La loi pour le plein emploi est publiée
La loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a pour ambition de réduire le taux de chômage à 5% à l’horizon 2027 contre 7,1 % aujourd’hui, en ciblant les personnes les plus éloignées de l’emploi dont les 1,9 million de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).
La transformation de Pôle emploi en France Travail
La loi prévoit la création au 1er janvier 2024 d’un nouvel opérateur dénommé « France Travail » en remplacement de Pôle Emploi, dont les missions sont renforcées. Cette création a un double objectif : proposer un meilleur accompagnement à toutes les personnes qui ne sont pas capables de retrouver seules un emploi et renforcer l’accompagnement des entreprises dans leurs processus de recrutement.
La transformation de Pôle emploi en France Travail s’accompagne de la construction d’un « Réseau pour l’emploi ». Ce réseau aura pour principales missions : l’accueil, l’orientation, l’accompagnement, la formation, le placement des demandeurs d’emploi ou des personnes en difficultés sociales ou d’insertion ainsi que la réponse aux besoins des employeurs. Il doit réunir l’opérateur France Travail, l’État, les collectivités locales, les missions locales et Cap emploi. D’autres acteurs pourront y participer.
Un « comité national pour l’emploi », présidé par le ministre de l’Emploi, fixera les règles de fonctionnement du réseau et définira les orientations stratégiques au niveau national. Des « comités territoriaux pour l’emploi » sont aussi prévus aux niveaux régional et départemental et dans les bassins d’emploi.
Le Conseil constitutionnel a censuré l’article de la loi qui autorisait les acteurs constituant le réseau pour l’emploi à partager entre eux certaines informations.
Une inscription généralisée, un contrat d’engagement pour les personnes sans emploi
Une inscription généralisée auprès de l’opérateur France Travail sera mise en place, au plus tard en 2025, pour toutes les personnes sans emploi. Seront concernés :
- les demandeurs d’emploi qui relèvent aujourd’hui de Pôle emploi ;
- les demandeurs du revenu de solidarité active (RSA) (et leur conjoint, concubin ou partenaire pacsé) ;
- les jeunes demandant un accompagnement auprès des missions locales ;
- les personnes handicapées sollicitant un accompagnement auprès de Cap emploi.
L’inscription sera automatique pour les demandeurs du RSA dès le dépôt de leur demande d’allocation ainsi que pour les jeunes ou personnes handicapées demandant à être accompagnés.
Tous ces demandeurs bénéficieront d’une orientation selon des critères communs et d’un diagnostic global suivant un référentiel partagé. Ils devront signer un contrat d’engagement, qui viendra remplacer les dispositifs actuels (projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) pour Pôle emploi, contrat d’engagement jeune (CEJ) ou parcours contractualisé vers l’emploi (PACEA) pour certains jeunes, contrat d’engagement réciproque (CER) pour certains allocataires du RSA). Ce contrat d’engagement unifié comportera « un plan d’action précisant les objectifs d’insertion sociale et professionnelle » et une obligation d’au moins 15 heures d’activité par semaine (actions de formation…) pour les demandeurs d’emploi nécessitant un accompagnement ou les allocataires du RSA. Cette durée minimum de 15 heures pourra être abaissée ou exclue en fonction de la situation du signataire (problèmes de santé, parent isolé sans solution de garde…). Par une réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a jugé que « cette durée devra être adaptée à la situation personnelle et familiale de l’intéressé et limitée au temps nécessaire à l’accompagnement requis, sans pouvoir excéder la durée légale du travail en cas d’activité salariée ».
Depuis le printemps 2023, une durée de 15 à 20 heures d’activité est expérimentée dans 18 départements pilotes dans le cadre de « l’accompagnement rénové des allocataires du RSA « .
En cas de non-respect du contrat d’engagement, l’opérateur France Travail pourra radier la personne de la liste des demandeurs d’emploi. Un décret doit déterminer les durées minimale et maximale de cette radiation et de la sanction de suspension ou suppression du revenu ou des allocations chômage.
Pour les bénéficiaires du RSA, un nouveau régime de sanctions est instauré qui viendra remplacer le système existant. Les allocataires risqueront, en cas de refus de signer leur contrat d’engagement ou de non-respect des engagements, des sanctions graduées :
- une suspension du versement de leur allocation tout d’abord avec une régularisation rétroactive s’ils respectent à nouveau leurs engagements (sanction de suspension-remobilisation). Les sénateurs ont limité à trois mois de RSA les sommes qui pourront être récupérées ;
- puis ensuite une suppression partielle ou totale de leur allocation, dans les cas de manquements les plus graves (réitération du non-respect des termes du contrat, refus de se soumettre aux contrôles…).
Un décret doit préciser le dispositif, notamment la part maximale de RSA pouvant être suspendue ou supprimée.
Sur les sanctions des demandeurs d’emploi et des allocataires du RSA, le Conseil constitutionnel a précisé que le pouvoir réglementaire, « en fixant ces durées et la part du revenu ou des allocations pouvant être suspendue ou supprimée », devra « veiller au respect du principe de proportionnalité des peines ».
L’accès à l’emploi des travailleurs handicapés
Le texte traite également des travailleurs handicapés, avec l’objectif de faciliter leur emploi dans les entreprises ordinaires pour ceux qui le peuvent. Les orientations en établissement et service d’accompagnement par le travail (ESAT) seront prononcées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sur une préconisation de France Travail, en privilégiant l’orientation en milieu ordinaire simple ou accompagné. Les personnes non bénéficiaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), mais titulaires d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’incapacité, auront les mêmes droits que les titulaires d’une RQTH, sans passer par la MDPH. Une équivalence de RQTH sera accordée aux jeunes de 15 à 20 ans en situation de handicap.
Les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT) et les contrats à durée déterminée nommés « Tremplin » (CDDT), jusqu’ici expérimentaux, sont pérennisés.
Les droits des travailleurs en ESAT sont alignés sur ceux des salariés ordinaires (avec conservation de leur protection spécifique).
Plusieurs amendements sont venus compléter ces mesures notamment pour créer un service numérique (baptisé « sac à dos numérique ») qui recensera les aménagements ayant bénéficié à une personne handicapée tout au long de sa vie et pour prévoir les conditions de portabilité des équipements de compensation du salarié handicapé en cas de changement d’employeur.
Les dispositions sur l’accueil des jeunes enfants et les crèches
Un dernier volet est consacré à la gouvernance en matière d’accueil du jeune enfant, avec l’idée de supprimer les freins à la reprise d’emploi des parents de jeunes enfants, dans les suites du plan annoncé par le gouvernement le 1er juin 2023 pour garantir l’accueil du jeune enfant (avec l’objectif de 200 000 nouvelles places d’ici 2030).
Les communes se voient confier le rôle d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant, rôle que nombre d’entre elles exercent déjà dans les faits. Les communes de plus de 10 000 habitants (contre 3 500 dans le texte initial) devront établir un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant à partir de 2025. Les mêmes communes devront mettre en place des relais petite enfance à partir de 2026.
Les sénateurs ont supprimé la disposition du texte initial qui prévoyait une stratégie nationale de l’accueil du jeune enfant, définie par arrêté du ministre de la Famille.
Enfin, un nouvel article a été introduit pour mieux contrôler les crèches, à la suite du récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de la publication de livres sur les dérives de certaines crèches privées.