Important arrêt sur le licenciement suivant une dénonciation de harcèlement moral

Publié le 09/05/2023
Important arrêt sur le licenciement suivant une dénonciation de harcèlement moral
Court of Cassation on Seine in Paris, France

La salariée d’une association licenciée pour faute grave, soutenant avoir subi et dénoncé des agissements de harcèlement moral, saisit la juridiction prud’homale de demandes tendant notamment à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes au titre du harcèlement moral, de la violation de l’obligation de sécurité et de la rupture du contrat de travail.

Aux termes de l’article L. 1152-2 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l’article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

La Cour de cassation en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce, et que le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation par le salarié de faits de harcèlement moral emporte à lui seul la nullité du licenciement (Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035, Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25554).

La Cour de cassation a également jugé que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s’il avait lui-même qualifié les faits d’agissements de harcèlement moral (Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23045).

Postérieurement, la Cour de cassation a énoncé que l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge (Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 18-26696).

Par ailleurs, la Cour de cassation juge qu’il résulte des articles L. 1121-1 du Code du travail et 10 § 1, de la Conv. EDH que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées et que le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 19-17871).

Dès lors, au regard, d’une part de la faculté pour l’employeur d’invoquer devant le juge, sans qu’il soit tenu d’en avoir fait mention au préalable dans la lettre de licenciement, la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, d’autre part de la protection conférée au salarié licencié pour un motif lié à l’exercice non abusif de sa liberté d’expression, dont le licenciement est nul pour ce seul motif à l’instar du licenciement du salarié licencié pour avoir relaté, de bonne foi, des agissements de harcèlement, il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

La cour d’appel qui constate, d’abord, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration de l’association employeur une lettre pour dénoncer le comportement du directeur du foyer en l’illustrant de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, de sorte que l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral, peut retenir que le grief énoncé dans la lettre de licenciement était pris de la relation d’agissements de harcèlement moral.

Estimant, ensuite, que la mauvaise foi de la salariée n’est pas démontrée, la cour d’appel en déduit à bon droit que le grief tiré de la relation par l’intéressée d’agissements de harcèlement moral emporte à lui seul la nullité du licenciement.

Sources :
Rédaction
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