède, en l’état d’un testament olographe, instituant son fils légataire de la pleine propriété de la quotité disponible.
Deux ans auparavant, il lui avait vendu un ensemble de terres agricoles, dont son fils était déjà preneur à bail et, par acte notarié du même jour, lui avait consenti une donation portant sur la nue-propriété de deux maisons.
Des difficultés étant survenues lors du règlement de la succession, la fille assigne son frère en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage.
Il résulte de l’article 843 du Code civil que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.
L’existence de l’élément matériel d’une libéralité rapportable pouvant résulter de la minoration du prix de vente de terres agricoles à un héritier présomptif doit s’apprécier au regard de la valeur réelle des terres au jour de leur vente, considération prise de l’existence d’un bail, peu important que celui-ci ait été consenti à cet héritier.
Viole ce texte la cour d’appel qui, pour dire que les terres vendues au fils et à son épouse doivent être estimées, libres de toute occupation, et donner mission à l’expert de déterminer leur valeur, ainsi estimée, au jour de leur cession, retient que du fait de l’acquisition, le bail dont bénéficiait le fils a cessé de sorte que celui-ci est devenu propriétaire de terres libres.
NOTE : Ainsi que le souligne l’avocat général, il n’existe pas de droit acquis à la succession, mais des espérances qu’il est souvent déraisonnable de trop anticiper à la date de la cession, en l’espèce plus de deux ans avant l’ouverture de la succession.
L’égalité dans le partage n’avait pas à être préservée. Il était d’ailleurs tout à fait loisible au de cujus, s’il l’avait souhaité, de dissiper son patrimoine et il était également possible que l’un de ses héritiers présomptifs ne vienne à décéder avant son auteur, de même qu’il demeurait théoriquement envisageable que l’un de ceux-ci ne soit frappé d’indignité et ainsi privé de sa qualité d’héritier.
Cette lecture justifie, nous semble-t-il, de voir procéder à un nouvel examen de votre jurisprudence, pour retenir non plus la valeur libre de toute occupation, mais la valeur occupée des parcelles agricoles, pour l’appréciation de l’avantage indirect susceptible de résulter de la minoration du prix de vente d’un bien pris à bail rural par un héritier présomptif.
Sources :